Tractatus Solitarius
Le retour du Loup des steppes
Pierre Cendors
Écrit en résonance au Loup des steppes d’Hermann Hesse, ce traité de solitude donne voix aux confins sauvages, aux régions souterraines, à la part non-humaine de l’homme.
Celui qui parle ici en disant Je cherche à se perdre, non dans l’étourdissement du monde, mais dans un silence primordial.
Faisant retour sur lui-même, il s’engage sur une voie qui se perd en chemin et aboutit nulle part, antipode antérieur au moi, zone ignorée de l’être, point absolu, degré zéro – paysage intérieur où nous attendent des forces inusitées.
De l’aveu même de Pierre Cendors, Le Loup des steppes d’Hermann Hesse est le roman qu’il relit le plus souvent.
En 2016, l’idée lui vient d’écrire l’histoire de l’un de ses personnages centraux, jamais nommé, dont on ignore presque tout.
Cette entreprise aboutira à deux textes publiés en parallèle : Silens Moon, roman qui paraît aux éditions du Tripode, et l’inclassable Tractatus Solitarius.
Bien qu’empruntant sa forme à la tradition du traité logique, l’ouvrage, qui se situe plutôt dans la filiation de certains écrits de Nietzsche ou des Feuillets d’Hypnos de René Char, constitue une série d’aphorismes poétiques reliés entre eux par une trame narrative : un homme qui dit Je embarque de nuit à bord de L’Absoluble, navire lancé dans une direction inconnue.
La progression point par point du traité vise dès lors à suivre pas à pas un cheminement symbolique, à restituer l’exploration systématique d’une terra incognita.
Ces domaines inexplorés sont les tréfonds intérieurs de l’homme, ce réservoir de forces primitives, inusitées, reléguées à l’arrière du jeu social, par lesquelles l’individu, touchant en quelque sorte à l’extérieur par le plus intérieur, s’ancre intimement dans l’universel.
La relation de l’homme au monde, nous dit le narrateur, est altérée par sa façon de vivre comme individu parmi d’autres individus ; pour la restaurer, il lui faut remonter en solitaire à la source de son être, là où, encore indifférencié, il touche encore à l’absolu.
Héritier d’un romantisme radical, le Tractatus solitarius est une exhortation à rallier l’universel par les voies de la solitude la plus conséquente.
Un acte de poésie rare.
L’homme ne suffit pas à orienter l’homme, murmure en nous la voix sauvage.
J’aime les routes qui se perdent en chemin, répond le Loup des steppes, qui nous avertit : Ici, sache t’effacer ou retourne sur tes pas, renonce ou viens te fondre secrètement dans l’ouvert.
Dans ce bref traité du solitaire, écrit en résonance au roman d’Hermann Hesse, il s’agit de ne plus tirer loi que d’une obédience au plus vivant.
Écouter la pulsation ancestrale du présent.
Il n’y a pas de début, pas de fin, nous prévient le narrateur.
Seulement un voyage au long cours, tout un périple dans les Hautes-Terres intérieures de l’homme.
Pierre Cendors
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