jeudi, septembre 10, 2020

Le livre 

dans son esprit

s’est d’abord intitulé  Les Phalènes  

Elle a alors 

l’idée d’un poème-pièce 

l’idée d’

un courant continu .... une histoire d’amour 


Elle y pense 

en écoutant sur son gramophone 

les dernières sonates pour piano de Beethoven

 

Mais 

















elle ne l’écrira vrai- ment que deux ans plus tard

lorsqu’elle aura trouvé 

le titre définitif 


Et 

le livre achevé

tel qu’il se présente et comme le montre magistralement 

la préface de la traductrice 

est moins 

un roman 

qu’


une élégie

une com- position musicale

où 

le rythme est premier


Du dehors

Les Vagues 

se présentent ainsi  

neuf interludes annoncent neuf épisodes


Les inter- ludes 

suivent la course du soleil 

de l’aube au soir


les variations de la lumière 

le rythme des vagues 

l’état d’un jardin

d’une maison 

le chant des oiseaux



Dans les épisodes 

six personnages qui sont plutôt des voix

des fantômes 

qui hantent la romancière 

comme ces phalènes venus battre contre la vitre 

dont l’image l’a tellement marquée 


Bernard

Susan Rhoda

Neville Jinny

Louis 

dans l’ordre de leur apparition 


Chaque épisode marque 

un moment important de leur vie  

enfance

école université

dîner d’adieu 

mort de Perceval 

figure centrale dont le modèle est Thoby 

le frère de Virginia 

trop tôt disparu


vie 

maturité 

Hampton Court 

monologue de Bernard 


Comme l’écrit Mona Ozouf  


l’un des charmes du livre 

au sens fort et magique du terme 

tient à l’investigation 

sans cesse déçue 

sans cesse relancée 

où il précipite son lecteur 



Avec 

les indications fugitives de 

Virginia

nous nous ingénions à recomposer l’identité de chacun 


l’éclat sensuel de Jinny

l’évanescence tragique de Rhoda

la plénitude maternelle de Susan

la solitude de Louis 

l’homosexualité de Neville 

le détachement de Bernard


Mais il tient aussi au fait que ces  personnages  n’en sont pas et que la fleur à sept pétales qu’ils composent avec Perceval n’est autre que la romancière elle-même dont ils sont aussi les reflets chacun représentant une part d’elle-même 

Le livre peut donc être lu aussi comme une autobiogra- phie de l’écrivain où la littérature est constamment présente à travers chacune des six voix  à chaque âge de la vie


Écrire 

pour 

Virginia Woolf

c’est 

s’insérer dans 

une lignée littéraire ... 

et 

se placer aux côtés 

de 

Shakespeare 

de 

Shelley

en explorant d’autres territoires 

de brume et d’interdit 

car les maîtres sont des aventuriers 



C’est le pari des Vagues

ambitieux et secret


une autobiographie

une élégie

mais 

une autobio- graphie mystique

mystique de la littérature



















MESSAGE


l'effort est grand

l'homme est petit


moi

Diego Cao Fernando 

navigateur

j'ai laissé cette stèle aux abords des sables

mordorés

et plus avant j'ai navigué











l'âme est divine

l'oeuvre imparfaite


cette stèle signale et au vent et aux cieux

que de l'oeuvre audacieuse 

est mienne la part déjà faite

car ce qui reste à faire 

ne regarde que 

Dieu


*


maître des terres


et quand

à la tour

d'or


c'est à la nuit

que le roi

s'y rend


pour dormir



les paupières tremblent les yeux plissent   

mauvais rêves mauvais songes

ô figuier

délivre

de ces maux les hommes

et les dieux




YDM.  K

























Edith de la Héronnière 

La Ballade des pèlerins 

est un très prenant récit d’aventure, celui d’un pèlerinage de Vézelay à Compostelle entrepris par une jeune femme et trois compagnons de route, un beau jour de juin du siècle passé, en un temps où un tel périple pouvait encore se faire dans des condi- tions très semblables à celles qu’avaient connues leurs prédécesseurs du Moyen Âge. 













Un voyage décidé par goût de la marche et de la na- ture, certes, mais surtout par désir « d’en finir avec des formes et des contenus religieux trop rabâchés, avec un langage devenu logorrhée, dénué de tout sens vital à force de vouloir donner réponse à tout ». 

