Lionel André / promenades / randonnées / arts / littératures / air du temps
mercredi, juillet 24, 2019
on ne peut
pas éviter le contact des yeux
c’est
une règle de survie
un silence
une portion de silence
c’était de souvenirs
qu’il s’agissait
nous
parlions alors déjà
de souvenirs
.
de quoi
nous souvenir
dans
dix dans vingt ans
*
les
choses bariolées
les
cieux de tons jumelés
comme
les
vaches tavelées
les
roses
grains de beauté
mouchetant la truite qui nage
les
ailes des pinsons
les
frais charbons
ardents des marrons chus
les
paysages
morcelés marquetés
friches
labours
pacages
***
mardi, juillet 23, 2019
l'hirondelle rouge
inventer dans l’ordre des idées
et imaginer
des images sont des exploits psychologiques
très différents
on
n’invente pas
des idées sans rectifier
un passé
de rectifications en rectifications
on peut espérer dégager
une idée vraie
il n’y a pas
de vérité première
il n’y a
que des erreurs premières
l’idée
scientifique a
un long passé d’erreurs
l’imagination poétique
elle
n’a pas de passé
elle
déroge à toute préparation
l’image
poétique est vraiment
un instant de la parole
instant qu’on saisit mal
si on veut le placer dans l’indéchirable
continuité
d’
une
conscience
bergsonienne
pour recevoir toutes
les surprises du langage poétique
il faut
se donner à la conscience
kaléidoscopique
un peu de braise une heure ou deux
tends l'oreille
vers le silence du soir
le jour
s'écarte les voix
s'effacent
le ciel
bleu fait un peu
de braise
les arbres
fument une heure
ou deux
il faut
aller vite car les choses réelles
ne rêvent pas bien
longtemps
il ne faut pas
laisser s'endormir la lumière
il faut
se hâter de la réveiller
mardi, juillet 16, 2019
ce travail
est la matérialisation écrite
de mes stratégies
de création
il illustre
mon travail artistique
d'
un point de vue pratique
les artistes expriment leur pensée
par leur travail
et chaque œuvre constitue
une partie du discours
cette œuvre écrite
au départ
avait l'ambition d'aborder et d'éclaircir
les enjeux
d'
un travail à la fois performatif
installatif
sonore et visuel
le résultat est
une pièce qui reprend
sous
une forme littéraire
la même stratégie que j'utilise
dans l'ensemble de mon travail
ce texte
est
un ready-made assisté
et
un travail d'assemblage
le choix en constitue
la modalité principale
mon travail est de choisir
de pointer des phénomènes discrets
qui passent souvent inaperçus
afin de les faire découvrir
à de possibles récepteurs
les propositions
demandent ainsi à être complétées
par eux
mon travail est
une réponse conditionnée
par l'espace et le temps où il se produit
je conçois
difficilement
une production d'objets
qui peuvent être installés
dans
un espace
et
un temps indéterminé
ce travail textuel
n'en fait pas exception
il utilise
l'espace-temps de l'écriture
ses feuilles blanches
son contexte
comme espace de création
voici
un travail composé
de mots qui rêvent de poésie
l'architecte hollandais
Rem Koolhaas
souligne l'importance des mots
en disant que
c'est seulement
par les livres que l'on peut générer
une cohérence aujourd'hui
en ce qui concerne cette œuvre
je n'ai pas d'hésitation
à affirmer que sa cohérence et sa richesse
se trouvent dans l'espace entre les mots
dans les marges qui les entourent
au verso des pages
dans le son qu'elles produisent
quand on les tourne
et surtout,
dans ce moment précis
où
l'on dépose le texte
lève la tête
et prend conscience
de l'espace qui nous entoure
quand soudain
on l'écoute
quand
on quitte la table
et
se met à marcher
trois ou quatre gouttes
de hauteur
n’ont rien à voir avec
la sauvagerie
que
toute amertume
toute animosité
toute colère
toute clameur
toute calomnie et
toute espèce de méchanceté
disparaissent du milieu
de moi
contempler
un simple objet
et contempler
un objet
que l’interprétation a transformé en œuvre
n’est pas du tout la même chose
même
lorsque l’interprétation rend en quelque sorte
l’objet à lui-même
en disant que l’œuvre
est l’objet
*
tous
les objets les mots du monde
sont reliés
entre eux
d’
une manière
ou d’
une autre
ils se touchent les uns les autres
