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Un pèlerin de Vézelay.
Voilà trente ans que je suis (à ma manière) un pèlerin de Vézelay.Ce que j'y cherche n'est pas précisément de l'ordre de la prière bien que tout soit offrande dans l'accord du monde et des hommes. Je pourrais tracer de mémoire un cercle réunissant tous les points d'où, du plus loin possible, on aperçoit la Madeleine. Longtemps avant qu'un panneau l'indiquât, entre Voutenay et Sermizelles, je ralentissais juste à l'endroit de la Nationale 6 qui découvre la basilique par un angle de vue aussitôt refermé. En descendant par Pontaubert je la saluais, comme tout le monde, plantée au bord de la colline. Du côté de Vauban j'ai regardé le soleil couchant grandir son ombre vers les fonds. Par-dessus Saint-Aubin-des-Chaumes, j'ai tranché la ligne de crête des derniers Vaux d'Yonne pour dessiner (mais de quelle main maladroite !) son portrait. J'ai fait le tour des portes par les chemins herbeux d'Asquins. À Maison-Dieu, j'ai suivi le sentier des bois qui la montre soudain église de village, tout au bout de la rue. « Vézelay, Vézelay, Vézelay, Vézelay », connaissez-vous plus bel alexandrin de la langue française ? J'en ai mieux aimé Aragon.
Aujourd'hui, j'y suis revenu d'instinct. La décision qui m'attendait me paraissait plus facile, presque aisée, dictée par ce pays sublime tandis que sous les tilleuls de la terrasse je contemplais la fin du jour.
François Mitterrand
La paille et le grain
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