vendredi, juillet 24, 2020



je suis 

le vieil homme 

qui n’en fait qu'à sa guise




à l’écart 

je me suis réfugié

au bord des fleuves et des lacs

séjournant sagement 

au milieu du vent et de la pluie








le papier 
neuf à la fenêtre 
est extrêmement blanc

dans le poêle chaud 
le feu rouge vif rougeoie

marque-pages et étuis de livres 

je viens à l’instant d’arranger

la prononciation et la forme des caractères 


j’
étudie en 
détail

si 

je 
ne meurs 
pas tout de suite

et 
surmonte
la décrépitude
pendant dix années encore 

je 
me consacrerai 
à l’étude
































COLLER

quelques propos détachés du Pavillon



une table nette 

et 

une claire fenêtre

de 
l’encens 

et 
du thé

à l’occasion 
quelques réflexions sur la méditation silencieuse 
dans le bouddhisme mahāyāna
d’inspiration taoïste







des espaliers 

et 

un potager

un soleil tiède 

et 

un vent léger

le loisir d’écouter 
quelqu’un parler de tout et de rien



en 
vieillissant 
on sait que tout est joué
peu importe que les gens aient tort ou raison

et au printemps 
on n’a plus 
qu’

une affaire 

voir 
les fleurs 
éclore et se faner



aucune chose
n’est impérissable
encore moins notre corps
ce balourd sac 
de peau



tout 
ce qui a 
forme la perdra

mais

a-t-on 
jamais vu 

un ciel décomposé 




































le difficile 

est 

de bien trouver sa place 

et 

de retrouver 

la communication 

avec soi









le 
tout
est dans 

une certaine floculation des choses











dans 
le rassemblement 
de toute cette pierreries 
mentale autour 
d’

un point 

qui 
est justement
à trouver







et 
voilà 
moi 
ce que 

je pense de la pensée 


certainement 
l’inspiration existe

et 

il y a 

un point phosphoreux 


où toute la
réalité se retrouve 

mais 

changée 
métamorphosée

et 
par quoi 

?

un point 
de magique utilisation 
des choses


et je crois 

aux aérolithes mentaux

à des cosmogonies individuelles


































en 
sommeil 

nerfs 
tendus tout le long des
jambes

le 
sommeil venait 
d’

un déplacement 

de
croyance

l’étreinte se relâchait

l’absurde me
marchait sur les pieds










se 
retrouver 
dans 

un état d’extrême secousse

éclaircie d’irréalité

avec dans 

un coin de soi-même 

des morceaux du monde réel




COLLER

une espèce 
de déperdition constante 

du
niveau normal 
de la réalité




un impouvoir 

à cristalliser inconsciemment 

le point rompu 

de l’automatisme 

à quelque degré que ce soit





























c’est 

une vertu terrestre que j’aime 

il y a 

en elle peu de sagesse 
et moins encore de sens commun

mais 

cet oiseau 
s’est construit 
son nid auprès de moi 

c’est pourquoi 
je l’aime avec tendresse

maintenant
il couve chez moi ses œufs dorés


c’est ainsi que 
tu dois balbutier et louer 
ta vertu





































murs et porte

ici l’appartement
murs et porte
volets
agencement de livres
cuisine ou vaisselle choit
parquet épineux
le lit devant la fenêtre
l’air porte la poussière
des acariens plein le tissus

un plafond et quelques craquelures 

une armoire pauvre en vêtements

ils sont froissés








des clés solitaires
sur la commode silencieuse du vestibule

la porte d’entrée
ne s’ouvre jamais sans la peur de perdre

un peu d’air 

la peur d’échanger son intimité
son identité
qu’on sorte ou entre
le lien et l’entre-deux
l’articulation et l’entretemps

....





et pourtant
et pourtant

écoutez la bouche en distance percée


...

