Lionel André / promenades / randonnées / arts / littératures / air du temps
vendredi, juillet 10, 2020
consonne spirante
consonne
constrictive articulée au moyen
d'
un rétrécissement
du chenal expiratoire assez peu important
de sorte que l'air s'écoule
sans le bruit de friction
qui caractérise la production
des fricatives
le terme
de spirante est tout à fait général
celui de fricative
sans rien dire sur le degré
de fermeture
rappelle l'impression
de frottement produite par
le passage
de l'air
seul
un souffle
est audible et constitue le critère
de classement
de ces réalisations phoniques
l'anglais connaît deux spirantes
apico-dentales
la sourde [θ] et la sonore [ð]
dans
les mots
three et then
les heures du jour
je ne les maîtrise pas bien
elles passent
elles tombent
elles vont
et
vient la nuit
et
je suis
dans la nuit insomniaque
je déambule à travers la maison
le cœur pesant
la tête lourde
et
je lutte contre la fatigue
les heures de la nuit
je ne les maîtrise pas bien
elles passent
elles vont
et
vient le jour
je n’ai pas assez dormi
ne me réveille pas
dors la moitié du jour
et
lutte contre le sommeil qui me tient
me retient
ma maison est trop encombrée
et ma tête aussi
le jour
où
j’aurai ma tête un peu désencombrée
j’écrirai une longue lettre à Chen Fou
lui ferai le simple récit de ma vie fugitive
je suis sûr que je trouverai les mots
je lui dirai :
je me suis promis de te faire une page
je te ramasserai en quelques phrases
l’essentiel de ma vie
mais pour le moment
ne m’en veux pas
ça ne va pas
aucun récit
ne sortira de ma paresseuse & sèche
plume
elle gratte le papier à vide
rien ne se passe le long de la page
c’est trop tard dans la nuit
ma tête est trop lourde
j’ai le vertige
je suis dans un profond désarroi
les heures du jour
je ne les maîtrise pas très bien
elles tombent
tombent
la nuit
vient trop vite et ne m’accueille pas vraiment
la nuit
pourrait être ma bulle de sécurité
tout est si étrange
si effrayant
je suis tout le temps angoissé
comme s’il y avait partout des menaces
un jour
Chen Fou
je trouverai les mots
pour te faire le récit de ma vie fugitive
patiente un peu
un jour
je te ferai une page qui te plaira
feuille volante
lettre à Chen Fou
mai 1998
Lambert Schlechter
Le Ressac du temps
Le Murmure du monde
V
OÙ LE CERCLE COMMENCE
qui peut découvrir
où la rivière prend fin
qui sait où
cette rue mène
qui nous attend
à l’orée de la mort
étrange repère
que ce silence
muré
dans le silence
du silence
qui sait où
le cercle commence
un chant hanté qui persiste
un feu au cœur du vent
*
je peux
regarder sans rien dire
je peux
bouger les yeux
je peux
bouger toute la tête
je suis
capable de comprendre
et d’exécuter des ordres simples
je peux
multiplier les exemples
je peux
feindre l’ignorance de la langue
je suis
remarquable par ma détermination à accomplir
une tâche définie
je peux
assembler
une boîte en carton
je suis
aussi rigoureuse que discrète
mais
je ne cherche
qu’à détourner l’attention
je suis
petite et infinie
je suis
soleil de plomb
je suis
dans le ciel des idées
je suis
quartier fantomatique
je suis
entre farce et drame
je suis
toujours et encore
je suis
bouchon au fil de la rivière
je suis
une vie insouciante
je suis
lune de miel
je suis
en toute discrétion
nous avons beau enfler nos conceptions
au delà des espaces
imaginables
nous n’enfantons que
des atomes
au prix de la réalité
des choses
c’est
une sphère infinie
dont le centre est partout
la circonférence
nulle part
enfin
c’est le plus grand
caractère sensible de la toute-puissance
de Dieu
que notre imagination se perde
dans cette pensée
je veux
vous faire voir
une chose infinie et indivisible
c’est
un point
se
mouvant partout
d’
une vitesse infinie
car
il est en tous lieux et est tout entier
en chaque endroit
qui aurait trouvé
le secret de se réjouir
du bien sans se fâcher du mal contraire
aurait trouvé le point
c’est le mouvement perpétuel
une sphère infinie
une chose infinie et indivisible
un point
une vitesse infinie
Le 28 décembre 1795, le jeune poète Friedrich Hölderlin devient le précepteur des enfants de Jacob Friedrich Gontard, un riche banquier de Francfort.
