jeudi, novembre 05, 2020



La terre et ses rivières 

le souffle et la parole

le temps et la mort

Agni et Soma 

le feu et la liqueur du sacrifice

l'irruption dans le corps des facultés sensibles

l'émerveillement de l'homme devant sa propre pensée



 

tels sont 

quelques uns des sujets qui passent 

dans les poèmes védiques 


Ces hymnes spéculatifs 

accompagnaient les sacrifices et soutenaient la prière 





La puissance et la simplicité de ces images, la gravité des sujets auront-elles un peu de cette vertu magicienne qu'on reconnaissait aux hymnes de l'Atharvaveda ? 

Nous aideront-elles à nous guérir du monostique, 
et du poème éclaté


Espérons. 

Avec non moins d'émerveillement que les auteurs de ces textes, voyons en tout cas les idées spéculatives tenter de se dégager des spéculations magiciennes, sans toujours y parvenir; cela se passait voilà trente ou quarante siècles.

Le poète alors se voulait «faiseur d'éloges» et comptait bien, déjà, participer à maintenir l'ordre de son monde. 

Peu différent du Claudel des Grandes Odes et du Saint-John Perse des Éloges (si deux voix aujourd'hui retiennent un peu ou beaucoup de l'inflexion védique, ce sont les leurs). 

Mais qui jamais a chanté, qui jamais chantera mieux que cet homme védique les beautés de la terre? 

Mieux que Yami et Yama en leur dialogue amoureux, qui jamais dira l'inquiétude des deux premiers adolescents, frère et sœur, chargés de perpétuer l'espèce tout en condamnant la future notion d'inceste? 



Et ces grenouilles

qui sont un peu des brâhmanes

ébauchent-elles 

ou non 

le sourire du sceptique

?


Hymnes Spéculatifs du Véda

traduits du sanskrit
et annotés par Louis Renou

Connaissance de l'Orient
Gallimard / Unesco




















 

UJAAB

un jour avec André Breton

UN JOUR AVEC CLAIR DE TERRE


j'
ouvris 
sans bruit la porte 
d'

une cabine 
et me jetai aux pieds de la lenteur

tant 
je la trouvai belle et prête à 
m'obéir







avant l'éveil
on ne peut comprendre la poésie

après l'éveil
on n'en a plus besoin


sous l'ombre
il y a
une lumière

et sous cette lumière

il y a 
deux ombres


la poésie 
rend les lumières et les ombres
heureuses






























 

corps-grotte  geste-cri

cri

chose autre corps point surface

masse-sens-matière-antre 

cris

clarté

apparence

dos pas cri chant


CRI


il faut du temps 

pour que les mots nous éblouissent

















et 
ces mots
dans 

un jour par-dessous le jour 
volent librement 

virevoltent 
avec toutes sortes de cris
quitte à revenir à la nuit dans leurs grandes 
phrases compactes



















comme 

le clignement de l’œil qui permet la vision 

l'inarticulation  qui permet la phonation

feu noir

déchirement

trouée des fins et des matières


sens insurgé


un contre-sens 

un détournements des sens 

un enlèvements des sens

une espèce de ravissement des sens


les sens aveugles

les sens du corps

essence pulsation nuit antre innombrable insensible


cri perce silence

le cri n'est rien

le cri serait formation

il est déchirure 

sa formation enveloppe sa déchirure et l'inverse


le rien du cri est violence inimitable

il laisse muet


mouette 

r

cercle aire              jusqu' après chant
dans le vide aux parois sans fond
sans arrière  sans rien au-delà
sans arrière
au-delà
delà

une force de vie obstinée

inlassablement recommencée 

allumant des yeux prodigieux




dans 
ce retour  
parfois bouleversant  
aux frémissements 
d’

une existence vouée 
à la recherche du sens profond 
et caché des 
choses  

une part 
d’évidente nostalgie

laisser sa parole tout à fait libre de signifier ses désirs 

Au petit jour  la lumière.





je tremble comme 

une feuille 

dans ce qui se pousse devant moi

l’esprit ne fait pas défaut

je le sais 
l’Instant est là
L’Instant du Saint-Esprit
la gloire du soleil sur la mer violette

Et tout se renverse à nouveau... 

Ô cerveaux enfantins 

l’
Instant 
est 

une position imprenable 

les caravanes partent

un jeu

le combat spirituel 
est aussi brutal que bataille d’hommes, 
mais la vision de la justice est le plaisir de Dieu seul 

les couleurs propres de la vie se foncent et dansent 
et se dégagent autour de la vision 
sur le chantier

























ni 
Baudelaire 

ni 
Mallarmé

ni 
Joyce

etc

n’ont écrit 
pour rendre le monde lisible

leurs œuvres 
construisent en face de l’obscurité du monde

une obscurité homologue





























non 
que ces œuvres récusent 
le sens  

elle maintiennent 
bien plutôt 

une instabilité 
vivante 

une indécision 
du sens 


c’est en quoi elles font effet 

de vérité


il est  saugrenu 

d’être surpris de ce que la littérature

parfois soit 

illisible 


il est naïf 

d’exiger d’elle qu’elle soit 

a priori lisible


il est misérable 

de la récuser quand elle 

ne l’est pas 


c’est 

en refuser l’essence 

même


quand 

nous rêvons 

de posséder le sens du monde dans la transparence 

des œuvres littéraires 


nous dévoilons 

notre désir d’être possédés par ce monde 

dont la clarté de la littérature serait 

un reflet accompli


ainsi 

notre vœu que les textes soient lisibles 

est-il paradoxalement 

le vœu de nous vouer corps et âme au monde 

et qu’il n’y ait plus 

de littérature


*


abstracteur de quinte essence 


faut 
ouvrir le livre 
et soigneusement peser ce qui y est 
déduit  


lors connaîtrez 

que la drogue dedans contenue 

est bien d’autre valeur que ne promettait 

la boîte  


c’est-à-dire 

que les matières ici traitées 

ne sont tant folâtres comme le titre au-dessus 

prétendait


et posé le cas qu’au sens littéral vous trouvez matières assez joyeuses et bien correspondantes au nom  toutefois pas demeurer là ne faut  comme au chant des sirènes  mais à plus haut sens interpréter ce que par aventure auriez dit en gaieté de cœur 























ceux qui savent

la vraie philosophie 

ne reconnaissent autre feu de la nature

que la lumière du Soleil














Soleil qui est
le premier principe
de tout mouvement naturel
et comme le Mercure des Sages
est l'abrégé des perfections de toute
la nature et qu'on appelle  le petit monde

il 
contient
ce feu qui est 
un feu en puissance
qui ne brûle pas les mains
et qui fait paraître son pouvoir
lorsqu'il est excité par l'extérieur et
il s'appelle naturel parce qu'il est de la nature
de la chose
  
car 

il est 
constant 
qu'il n'y a au monde
que ce feu seul qui puisse 
extraire de la Pierre son humidité
onctueuse et radicale qui contient le Mercure
et le Soufre des Sages