mardi, décembre 16, 2025








Les attractions d’abîme sont de toute sorte 

certaines grondent visibles
falaises nettes où le regard trébuche 














d’autres sont douces presque imperceptibles
pentes lentes de la pensée
où l’on glisse sans 
s’en apercevoir





Il y a l’abîme de la vitesse

qui promet l’ivresse et consume l’attention 

l’abîme du silence

qui attire par sa profondeur sans fond 

l’abîme du sens

où trop comprendre dissout la forme



Certaines chutes sont verticales

d’autres circulaires

d’autres encore immobiles 

on y demeure longtemps

sans savoir qu’on est déjà descendu


L’abîme n’est pas seulement ce qui détruit

il est aussi ce qui appelle à la mesure

à l’ancrage

à la qualité du pas



Car toute attraction révèle une force

et toute force exige une justesse



Ce n’est pas l’abîme qui est dangereux

mais l’oubli du souffle

au moment où l’on s’en approche





apprendre à vivre
c’est reconnaître les attractions d’abîme
les nommer sans fascination excessive
et savoir quand s’arrêter
quand contourner
quand regarder longuement
sans céder à l’élan du vide

























Quand l’infini s’ouvre

pas de fermeture plus 
formidable

aucune porte ne pourrait 
contenir la vastitude 
qui s’élance




Mark Rothko No. 37 1956





















Les contours du monde se dissolvent

la ligne de l’horizon s’évanouit

et l’esprit se tient au bord

d’une lumière qui n’a ni début ni fin


Dans cet écart absolu

chaque souffle devient immense

chaque pensée flotte 

suspendue

chaque regard se perd 

et se retrouve

dans l’ampleur des possibles




Il n’y a plus d’obstacle

plus de limite

seulement le vertige pur

de ce qui s’ouvre à soi-même

et ne demande rien

sauf d’être accueilli




Quand l’infini s’ouvre

aucune fermeture 

n’a plus de poids 

le monde 

est entièrement présent

et nous avec lui

dans l’éclat de ce passage sans fin


























Brevity et Concision 

la 
vie 
en 
pêche







brevity 

est éclat  surgissement rapide impact immédiat geste court qui laisse une trace vive Elle surprend frappe disparaît avant que l’on ait tout saisi Elle est souffle fulgurance intensité concentrée

concision 

elle est structure  choix des mots suppression de l’inutile économie de moyens Elle organise ordonne rend la force de l’idée palpable Là où la brevity brûle la concision stabilise

Entre les deux se joue l’art du langage  l’éclat de la pensée rendu perceptible la fulgurance tempérée par la forme 

trop de brevity devient fugace  trop de concision devient sec La justesse naît dans la tension  frapper vite frapper clair frapper vrai




nuit
silence
l'âme s'élève





















 



Saul Leiter Ana 1950


L’esprit en éveil
un bruit déjà lointain

comme un écho 
qu'elle perçoit avant même de le comprendre








Il traverse l’air et le silence se glisse entre les pensées

se dépose dans la perception subtile

où le temps se fait fluide

où chaque instant semble prolongé



L’éveil n’est pas agitation mais attention délicate

une écoute qui ne juge pas

qui se contente de recevoir

la trace légère des sons

la vibration d’un monde qui continue

sans se soucier de nous



Et dans ce bruit lointain l’esprit découvre une profondeur 

ce qui s’éloigne révèle ce qui demeure

ce qui passe met en relief

la permanence silencieuse de l’être








Ainsi
éveillé
le regard se fait plus attentif
l’oreille plus fine
le souffle plus lié au rythme invisible
qui gouverne le flux du monde
























Le calme l’énergie et la réflexion

se rencontrent 
dans un même souffle

comme trois cours d’eau 
convergeant dans un lac tranquille








Jumy-M
Summer, 2025
暑くて溶けるまであと5分






















Le calme ouvre l’espace intérieur

il suspend les gestes et les pensées superflues

offrant à l’esprit la clarté nécessaire

pour percevoir la matière subtile du monde




L’énergie elle pulse dans ce silence

invisible mais présente

prête à se déployer dans l’action juste

dans le geste mesuré mais puissant



La réflexion tisse le lien entre les deux 

elle transforme la tranquillité en compréhension

et la force en direction

permettant à chaque décision à chaque mouvement

de devenir à la fois léger et sûr

simple et précis





Ainsi

le calme l’énergie et la réflexion
ne s’opposent pas

ils s’accordent 
comme trois cordes vibrantes
d’un instrument 
unique

révélant la profondeur de l’instant
où l’esprit est pleinement présent à lui-même

























 




Martin Parr









Lecture sur la plage


le livre ouvert
les yeux dans le bleu

le sable épouse les mots 
le vent les soulève

chaque phrase se dilate avec le ciel
le temps devient fluide
entre page souffle 
et horizon



























 





