samedi, février 20, 2016

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Abîmer de jour 

Stéphanie Ferrat  La Lettre Volée


















Abîmer de jour est chargé de toute l’essence du recueil, comme si notre vie consistait à marquer, à inciser le mouvement même de la vie. Stéphanie Ferrat travaille une langue courte, sèche, qui vient affirmer le poids, l’inertie du réel qui avance, à la cadence de notre propre pas. L’auteur, dans ce recueil, ouvre un espace poétique inédit, dans sa manière de clouer en début de poème (et au centre même de celui-ci) des verbes à l’infinitif. Comme si elle posait, par ces verbes non conjugués, l’action dans le définitif, réduite au corps restant. L’infinitif d’un verbe est une action sur place, sans dégagement a priori : action retenue, un minéral, un os dans sa concentration de gestes. Et c’est bien d’ossements dont il est question ici, de vie, de mort, de cette attitude face au monde qui n’en finit pas de surprendre ; et dont on ne cesse de chercher le sens. Une forme d’arrêt semble être à l’origine de la venue des mots. Quelque chose s’est passé, infime, un tremblement. Les poèmes, comme une archéologie de ce qui a été. Présence du corps donné ; non par débris, mais par morceaux ; renvoyant à une forme d’unité impossible, celle du corps, celle du poème, de l’écriture.






« bander 

ombre 

sous les chênes éblouis 

ne plus parcourir la fatigue
attachée à ses courbes 





trembler 

de rien
incertaine
fil détaché
musique retirée 

déjà
les plaintes
existaient 




décider
du bout 

lit
oiseau
sentier de nuit 




ne pas savoir 

de moi
du jour 

le plus trouble 



toucher
si ce n’est
aller au bout 

demander
de quel feu
de quels regrets 




calmer 

voix fortes des chambres
murs de papiers 

peu de choses pourtant » 


Abîmer de jour, 

Stéphanie Ferrat, La Lettre Volée, 2007. 


























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