Très vite, Hölderlin tombe amoureux de l’épouse de son employeur, Susette Gontard. Friedrich a 25 ans, Susette 26.
L’idylle naissante entre le poète et la jeune femme sera favorisée par des circonstances exceptionnelles : à l’été 1796, les Français assiègent Francfort.
Le banquier envoie sa femme, ses enfants et ses serviteurs près de Kassel pour les mettre à l’abri.
Dès lors, Hölderlin et Susette Gontard nouent des liens d’une intensité exceptionnelle.
Dans le roman qu’il est en train d’écrire, Hypérion, elle devient Diotima, du nom de la prêtresse de Mantinée dont Socrate rapporte l’enseignement sur l’amour dans Le Banquet de Platon.
En septembre 1798, une dispute éclate entre Hölderlin et Jacob Gontard, qui ne supporte plus les assiduités du jeune précepteur auprès de sa femme.
Le poète quitte son emploi, mais reste secrètement en relation avec Diotima.
Lorsqu’il apprendra sa mort, en 1802, son deuil insurmontable lui inspirera quelques-uns de ses plus beaux poèmes avant de contribuer au déclin de ses facultés mentales, jusqu’à la crise de folie qui le conduit en clinique psychiatrique en 1806, avant son installation chez le menuisier Zimmer à Tübingen.
Les lettres, poèmes et témoignages contenus dans ce livre ont fait sortir la Diotima de Hölderlin de l’ombre où l’avait maintenue l’histoire littéraire.
Elle se révèle une figure éminemment attachante, pleinement digne de l’amour que lui portait le poète, et tout à fait consciente du génie de celui-ci.
pileface
je pense
au
visage d’Anna Magnani
dans
un film de Pasolini
Nous sommes
près de Rome dans des terrains vagues.
La mère observe
son garçon assis sur un manège.
Pendant les quelques secondes où elle ne le voit pas,
Ettore se lève.
Il descend du manège en marche.
Puis… le manège tourne encore.
Là où il était assis,
il ne reste que l’effroyable vide de l’enfant disparu.
Il s’est levé,
il est parti,
mais la mère n’en sait rien.
À ce moment, les yeux de la mère !
Son gamin a disparu,
il lui a été volé.
C’est ce qu’elle pense,
ce que disent ses yeux.
Elle se met à courir.
Elle crie : Ettore ! Ettore !
Si proche de Terrore !
Terreur des instants minuscules,
d’
une mort inimaginable.
La mère court après son propre effroi.
Elle court après sa peur.
Puis,
au bout de quelques mètres,
elle le voit.
Ettore ne s’est pas envolé,
pas encore.
Il marche gentiment sur
un chemin qui s’appelle : ennui.
Les bras le long du corps.
Les pieds à la traîne.
Dégaine familière du gosse.
La mère s’apaise.
L’inquiétude la quitte,
mais pour combien de temps
?