Mathieu Brosseau 

travaille 

une prose dynamique  qui tend vers le flux 

il creuse les questions 

du corps 
de l’identité
du temps
de l’animalité, 
du désir ou encore 
du dénaître



pour lui

dire la chose en train de se faire

quand le dire est la chose en train de se faire

incarner cette vie augmentée

C’est poésie



l’exercice de la disparition est 
un ensemble de poèmes hallucinés polymorphes 
et foisonnants dont on comprend et ressent l’évolution 
et l’unité au fil des mots

Mathieu Brosseau 
nous incite à voyager 
à travers le temps pour atteindre 
nos fondements avant même nos perceptions 
et représentations

à force de casser notre boussole littéraire
de surprise en tournure
de vision en pirouette
il y parvient


















En lisant en écrivant : lectures versatiles #8

ici




































Dans son livre de dialogue avec Frédéric-Yves Jeannet, Rencontre terrestre, Hélène Cixous parle de légèreté et de transparence à propos d’une des dernières phrases griffonnées par Kafka sur son lit d’agonie :

Limonade tout était si infini

De cette phrase qui est “de ces phrases absolues, détachées absoutes en lesquelles se précipite toute une vie dans un souffle ultime”, à partir de cette phrase, surgissement et adieu, improbable apparition, elle dit son rêve d’atteindre cette liberté de l’ultime, de pouvoir écrire “à la fin”, alors même qu’on a plus de compte à rendre à personne, dans cette “grâce”.



Résolution : 

on va continuer avec la littérature pour l’espoir de parfois rencontrer ou produire un tel énoncé, pour l’étrangeté de cette rencontre avec une phrase qu’on n’aurait pas pu écrire, qu’on n’aurait pas écrite, pour tout ce qui s’y déplace, pour cette sorte d’espoir léger qui s’y lève, cette littéralité heureuse, ce retour de la lettre à elle-même, cette idiotie ou ce retour  en enfance, cette découverte étrange qui d’un coup nous fait entrer dans un rapport inouï à nous-même, à nos significations ordinaires, dans un dégagement, recrachant la mort qu’on avait coincée dans la gorge. 

Dans une libération.

Xavier Person









































COLLER


oubli

et 

lumière

sur les 

linges humides



les miroirs sont vides 










dans les assiettes

la solitude est aveuglante


une extase

soudée à l'incommensurable

une envergure 

calquée sur le rien





avec 
le temps
le fruit trouve 

une précision sirupeuse 

il devient 
exactitude et provision 
de bouche




voyez 
l'art de l'abeille 

son gâteau 
de cire n'est-il pas 

l'accord parfait
entre le miel et l'hexagone 

?




la 
ligne a-t-elle 

une vie intérieure 





certes 
il est des caractères 
communs entre le désespoir 
et 

une perpendiculaire



chaque trait 
qui apparaît se rend à l'évidence de son abîme, 
et se manifeste 
comme tel



en dépit 
de ce que son étendue laisse 
supposer

la 
ligne reste 

un point 

voire 

un point litigieux






une extase
une envergure
une précision sirupeuse
une vie intérieure
une perpendiculaire
un point
un point litigieux































l’homme 
doit être laissé comme 
non fini

c’
est-à-dire 
comme appartenant 
à

une espèce 

en cours 
de métamorphose infinie 
dans 

une nature 

qui est 
elle-même 

une métamorphose infinie



*





au 
pied 
d’

un sureau

entouré 
de buissons 
de lilas et de noisetiers
j’aime le contact de cette tête 
humide sur mes 
genoux 




un chemin creux de montagne

une étoile filante phosphorescente

une pleine lune 

et 

un croissant 




quelques

traces d’encre suspendues

dans

un rectangle de papier 

effacent les images qui encombrent

mon présent

six kakis


































perdre 
son temps relève 
d’

une certaine esthétique


pour 
les subtils de la sensation
il existe 

un formulaire de l’inertie 

qui
comporte 
des recettes 
pour toutes les formes 
de lucidité











la stratégie 
mise en œuvre pour 
combattre la notion de convention sociale

les impulsions 
de nos instincts les 
sollicitations du sentiment
exigent 





une étude approfondie

dont 
le premier 
esthète venu est 
tout à fait incapable  

une étiologie 

étude 
des causes 
des maladies


rigoureuse des scrupules 
doit être suivie 
d’

un diagnostic ironique 

de notre 
servilité à l’égard 
de la norme 

il importe aussi 
de cultiver notre adresse 
à éviter les intrusions de la vie  




un soin

doit 
nous cuirasser 
contre notre sensibilité 
à l’opinion d’autrui 
et 

une molle indifférence 

nous matelasser l’âme contre les coups 
de la coexistence avec 
les autres