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Abîmer de jour
Stéphanie Ferrat La Lettre Volée
Abîmer de jour est chargé de toute l’essence du recueil, comme si notre vie consistait à marquer, à inciser le mouvement même de la vie. Stéphanie Ferrat travaille une langue courte, sèche, qui vient affirmer le poids, l’inertie du réel qui avance, à la cadence de notre propre pas. L’auteur, dans ce recueil, ouvre un espace poétique inédit, dans sa manière de clouer en début de poème (et au centre même de celui-ci) des verbes à l’infinitif. Comme si elle posait, par ces verbes non conjugués, l’action dans le définitif, réduite au corps restant. L’infinitif d’un verbe est une action sur place, sans dégagement a priori : action retenue, un minéral, un os dans sa concentration de gestes. Et c’est bien d’ossements dont il est question ici, de vie, de mort, de cette attitude face au monde qui n’en finit pas de surprendre ; et dont on ne cesse de chercher le sens. Une forme d’arrêt semble être à l’origine de la venue des mots. Quelque chose s’est passé, infime, un tremblement. Les poèmes, comme une archéologie de ce qui a été. Présence du corps donné ; non par débris, mais par morceaux ; renvoyant à une forme d’unité impossible, celle du corps, celle du poème, de l’écriture.
« bander
ombre
sous les chênes éblouis
ne plus parcourir la fatigue
attachée à ses courbes
*
trembler
de rien
incertaine
fil détaché
musique retirée
déjà
les plaintes
existaient
*
décider
du bout
lit
oiseau
sentier de nuit
*
ne pas savoir
de moi
du jour
le plus trouble
*
toucher
si ce n’est
aller au bout
demander
de quel feu
de quels regrets
*
calmer
voix fortes des chambres
murs de papiers
peu de choses pourtant »
Abîmer de jour,
Stéphanie Ferrat, La Lettre Volée, 2007.
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