Je prends sans demander
cette montagne connue inconnue
cette oeuvre qui étant ne passe pas
je prends le bruissement des nuages
Les hauteurs froide de l'herbe
Cette seconde entre les branches
Ce tissu bleu avec des laisses de blanc sur du bois
Ce trou de verdure où chante une rivière
Cette chute qui ne tombe pas
Cette poésie comme millepertuis
Je prends promeneur des choses aimables
Comme cette petite ombre de rue
Qui ne dit mot
Rue Victor-Cousin
Je prends Flac-Nuit-Flac-Ciel
Sur le quai Conti
Je prends entre mes doigts
un ouvrage d' Air
Le dessein
de son meilleur visage
Je prends le mot PEINTURE dans l'épaisseur sensible
pas grand chose
ne se laissant pas saisir
Je prends le mot éternel
volatil à l'excès
Je prends un gris céleste
Un gris figuré par du blanc
Rue Séguier
Je prends ou plutôt
je Saisis
le mot souffle dans lequel achève de se diluer
un souvenir de neige
Rue des Grands-Augustins
J'aime prendre dans le courant des eaux
les mots qui bougent
Le
fil
mouvement
de
l'eau
le vide du jour
J'aime prendre le mot PAS
au grand dehors
avec son passé le plus reculé
Prendre
par des traits une comparaison
une métaphore
incomplète
rapides
l'infini
turbulent
qui tombe comme une goutte
dans la rivière
Prendre la poussière du monde
une question qui roule comme une pierre
une question qui roule comme une pierre
Prendre
les chants
les dés
la révolution du langage poétique
l'écho lui-même
la langue dans son volume
un creux qui la soutient
J'aime
prendre avec moi
tous les gémissements du siècle
et tomber dans l'ouvert
de vie en vie
L'éloge de l'infini
où la main perçoit les limites de la page
Le discours parfait
dialogue de matières et d'espace
J'aime prendre un verbe sans verbes
entre le son et le silence
Langue morte
Langue vivante
Vertèbres sans colonne
Géométrie de l'être
J'aime avancer dans un labyrinthe où
la pensée rencontre le réel aux coins
les bords de l'azur qui brisent la pierre
où le monde se décale
loin du nom
J'aime prendre les puissances de l'adjectif
Saisir à même la langue
la lente réciprocité des mots et
leur matière
j'aime prendre sa pensée
inventive
rusée et curieuse
son métal vif-argent
ses clients orateurs voleurs et poètes
j'aime prendre
ce qu'elle a détruit et cassé
je prends
les fragments de verre brisé
je fais fondre et intègre
je prends
l'opale l'onyx et l'obsidienne
la feuille de vigne pour l'épine
la voix pour étouffer la tempête
je reviendrai souvent sur ce verbe prendre
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