Yoshirô Ishihara
À l’extérieur des oreilles,
il y a une nuit
sous la forme des oreilles
Au fond des trous des oreilles,
il y a une nuit moulée dans les trous des oreilles
Sur le seuil qui sépare à peine
la sortie des oreilles et l’entrée des trous des oreilles,
une sorte de goutte d’eau
tombe
Le costume est l’eau
Retraçant vers la face les sourcils,
un souffle, lentement,
se retire en arrière
L’ombre des choses,
se transformant en une planche en bois,
vers une face mouillée,
se retourna
Après cela
il y a une coupure de la respiration
une porcelaine fut cassée
un œuf fut cassé
Sitôt qu’une croche dure à peine,
le bruit du feu coupé, de façon embaumante,
a frappé et répandu
une sorte de fleur
La pensée que croyait la forêt,
la hache la croyait aussi
Le vent qui traverse les lames de la hache
la croyait aussi
Lorsque la verdure du
calme imposant
va accueillir
l’équilibre qui devient voix
en se pliant vers la forêt,
en pérégrinant
le silence souple,
cette pulsation
qui gagne l’autonomie
en devenant lame,
que la hache
a un profil pâle
que dans cette profondeur
de la forêt
il n’y a rien
qui ne peut arriver
Au moment du calme qui fait face à moi
vers l’intervalle calme
qui va se lever ?
Au moment du calme qui fait face à moi
vers l’issue calme
qui va retourner sa tête ?
Au moment du calme qui fait face à moi
l’arrière calme
qui va le défendre ?
À des bruits du monde
prêtez vos oreilles
à un bruit de cheville qui grince
à un bruit de colonne vertébrale qui s’incline
à un bruit de pierre qui rampe
à un bruit de main qui se détache d’une épaule
à un bruit des témoins qui quittent
à un bruit des bruits qui disparaissent
comme si c’était une résignation
en inclinant des choses auparavant calmes
Les salutations courent vers le sud
J’ai adoré la guitare et le matin
Le matin plié sur la guitare
se précipitant sur la sortie
devenant voix à l’unisson,
je l’ai adoré plus que tout
J’ai adoré la guitare et la nuit
La nuit, à cette hauteur,
faisant flotter la guitare
et aussitôt
la tomber lourdement,
je l’ai adoré plus que tout
J’ai adoré la guitare et la mort
Lorsque j’adore la guitare et la mort,
je les ai adorés avec tant de nuits
je les ai adorés avec tant de matins
Lorsque la mort répète la guitare,
le matin s’achève dans la prière
Le matin plié sur la guitare
se précipitant sur la sortie
devenant voix à l’unisson,
je l’ai adoré plus que tout
J’ai adoré la guitare et la nuit
La nuit, à cette hauteur,
faisant flotter la guitare
et aussitôt
la tomber lourdement,
je l’ai adoré plus que tout
J’ai adoré la guitare et la mort
Lorsque j’adore la guitare et la mort,
je les ai adorés avec tant de nuits
je les ai adorés avec tant de matins
Lorsque la mort répète la guitare,
le matin s’achève dans la prière
le soir s’achève dans la prière
Dans le grandiose silence
comme le dos du taureau
il s’accroupit
il se lève de nouveau
il a enfoncé des clous de feu sur quatre coins sûrs
Sur un clou on accroche le fouet
Sur un clou on accroche la prière
Sur un clou on accroche soi-même
Sur un clou on accroche sa dernière heure
comme le dos du taureau
il s’accroupit
il se lève de nouveau
il a enfoncé des clous de feu sur quatre coins sûrs
Sur un clou on accroche le fouet
Sur un clou on accroche la prière
Sur un clou on accroche soi-même
Sur un clou on accroche sa dernière heure
Bientôt moi privé de ma voix,
je serai accueilli dans le jardin des femmes stériles
De même sans voix
devenant une tige de plante,
sur une destruction totale du territoire,
je projetterai une ombre certaine
Mon âne, Celui qui réhabilite
dès le présent,
modestement le droit de paresse
Dans la nuit rassurante de ton Maître
il ne faut y laisser plus rien
il ne faut y laisser plus rien
je serai accueilli dans le jardin des femmes stériles
De même sans voix
devenant une tige de plante,
sur une destruction totale du territoire,
je projetterai une ombre certaine
Mon âne, Celui qui réhabilite
dès le présent,
modestement le droit de paresse
Dans la nuit rassurante de ton Maître
il ne faut y laisser plus rien
il ne faut y laisser plus rien
Gardez le silence, le repas d’aujourd'hui,
car le pain ne demande pas
une récompense de la prière
car le pain ne demande pas
une récompense de la prière
Mais avant tout
les blés, avant d’être récoltés
étaient les prières
D’innombrables flèches
qui n’ont pas de cible
en dehors du Ciel,
ce sont les tiges
incroyablement
calmes
qui les retiennent
sans les lâcher
Mémorisez ces tiges de blé
dans un endroit où le vent les supporte
les blés, avant d’être récoltés
étaient les prières
D’innombrables flèches
qui n’ont pas de cible
en dehors du Ciel,
ce sont les tiges
incroyablement
calmes
qui les retiennent
sans les lâcher
Mémorisez ces tiges de blé
dans un endroit où le vent les supporte
Yoshirô Ishihara, poète japonais déporté au camp du Goulag en Sibérie, revenant de l’Enfer, fut atteint d’aphasie. Partant du constat d’un échec de parole et d’un écueil de langage, le poète introduit une part de silence et d’indicible dont l’impact se répercute dans toute sa création poétique. Le silence défini par Ishihara entretient un rapport essentiel avec la parole et il ne peut s’entendre qu’à travers la parole qui lui sert de faire-valoir et en rehausse le pouvoir ; d’où se tissent deux réseaux de métaphores qui résument les aspects contradictoires de la parole : d’une part, le bruit maléfique qui est une insulte au silence ; d’autre part, la musique bénéfique qui célèbre le silence. Un dynamisme dialectique amène ces deux modalités d’expression à s’embrasser dans la symbolique christique chargée d’un sens sacré du silence.
Asako Muraishi :
La prière de silence au-delà du silence de l’aphasie :
Yoshirô Ishihara, poète du goulag
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