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Ian Monk / Plouk town
il est sept heures le mardi sept
octobre deux mille trois parking de champion
au soir les caddies s’étirent longuement
sur le bitume atteignent presque les bagnoles
de l’autre côté du passage central
à gauche une mère de famille charge
le coffre de sa voiture avec du
lait des petits suisses des bananes sa
fille la regarde faire en tenant le
caddie en embrassant tendrement une poupée à
droite un clochard pisse longuement contre le
mur de l’ancienne pharmacie maintenant en
ruines là juste derrière les bennes de
recyclage de verre donc de bouteilles en
grande partie la vapeur se lève se
mélange avec les nuages au dessus du
collège Boris Vian rénové qui ressemble à
un Titanic post soixante huit échoué là
parmi ces banquises de bitume ponctuées de
crottes d’ours polaires il ferme sa
braguette et il va rejoindre là les
copains qui gueulent eh ben toi tu
viens ou quoi il y va puis
s’ouvre une canette juste devant lui
une femme marche vite vers le supermarché
de pas décidé visage rouge une poussette
devant elle qui contient un petit caniche
grisâtre elle se ralentit un peu passe
devant le vendeur de Macadam Express qui
lui dit bonjour elle hoche la tête
les pigeons arrivent en quantité industrielle devant
les bennes où on a déposé une
quantité industrielle de bouts de baguettes moisissant
dans les flaques d’eau de pétrole
de bière de vin d’urine ils
becquètent les bouts de pain s’envolent
à droite à gauche secoués et lancés
par leurs becs puis tout le monde
se casse devant la bagnole qui arrive
vite très vite en prenant le parking
comme raccourci tout le monde sauf un
qui se fait choper vlan pas le
temps de se cacher pour mourir lui
et tout son temps pour être petit
à petit écrasé aplati dans le bitume
ses copains sont perchés sur le mur
de l’ex pharmacie plus qu’une
barrière entre le terrain vague crottes
et les pères de famille qui se garent
Plouk town,
Ian Monk, Editions Cambourakis,
2007,
pp. 33-34.
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