la sagesse du vide
une forme d’intelligence silencieuse
Lionel André / promenades / randonnées / arts / littératures / air du temps
la sagesse du vide
une forme d’intelligence silencieuse
le silence
la respiration secrète du monde
le rêve
l'aquarium de la nuit
la mémoire
une lampe sous l’eau
le temps
une main qui efface en caressant
l’ombre
la doublure de la lumière
le vent
l’écriture mouvante de l’invisible
l’aube
une blessure qui guérit en lumière
le cœur
une pierre chaude dans la neige du jour
la solitude
la chambre d’écho du réel
l’oubli
un sable qui conserve les formes disparues
la pensée
un oiseau qui vole à l’envers
le silence dort dans la bouche des horloges
le jour se souvient d’avoir été liquide
la nuit écrit avec l’encre des astres éteints
le vent porte des visages qu’on n’a jamais vus
le temps s’incline pour écouter sa propre chute
la pensée traverse le réel comme une ombre sans corps
le feu rêve d’être un souvenir froid
les murs respirent quand personne ne les regarde
l’éclair est la ponctuation du sommeil des dieux
le regard est une fenêtre que le monde emprunte
sans titre
rien
que la lumière
sur une table
et le temps
qui s’assoit
un jour de plus augmenté d'un jour
le temps se plie
comme
une feuille qui se souvient d’elle-même
évanescent
le révolu
s’efface sur la rive
du souvenir
méditatif
le révolu
respire encore
dans l’ombre des jours
fugace
le révolu
un instant suspendu
entre deux battements
éclat sur la terre immobile
la lumière tremble un instant
et tout retombe dans le silence
ne bougez pas laissez parler le vent le paradis est là
dans le frisson de l’air
dans la phrase inachevée du monde
là où rien ne veut durer et tout pourtant respire.
étrange aisance à n'être rien
*
je suis la faille dans la syntaxe du jour
je suis le soupir avant la lumière
je suis la poussière pensante du temps
je suis la mémoire d’un feu sans témoin
je suis ce qui passe et ne s’explique pas
je suis une danse au cœur de l'existence
je suis un signe cosmologique
éternellement en joie pour un jour d'exercice sur la terre
ciel pensif
vent discret
la lumière hésite entre adieu et promesse
me voilà reparti
dans mes petites notes rapides
le fini s'anéantit en présence de l'infini et devient un pur néant
cette nuit
pas question de dormir
chaque nuage est un phénomène
chaque silence
une note
le musicien secret
tient la clé de l’amour entre deux souffles
les instants se plient
s’inclinent
inflexion éternelle des moments
mouvement sans fin où se mêlent
la chair et le nombre
l’infini des mathématiques palpite derrière les paupières
la logique se fait imprévue comme
un éclair qui invente sa route
dans cette guerre douce entre le chaos et la clarté
naît l’harmonie
celle que l’on nomme
faute de mieux
la vie
l’enseignement consiste à méditer sans répit sur l’oiseau
méditer sur l’oiseau c’est apprendre
à penser le mouvement
la légèreté et la présence sans attache
l’oiseau ne possède rien
il traverse le monde
il n’habite que l’instant où il déploie ses ailes
en cela
il devient
une image de la pensée libre
de la conscience affranchie des formes figées
l’enseignement véritable n’est pas accumulation de savoirs mais affinement du regard Méditer sur l’oiseau c’est observer sans vouloir capturer comprendre sans enfermer C’est voir que la vérité ne se donne pas sous la forme d’un objet mais sous celle d’un élan une trajectoire
philosophiquement l’oiseau incarne la coïncidence de la grâce et de la nécessité il obéit aux lois de l’air mais il en fait une danse De même apprendre c’est consentir aux limites gravité souffle effort tout en découvrant comment y inscrire une forme de liberté
ainsi méditer sans répit sur l’oiseau c’est se rappeler que penser c’est voler avec le réel non le disséquer Que l’esprit doit apprendre non à tout comprendre mais à s’accorder comme l’aile s’accorde au vent
l’œil égaré dans les plis de l’obéissance au vent
ne cherche plus la route
il se laisse tourner comme une feuille de métal
ivre d’espace et de lumière
tout vacille mais tout s’éclaire
le monde se défait de sa gravité
et dans la danse invisible de l’air
le regard apprend enfin à voir sans vouloir
l’œil égaré dans les plis de l’obéissance au vent
ne distingue plus la frontière du ciel
il glisse dans la matière des souffles
là où les formes se défont pour devenir passage
le vent ordonne sans parole
il tord les herbes
incline les âmes
il sait la soumission des choses légères
alors l’œil s’abandonne
il cesse de comprendre
il devient lent
poreux
habité par la dérive
les collines respirent
les ombres se déplacent
et tout ce qui pesait s’en va
dans cette obéissance il n’y a plus de maître
seulement la douceur d’être emporté
la confiance d’un grain de poussière
dans la grande respiration du monde
j’aime le froid vif pur de pluie ou de brume
j’aime la gelée blanche sur les toits
la lumière très crue
j’aime le matin qui ne promet rien
le vent qui mord les doigts
et nettoie la pensée
j’aime la buée sur la bouche des chevaux
les flaques où le ciel se fatigue
les arbres qui grincent comme des portes anciennes
j’aime le silence avant le pas
le souffle des cheminées dans l’air figé
le linge qui durcit au fil du gel
j’aime la lenteur des jours pâles
la nudité des champs
le gris qui ne cherche pas à plaire
j’aime quand le monde semble en veille
et que tout respire bas
j'aime une beauté sans témoin
les calculs de côté l’inévitable descente du ciel
les calculs de côté
une fois la raison écartée la transcendance s’impose
tension entre la rationalité moderne et l’expérience mystique
l’homme par ses calculs croit pouvoir dompter le monde
mais le ciel symbole de l’infini de l’inconscient du divin de la poésie elle-même finit toujours par descendre par s’imposer par rappeler à l’esprit sa limite et sa fragilité
c’est une sorte de mystique de la chute
ce n’est pas l’homme qui monte vers Dieu mais le ciel qui descend envahissant le monde humain lorsque celui-ci s’ouvre par fatigue du calcul à l’irrationnel
quand la raison se tait le mystère descend
résonance philosophique
panorama
vue
décor
site
contrée
région
horizon
étendue
vaste étendue
géopoésie
une rencontre intime
entre la terre et la parole
entre le monde physique et le monde intérieur
elle l’écoute
elle le traverse
elle le traduit en langage sensible
géopoésie
la montagne devient une métaphore du souffle
le vent écrit dans les herbes
le poète ne parle plus sur la terre mais avec elle
une manière d’habiter poétiquement le monde
de sentir que chaque lieu a une âme
et que marcher
c’est déjà écrire
l’esprit se charge en milieu isolé
un espace de maturation
coupé du tumulte du monde
l’esprit s’y ressource s’y densifie s’y emplit de pensées neuves
l’isolement agit comme un catalyseur