Par cette volonté de redonner du sens aux mots en les confrontant à la rugueuse réalité des aléas d’une marche de plusieurs semaines, en s’interrogeant par écrit dans ce qui fut son premier livre sur les rai- sons de cet acte un peu fou, Édith de la Héronnière ouvrait en réalité le chemin d’un voyage autrement plus long, celui d’une œuvre qu’elle poursuit aujourd’hui encore. 

Au fil des années passées à arpenter les pays et les pages, ni l’Italie, ni l’Inde, ni les États-Unis, ni même la Chine n’auront raison de son infatigable curiosité. 

Et, par certains aspects, les chemins qu’elle emprunte peuvent ainsi rappeler ceux d’autres écrivains-voyageurs, tel Nicolas Bouvier, qu’une prédisposition au cheminement ou une phénoménologie de la perception intuitivement menée élancent continuellement vers l’avant.

Mais il faut insister sur ce que le pèlerinage de Saint Jacques de Compostelle où cette ballade entraîne le lecteur n’a de sens que par l’enracinement profond et parfois douloureux de la spiritualité dans le corps. 

Comme au temps des pèlerinages médiévaux, les rencontres sont hasardeuses sur ces chemins de foi qu’arpentent marcheurs de tous pays et de toutes langues. 

Une sorte de cadence commune parvient pourtant à nouer les existences, pour quelques jours ou plus, autour d’une même détermination, d’une même en-allée – et le pied peu à peu impose son rythme à l’écriture.


Les villages de pierre et les paysages roulent au fil d’une pensée qu’inspirent souvenirs de lecture ou figures saintes, dans un tournis parfois heurté que finit par apaiser le seul exercice de la marche. 

Il s’agit alors, dans l’écriture comme sur le chemin de Saint-Jacques, de faire de l’épreuve de la désillusion ou de la meurtrissure la substance même de l’ouvrage à accomplir.


Ce livre reproduit la première édition de La Ballade des pèlerins, parue au Mercure de France en 1993, et lui adjoint un avant-propos de l’auteur, inédit.



le bruit du temps

ici
















silence ! 

silence ! 


le monde 

ne vient-il pas de s’accomplir 

que m’arrive-t-il donc 

?


comme 

un vent délicieux 

danse invisiblement sur 

les scintillantes paillettes de la mer

léger












léger comme une plume  

ainsi 

le sommeil danse 

sur moi


il 

ne me ferme pas les yeux 

il 

laisse mon âme en éveil 


il 

est léger

en vérité 

léger comme une plume


il 

me persuade

je ne sais comment 

il 

me touche intérieurement 

d’

une main caressante

il 

me fait violence

oui

il 

me fait violence 

en sorte que mon âme s’élargit




























au pont suspendu

la vie tient 

à 

un sarment

de vigne vierge












le brouillard levé

au pont suspendu les yeux

je n’ose fermer



la poésie emporte tout 

son étrave  charrie 

tout


les sœurs

les secrets

les silences 

les solitudes

les familles

les vertiges

les sommets 

les saisons

les peintures

Thucydide et les autobus de banlieue


la poésie 

est 

une architecture


elle donne forme au chaos

elle rend grâce

elle fait joie 

elle s’enrage 

elle se tient toujours

elle tient


elle est savante et puissante

elle sinue sans barguigner 

elle y va 

elle s’enfonce

elle s’y colle

elle ne mégote pas

elle ne perd pas le nord



elle ose


la brise 

matinale fait trembler les fleurs


le soleil 

du soir brille sur l’appontement


tout en haut 

d’

une tour 

une femme esseulée

au crépuscule pleure sur sa solitude


la lampe 

éclaire le lit des plaisirs à deux


dans les tentures

flotte le parfum du benjoin.


elle broie 

un peu d’encre

écrit deux ou trois vers,


avec de la céruse essaie de se farder


elle voudrait 

tant voir de la fleur d’hellébore

la tige volubile emplir sa chambre vide


poème 

sur des noms de simples 
















 

je sais 

où il m'est voulu d'aller

j'y vais


même à travers des hivers plus sombres

que celui là


*


comme

une étamine de lotus

comme

une corne dressée


*


à l'unique au cœur de plusieurs

dont le cœur brille

comme

la pleine lune

dans

la nuit


*


tambour de bois

la doctrine du bouddha tient compte

des termes qui sont propres

au langage des dieux

dépouillée

de ses propres syllabes

elle luit

comme

un cristal 



*


une fois le sacre accompli

je visitai 

les sanctuaires

et tous les lieux sacrés

en révérant

çiva