*
voici ce que je nomme : inquiétude
veille et terreur qui ne cessent de grandir en nous
quiétude que nous espérons
mais qui nous quitte au fil de l’âge
impossible apaisement
dont nous portons le souvenir
Camille de Toledo
l’inquiétude d’être au monde
*
le temps devient très menaçant
des averses et des orages
éclatent
des orages plus fréquents
se développent de l'est du Massif central
au Jura et aux Alpes
ils deviennent localement forts
notamment entre l'Ardèche
la Drôme et l'Isère
avec
un
risque
de grêle et de fortes rafales
de vent
les ondées
orageuses persisteront la nuit sur
Rhône-Alpes
sur l'Est
de la chaîne pyrénéenne
le risque d'orage s'intensifie également
cet après-midi
le Sud-Est reste à l'écart et bénéficie
de belles éclaircies
dans
une ambiance encore chaude
les maximales sont en nette baisse par l'ouest
elles varient entre 18 et 25 degrés
sur le Nord et la façade
Ouest
entre 25 et 31
du Nord-Est au Sud-Ouest
il fait plus chaud
sur le Sud-Est avec encore
32 à 35 degrés
j’écoute la rivière
puis
le vent
et
je l’observe
qui fait se mouvoir
les grosses branches sombres
la
surface noire
d’
un petit trou
d’eau en contrebas
poudrée de pollen
vert
les
racines
d’
un arbre à nu
au-delà
de la berge serpentent
sur l’eau
et
entre elles
de vieilles
toiles d’araignées
flottent dans le vent
et leurs fils scintillent au rythme
des souffles
d’air
je suis
la
sensation
d’
un passage éphémère
un passage
aussi
impalpable que
l’ombre et aussi rapide que
la pensée
moi-même
et strictement moi-même
est ce que je deviens lorsque s’éteint
la sensation du passage en moi de cette ombre spacieuse
moi-même
et strictement moi-même
est le rocher au sommet duquel
s’assied le mort considérant sa vie passée
l’autre côté du monde
offre la même apparence que ce côté-ci du monde
la sensation
seulement diffère
dans
le temps tout se clôt
dans
l’espace tout se délie
il y a
des moments forts
dans le cycle des saisons
comme le chant du coucou à midi
dans la pleine chaleur de l’été
ou le bruit d’ailes des insectes
qui fendent l’air et s’enfuient
assis face au soleil
mais protégé par l’ombre des buissons
je m'étire
dans l’espace matriciel
parcelle de vie négligeable prise
dans le coït étouffant
du ciel et de la terre
je reste assis
j’ouvre
la fenêtre pour faire rentrer
une légère fraîcheur
je fredonne doucement
j’abandonne le livre
je me lève et marche
je me mets à rire
je suis
si différent d’eux !
une tique dans l’oreille
ma vision
?
dans
la cage d’
un écureuil
un étau battements monotones
au
milieu de la nuit au détour
d’
une phrase
une lueur très fugitive
un fulgurant vertige
dans
le couloir à gauche de
l’entrée
une fleur
une forêt
pétrifiée
d’arbres gris
sans feuillages
aux troncs noueux
tordus sous le ciel orageux
une alarme
un vertige exact
un dictionnaire & une grammaire
pour rectifier
la vue
?
une pluie de lettres
une femme
est
un abri très doux
une retraite sans issue
la vie de chacun d’entre nous n’est pas
une tentative d’aimer
elle est l’unique
essai
écrire
quelque chose dont personne ne pourra
demander
qu’est-ce que cela veut dire
?
et qui
en même temps reste tout à fait
énigmatique
les
lecteurs sont des gens
forts
ils
transmettent la lecture
ils sont
ces
quelques opiniâtres
NATSU NO KUMO
les nuages d'été
sont
généralement des cumulo-nimbus
dont
les formes extravagantes
évoquent des pics et des cimes escarpés
ou parfois des coiffures
quand ce n'est pas
l'allure tourmentées des nuages d'été
qui attise l'imagination c'est la vive blancheur
de leurs volutes qui fait contraste
sur l'azur
les nuées
de l'aube et les traînées du couchant
apportent
un lot d'émotions
caractéristiques liées
à des ambiances dominées
par les couleurs du rouge du jaune et
de l'orangé
la foule des nuages
cimes et ravins d'été
puissé-je y mourir
nuages d'été
voici l'aigle
l'aigle du regard ambré
quelles sont les probabilités
pour que
la trois mille six centième partie de cette structure
c'est-à-dire le mètre
ôté de la hauteur de la Grande Pyramide
nous donne la Terre et son année sidérale
?
147, 1318686 m moins 1 m = 146, 1317686 m divisé
par
la circonférence terrestre
soit
40 008 km valeur moyenne de la Terre
multipliée
par
100 000, = l'année sidérale avec toutes ses décimales
soit
365, 2563708 jours
quelles sont les probabilités
pour que le chiffre
4
honorable suivant de la trinité
est le pouvoir
de mettre en place
les assises
du monde que nous nous apprêtons à gravir
?
