samedi, novembre 04, 2023

Dieu ait pitié 
de tous les pauvres marins 
du bateau 
de la vie littéraire


lettres d'Ezra Pound à James Joyce 21 juillet 1914 


*

les nuits attiques   Noctes Atticae

nous avons suivi l'ordre 

du hasard celui 
de nos notes 
de lecture 

selon que j'avais eu en mains un livre grec ou latin ou que j'avais entendu un propos digne de mémoire je notais ce qui me plaisait de quelle sorte que ce fût, indistinctement et sans ordre et je le mettais de côté pour soutenir ma mémoire comme en provisions littéraires afin que le besoin se présentant d'un fait ou d'un mot que je me trouverais soudain avoir oublié sans que les livres d'où je l'avais tiré fussent à ma disposition je pusse facilement l'y trouver et l'y prendre







































quant au terme  attique il renvoie au contexte géographique de rédaction  Aulu-Gelle commence son projet lors du voyage qu'il fit en Grèce dans sa jeunesse ...

























apprendre 

le détachement 

ne plus posséder ces images
 

avec elles mon identité s'en irait

sur le chemin de la dépossession laisser même 

le pourquoi de l'errance































 

le chemin du désert 

au désert 

il n'y a pas place pour deux 

l'Un seul est



au désert 

rien ne sert de crier  

il n'y a pas vers qui élever les mains
 

au désert 

les images sont de la tromperie
 

les traces des vivants y sont balayées 

le fond des choses périt
 

les venues de l'origine 

s'effacent en même temps que les allers de l'homme
 

je ne veux plus être des appelés rappelés blessés 

à jamais 

par ce qu'on leur a fait faire
 

par ce qu'a fait d'eux la guerre
 

seulement 

les images restent 

et le désir de les frotter avec du sable



 


                

Reiner Schürmann est allemand il refuse d'épouser notre monde Non pas pour l'oublier mais précisément pour se souvenir  Se souvenir des événements  et de leur horreur bien sûr mais surtout de cette part d'incompréhensible dans l'agencement ontologique de la modernité et qui menacera de faire retour si l'on n'entreprend pas de faire l'anamnèse de son origine  

Récit autobiographique Les origines sont donc aussi une interrogation sur le fondement de notre société et de notre culture occidentales


Les Origines de Reiner Schürmann













































il est venu jusqu'ici 

il a enduré peines et souffrances


que peux-tu lui donner pour le retour 

dans son pays  


je vais te dévoiler 

une chose cachée

oui 

je vais te dévoiler 

un secret des dieux 
























il existe 

une plante comme l'épine 

elle pousse au fond des eaux

son épine 

te piquera les mains comme fait la rose

si tes mains arrachent la plante 

tu trouveras la vie nouvelle


cette plante est 

une plante merveilleuse

l'homme avec elle 

peut retrouver la force de la vie


je vais l'emporter avec moi ...

je la partagerai avec les gens 

leur en ferai manger

son nom sera 

le vieillard retrouvant sa jeunesse 


moi-même 

j'en mangerai à la fin 

de mes jours pour que ma jeunesse me revienne


un serpent 

dérobe la plante et à l'instant perd 

sa vieille peau


pourquoi 

mes mains sont-elles devenues sans force 

pour qui ai-je versé le sang 

de mon cœur 

pour le serpent
























être à l’image 
des résonances 
des lumières spirituelles 

la sainteté est comme le ciel




 
éloignez-la 
elle se rapproche 

conviez-la 
elle prend ses distances  

examinez-la 
elle ne se livre pas  

contemplez-la 
elle ne sera jamais vide 

mesurée 
à l’aune 
d’un jour
elle est insuffisante

à l’échelle 
d’une année 
elle est surabondante 



voilà c’est tout simple éblouissant subtil évident mystérieux  On est convaincu sans savoir pourquoi le comment s’impose au pourquoi  Ce qui ressort de cette description minutieuse de la réalité concrète et parfois fantastique c’est un esprit libre et indépendant souple silencieux insouciant 


je désire vivre mais je n’en fais pas une affaire 

je hais la mort mais je ne la refuse pas 





on saute du néant à l’être 

de l’être au néant 

sans qu’il y ait ni fin ni commencement. 

personne ne sait d’où 

il est éclos



































 

4.11.23

samedi


votre rêve vous est propre personne ne peut le voir

pareillement

votre monde vous est propre
























la sensation 

je suis 

crée

un léger mouvement en moi

je la saisis 

















je marche entre les pierres et pense à une chose sans nom



un jour avec je suis

UJAJS
















nous sommes une race très ancienne 

très vieille et très pesante 

nous avons beaucoup 
de mal à nous 
déplacer 

vous vous doutez bien qu'une espèce aussi lente et massive se retrouve vite à la merci d'autres formes de vie plus agiles Impossible de nous fier à nos défenses physiques Nous ne pouvions pas gagner 

trop lourds pour courir 
trop mous pour combattre 
trop gentils pour chasser...

