C’est sans doute
vers un seul paysage –
immuable, tangible – que l’on s’avance
en écrivant
et que le poème sans fin recommencé tente de circonscrire – en vue d’une lumière, ou d’un apaisement. Un Pré, donc – où aurait eu lieu une scène que l’on hésite à transcrire mais dont l’ombre ne cesse de planer, dans la nuit arrêtée, comme un long cri muet. Et dont l’image se répète, au fil des ans : on se dirige obstinément vers elle, sans l’atteindre jamais. Trouée dans le décor – et dans la prose ordinaire – le poème reproduit cette marche immobile, inventant pour la décrire un nouveau tracé prosodique, dont on percevra peut-être ici l’avancée : car si ce sont des corps qui tombent, à la croisée des pages, le périple menant au Pré fut bien d’abord ce chemin vers qui nous y reconduit sans cesse – avant la traversée.
Parler ne sert à rien
: ils étendent les toiles
dessinent l’araignée
copient l’empreinte
d’une patte d’oiseau
Dans l’herbe une couleuvre rampe
la flèche file à travers ciel
la main dépèce un lièvre.
Une femme accroupie colorie une assiette
des jeunes gens d’herbe sèche.
Un poinçon grave un signe
dans le cuir d’un licou.
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