4 divisé par pi = 1,273239544 au carré
placé au carré = 1, 621138936
x 10 000
= le diamètre moyen de la Terre-Lune réuni au mètre près
4 divisé par pi
= 1,273239544 + 1,273239544 + 12732, 39544
= 12 734, 94192 km
= la Terre seule en son diamètre moyen
un mouvement
un déplacement rigoureux
une projection
en avant admettant
de pulvériser méthodiquement
ses assises
là où même
n’être rien
prend
un sens fragmentaire
passage
petit abîme
léger abîme
complice de ce point où l’espace
là
cependant
au plus court
l’espace
tout l’espace nous manque
déchiffrer
ne déchiffre à sa clé
qu’
un autre monde qui se veut provisoire
métamorphoses
comme
autant de morts acceptées
comme
autant de morts
tant que nous serons vivants
à minutieusement
refaire
chute
vide soudain
la passivité
le neutre
la passivité
le neutre
imperceptible décalage
depuis nous ne sommes plus les mêmes
la légèreté devient dure
sans nimbe
sans arrière-plan
le oui
le non
le rire
les larmes
un autre chemin
aux bords étroitement décisifs
nous
attend de notre pensée
comme
une mutation passive
vivre
le neutre
mots
actes
confrontés
défaits
dès que
nous l’éprouvons en nous
comme
une stricte présence
cela
qui maintenant
est
souffle
manque de souffle
la légèreté
la transparence comme
un noyau décentré
porté en soi et hors de soi
au bord du corps et sur le corps
te lisant
quelque chose a peur
quelque chose devine
quelque chose acquiesce
quelque chose qui n’est pas l’inconnaissable
quelque chose qui ne connaît pas
transparence n’est pas transcendance
patiente
ta parole
au plus proche
trace
la mobilité
le
fragment par lequel
tout
une première fois recommence
pour ne pas être dit
intact
une vie
pour
une petite pile de livres
l’entreprise peut paraître assez vaine
et
dans les mauvaises passes
on peut être pris
dans
un remous d’absurde
et partager
l’à quoi bon ?
de la plupart de nos contemporains
certes
dans ces moments
il convient de ne pas oublier
combien
écrire a intensifié vivre
et inversement
alors
non
il n’y a vraiment rien à regretter
Antoine Emaz
d’écrire
un peu
*
le discret soleil
clair et gai
posé
seulement là
comme la simple présence
sans rien encore d’apparenté au feu
pactise avec la fraîcheur
des feuilles
je n’ai rien
à dire
à montrer seulement
dans le plus petit segment précisément découpé
un mince point d’appui
d’après ma montre
une halte au bout de cinq lignes
Salvatore
reste seul sur le cœur de la terre
percé par
un rayon de soleil
et soudain
c’est le soir
refermons
derrière nous comme
une porte
ces heures de doute
et de nœuds dans la gorge
*
une vie
une petite pile de livres
un remous d'absurde
un mince point d'appui
un rayon de soleil
une halte au bout de cinq lignes
une porte
j’aime les lieux
qui concentrent
qui resserrent le champ de la pensée
ici
dans ce cercle étroit de collines
les changements
sont tout extérieurs et de pure optique
avec tant d’abris
les vents sont naturellement peu variables
la fixité de l’atmosphère donne
une assiette morale
je ne sais
si l’idée s’y réveille fort
mais qui l’apporte éveillée
pourra la garder longtemps
y caresser sans distraction son rêve
en saisir
en goûter tous les accidents du dehors
et tous les mystères du dedans
l’âme y poussera des racines et trouvera que le vrai sens
le sens exquis de la vie
n’est pas
de courir les surfaces
mais d’étudier
de chercher
de jouir en profondeur
ce lieu avertit la pensée
des grès fixes et immuables sous la mobilité
des feuilles
parlent assez dans leur silence
ils sont posés là
depuis quand
?
depuis longtemps
puisque malgré leur dureté
la pluie a pu les creuser !
nulle autre force n’y a prise
tels ils furent
et tels ils sont
leur vue dit au cœur
Persévère
insecte