Paul Deforest







Linge


matière humble
proche du corps
trame lavée du quotidien
mémoire douce des gestes répétés

il absorbe 
le temps la fatigue,
et garde la trace discrète des vies


note rapide sur une image
















Grand air superbe 
gloire à Dieu pour les choses bariolées

pour le monde tel qu’il s’offre
sans hiérarchie 
ni retenue






















Le Signal décembre 2025


Pour les ailes tachetées

les pierres veinées

les ciels lavés puis griffés de nuages

les voix dissonantes qui composent pourtant

une seule rumeur vivante



Gloire pour la langue brisée et la langue d’amour

pour la langue vautour qui guette

et la langue soupir qui s’efface

toutes nécessaires

à la respiration du réel



Le vide façonne la forme

et la forme remercie le vide 

creux des feuilles

intervalle des notes

silence entre deux regards


IVRESSE

non de l’excès mais de la profusion

de cette abondance sans calcul

où chaque chose est elle-même

jusqu’à l’éclat



Le monde bariolé n’est pas chaos

il est louange dispersée

une splendeur sans centre

où le sublime se cache

dans la simple persistance d’être







Grand air superbe  et nous dedans
passifs réceptifs
écrivant 
vite

pour ne pas trahir ce qui passe
et déjà recommence



























Le vide façonne la forme


il ne précède pas il n’attend pas  il travaille en silence
comme une pression douce
exercée de l’intérieur
















Le Signal décembre 2025 



La forme croit naître d’elle-même

mais c’est le vide qui lui donne

sa limite

son contour

sa respiration



Sans vide pas de passage

pas de tension

pas de rythme


Seulement une masse close

qui ne répond à rien




Le vide ouvre

il autorise le mouvement

il rend possible l’accord

entre ce qui apparaît

et ce qui se retire




Ainsi 

l’espace sculpte
le silence articule
l’absence soutient

La forme tient
par ce qu’elle ne contient pas


























il existe une pluralité d’infinis

choc pour l’intuition


un ensemble peut être 

aussi grand qu’une partie de lui-même

mais jamais aussi grand que l’ensemble de ses parties


Cantor 

montre des limites de la taille

Gödel 

montre des limites de la démonstration








les deux révèlent 

des limites structurelles des mathématiques


pour tout ensemble

il existe toujours un ensemble strictement plus grand 

celui de ses parties


Cantor 

plusieurs tailles d’infini


aucun ensemble n’égale son ensemble de parties

L’infini est inépuisable















Frères fantômes frères silencieux

présences sans corps compagnons effacés


ils marchent à côté
jamais devant
partagent le même air
le même manque


liés par une fraternité invisible ils veillent sans voix 
sur nos pas



Happe espace












geste brusque du vide
l’espace se contracte

saisit le corps


déplacement sans trajet
où le proche devient lointain
en un seul battement





Le bleu tournant


couleur en mouvement 
spirale lente
le ciel se met à penser
la lumière hésite entre calme et vertige

tout pivote dans cette nuance et le regard perd son axe




poésie

Une instabilité féconde
déséquilibre qui engendre


rien ne se fixe tout devient possible
dans la variation naissent les formes
et du tremblement surgit
une énergie créatrice




















Une absence active


vide qui agit comme présence silence qui façonne le monde

manque qui sculpte le regard


elle n’est pas simple retrait mais force qui attire
pousse infléchit


et fait exister ce qui n’est pas



Une intuition naïve









éclair fragile qui traverse l’esprit sans passer par le filtre du doute


elle touche le réel par effleurement


devine des liens que la raison ignore
et sème dans la pensée des germes d’inattendu 

et de vérité






poésie

Any number can play


ouverture du calcul au hasard
règle souple
jeu sans hiérarchie
où chaque valeur a droit d’entrée

l’abstrait devient terrain commun et le possible circule librement



La traduction la plus simple est 

n’importe quel nombre peut jouer

selon le contexte on peut aussi dire 

tous les nombres peuvent entrer en jeu

chaque nombre peut participer

tout nombre peut jouer sa part

















Énoncé net

le réel ne se ferme jamais sur lui-même

le réel demeure toujours ouvert à autre chose que lui

le réel laisse toujours une fêlure

le réel n’est jamais clos

le réel garde une porte entrouverte

















le réel ne se ferme jamais sur lui-même

il laisse une faille
une porosité
un passage discret par où s’infiltrent
le possible
le rêve
l’erreur
la grâce
ce qui advient n’épuise jamais ce qui est
il demeure toujours au cœur du donné
une ouverture sans nom
où la pensée hésite
et où l’écriture commence




l’invisible gouverne sans régner

il n’impose ni loi ni visage

mais infléchit les gestes

oriente les signes

déplace le sens à bas bruit

ce qui compte agit hors champ

sans autorité déclarée

comme une force douce

dont on reconnaît l’effet

bien après son passage
























Le cosmos 

n’est pas un théâtre où nous serions spectateurs 

mais un mouvement 

















dans lequel nous sommes pris 

la lumière voyage 

le temps se dilate 

l’espace se courbe et nous avec lui 

chaque horizon recule à mesure qu’on l’approche 

comme la tortue de Zénon 

comme le sens projeté dans l’avenir 

et les trous noirs marquent les lieux 

où la géométrie elle-même renonce 

où le temps cesse d’être une route 

et devient un puits 

et comprendre cosmologiquement 

ce n’est pas atteindre un point final 

mais reconnaître que l’univers est relation 

expansion tension rythme 

et que nous sommes 

une modulation locale de ce flux 

ni au centre ni à la périphérie 

mais dans le passage même 

là où le monde advient en se déployant 

et où exister revient à suivre 

le mouvement sans prétendre le clore