avec Auxeméry,
première parenthèse : les bénédictions
les poèmes de Maximus (C.Olson) p/ 706 édition la Nerthe
L'épreuve morale comme l'épreuve photographique accomplit le passage du négatif au positif. Résultat de ce renversement de signe : le chant lui-même. Sur la surface sensible, sol de la Cité ou feuille de papier qu'entraîne le tambour de la machine, s'inscrit la portée. Le chant, d'abord, est cacophonie publicitaire, invasion de vulgarité, débordement de saleté. Voyons la lettre 4, celle des bénédictions
tout
envahi, usurpé, insulté, tous les sens
y compris l'esprit, ce travailleur de ce qui est
.
Seule condition au renversement des signes, une extrême sensibilité à l'instant. L'instant : ce qui est là, se tient sur le moment. Quand on se met à son écoute, il nie ce que la durée a de tragiquement irrémédiable, étant négation de ce qui est, accomplissement du devenir. Le flux fixé dans l'instant, l'instant donne l'être à l'acte : le père Olson, de Maximus enfant, remonte l'horloge familiale, et saute un jour ; dans ce creux du temps, dans cette goutte échappée du temps ( le robinet goutte dans l'évier, chez Maximus, et le pantalon du héros tient avec une ficelle ! ) - toutes les misères du quotidien, transfigurées. Pauvreté volontaire devient manne. Et pas de nostalgies, pas de pitiés idiotes
:
Prends la route qui
descend,
fait marcher
tes jambes, va
à contre-courant, va
chante
.
Pas de compromissions,
pas de mendicité.
Aimer,
vouloir aimer.
vouloir aimer.
Faire chanter le temps.
Dire ce qui est.
Dans le présent qui danse.
Auxeméry
Maximus, ou la profondeur du champ
édition la Nerthe
à ce jour avec le mot
1 commentaire:
Comment pourrais surgir le neuf, qui serait donc aussi le pur ? Des régions les plus lointaines de l’esprit peuvent arriver des mots et des formes, des images et des gestes, voilés comme dans un rêve et comme dans un rêve dévoilés ; quand ils se rencontrent en pleine course, et que naît l’étincelle du merveilleux, parce qu’alors l’Étranger se marie au Plus-étranger, je fixe la clarté nouvelle dans les yeux. Elle me regarde d’un air étrange, car bien que ce soit moi qui l’aie évoquée, elle n’en vit pas moins au-delà des représentations de ma pensée éveillée, sa lumière n’est pas la lumière du jour, et elle est habitée de formes que je reconnais non par le souvenir mais en les voyant pour la première fois. Son poids aussi pèse autrement, sa couleur s’adresse à une nouvelle paire d’yeux dont mes paupières fermées se sont fait cadeau l’une à l’autre, mon sens de l’ouïe est passe dans celui du toucher, où il apprend à voir ; mon cœur découvre, à présent qu’il habite mon front, les lois d’un mouvement nouveau, ininterrompu et libre. Je me laisse conduire par mes sens en marche, j’entre avec eux dans le nouveau monde de l’esprit et je vis ma liberté.
Paul Celan, Edgar Jené et le rêve du rêve, extrait (1948)
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