comment survivez-vous

















nous nous nourrissons 

de plantes

de légumes 

nous mangeons presque de tout 

nous sommes tolérants

éclectiques

vivre et laisser vivre 

c'est ainsi que nous avons survécu 


vaisseau fabuleux et autres voyages...























voyager n'est pas une distraction
 
c'est une saisie

l'ancienne émergence 
de toutes choses 
devient proche























 

la cohésion invisible 

des séjours fuyants se rend présente et s'énonce 

voyager pauvrement 

le détachement continuel de la périphérie

devenir poreux pour recevoir le centre 

on ne voyage pas pour son plaisir 

l'évidence nous envahit qui paralyse la démonstration 

l'unique savoir naît ainsi





la multiplicité 
se révèle irréductible
donnée



voyager c'est se rendre libre

n'être plus soumis
qu'à la liberté




d'un lieu l'autre le passage
une porte sur l'eau

beau temps
alentour à perte 
de vue 
sur les arbres






























l’individu moderne

préfère la copie à l’original 


parce qu’il n’est plus très sûr de cet original et c’est sur cette incertitude-là que se sont construits la société marchande et le règne universel de la vérité des seules étiquettes 

s’il y a vingt-cinq siècles Platon avait inauguré la métaphysique en pointant pour la première fois de l’histoire l’écart être/apparence et en donnant pour but à la philosophie de détourner le regard de l’apparence pour le retourner vers l’être   on peut dire que la société marchande elle à partir du même écart fait tout pour convertir le regard à la seule apparence 

on peut même dire que le spectacle en sa nature la plus fondamentale n’est que cela : cette préférence donnée à la copie sur l’original et qui a pour ultime conséquence l’oubli de l’original 

si bien qu’à un moment de son développement le Spectacle peut même se payer le luxe de rappeler  sur le mode spectaculaire bien entendu  à ses ouailles que tout de même il a existé un original




















c’est le sens des récentes campagnes publicitaires prétendant revenir au goût au vrai et à l’authentique et l’illustration parfaite du retournement debordien de la sentence hégélienne 


le vrai est réellement 

devenu 

un moment du faux  



le spectacle a réussi ce tour 
de passe-passe 
de faire 
du vrai
 
un argument publicitaire 
pour le faux





















elle s’abandonne aux douceurs 

d’
un sommeil 

où 

elle erre et s’ébat sans savoir comment 

elle est parvenue à cet état 



















s’enfonçant 
dans 
une agréable tiédeur 

se perdant 
dans une moelle hébétude 

elle est comme si 


elle n’avait pas encore commencé 

à émerger 

de son origine 


telle est ce qu’on appelle 

la grande communication


la résonance totale























le salut est dans l’individu


ce n’est pas l’Histoire qu’il faut bâtir…

mais 

l’homme 

un Homme en toi


*


je m'intéresse aux silences


*





vous parlez 

du chemin sur lequel vous marchez

vos mots font le sentier


pour survivre

connaissez le passé

laissez-le vous toucher

alors laissez

le passé

partir


l’œil 

ne voit que ce que l’esprit est prêt 

à comprendre


je n'ai plus 

d'autre endroit où vivre que 

dans mon propre 

cœur




c’est pourquoi 
nous ne perdons pas courage

et lors même 
que notre homme extérieur se 
détruit

notre homme intérieur se renouvelle 
de jour en jour


















qu’est-ce que la résonance  


il y a 

dans le Chapitre VI du Huainan zi 

un passage admirable 


quand l’accordeur 
de cythare heurte le gong sur un instrument le gong 
de l’autre résonne  

quand il pince le jue sur un instrument le jue 
de l’autre vibre 

cela résulte 
du fait que 
des notes semblables sont en harmonie mutuelle




























imaginons maintenant qu’il modifie l’accord d’une corde de sorte que celle-ci ne corresponde à aucune des cinq notes et que lorsqu’il la frappe les vingt-cinq cordes de chacun des instruments se mettent toutes à résonner 

dans ce cas c’est que le son encore indifférencié le souverain des notes y a pris forme 

ainsi celui qui communique avec l’harmonie suprême divague comme un homme parfaitement ivre  

il s’abandonne aux douceurs d’un sommeil où il erre et s’ébat sans savoir comment il est parvenu à cet état 

s’enfonçant dans une agréable tiédeur se perdant dans une moelle hébétude il est comme s’il n’avait pas encore commencé à émerger de son origine 

telle est ce qu’on appelle 

la grande communication

la résonance totale