il est neuf heures
le gaz est baissé tout bleu…
je prie dans la nuit
tandis qu’éternelle et adorable profondeur améthyste
tourne à jamais
la flamboyante gloire du Christ
cette machine
à cinq cœurs devra enfanter
le phare
ce phare devra enfanter
l’enfant-Dieu
rappelant
le Jésus des Primitifs
il sera
l’épanouissement divin
de cette machine-mère
comme forme graphique
je le vois machine pure par rapport à
la machine-mère
plus humaine
il devra rayonner de gloire
*
j’ai accès à tout
c’est comme si j’avais à ma disposition
des hangars gigantesques bourrés de
documents
étagères en métal
petite manivelle
je rapproche et j'éloigne les murs d’archives à volonté
mais en version moderne
autrefois
j' allais chercher tout ça à patins à roulettes
fff-fff
1922 1870 1830 1390
en remontant
comme ça
maintenant
c’est à portée de main
la langue à ses idées
j’examine
retiens ou rejette
m’engageant souvent
dans des directions auxquelles
je
n’avais pas pensé
de
sorte que
ce qui se fait au cours
de ce travail est infiniment
plus riche que mon
vague
très vague projet initial
Paul Valéry
maintenait que la parole
plane et courante
vole à sa signification
et que la parole littéraire a pour fin
la volupté
*
le dragon
mon contemporain
m'a dit que les phrases agissent comme
des formules magiques
on
les compose
vaille que vaille et on les range
en pensant qu'elles pourront servir
un jour
commençons par ne parler
de rien
nous finirons par tout
dire
*
Pourquoi suis-je né
?
est
une question
traitée après le repas
c’est-à-dire entre deux repas
dans cet intervalle incertain
comme on s’occupe d’allumer du tabac
et d’en disperser la fumée
par les tuyaux
des narines
trois nuages
trois vies trois pies trois
docteurs
une journée
un lac
une fascination
*
par
une
journée d’été
le fou
pêche dans
un lac
et subit
une fascination
il subit
la fascination de l’eau
la grande
étendue à la surface miroitante
et les nombres l’envahissent
issus des flots
les deux
poches de la vessie natatoire
les quatorze
vessies natatoires extirpées
intactes des entrailles des poissons
capturés
les cinq
corneilles dans le ciel
les vingt-sept
kayaks qui défilent
les trois millions
de vaguelettes
un
martin-pêcheur
qu’en augurer
?
que nagent
dans l’air les bulles
irrégulières libérées de l’obscurité
verte des rochers de schiste
propose-t-il
devant lui
le plan
d’eau en miroir
le fil
ténu comme
un cheveu
le flotteur sensitif
les habitants
de la coulisse des eaux
et
les songeries
se mêlent aux soucis
songeur
il
énumère
les vingt-cinq mille
picaillons
les trois nuages
trois
beau nombre
qui marche en toute occasion
les trente-sept vessies
une brème
trois vies
une vie n’est-ce pas trop peu ?
trois pies
et
un geai
un écureuil roux
une vipère
les neuf
branches principales
du chêne au-dessus de sa tête
onze canetons
les vingt-cinq mille
picaillons m’échappent
du fait de la
sentence
de
trois
docteurs
en philologies diverses
les trois
nuages passent
les neuf branches bougent
la brème replonge
que
d’agitation
dans les nombres
que de métamorphoses
dans les
flots
qu’en augurer
?
je suis d'avis que
je ne puis conserver ma santé
et mes esprits
si
je ne passe au minimum
quatre heures par jour
et le plus souvent davantage
à flâner par les bois
les collines et les champs
entièrement
dégagé de toute préoccupation
matérielle
*
Marcher
c’est donc marcher vers son destin
ce qui suppose
le dépouillement total afin de se retrouver
seul face à soi-même
pour se construire
avec
ce matériau purifié par
la marche
avec
H.D.T
philosophie première
la poésie est comme la musique
qui existe si peu
dont on se passe si facilement
sans elle il manquerait quelque chose
bien qu'on ne puisse dire quoi
on peut
après tout vivre sans le
je-ne-sais-quoi
comme
on peut vivre sans poésie
sans philosophie
sans musique
sans joie et sans amour
La fin de l’État
n’est pas de faire passer les hommes de la condition d’êtres raisonnables à celle de bêtes brutes ou d’automates, mais au contraire il est institué pour que leur âme et leur corps s’acquittent en sûreté de toutes leurs fonctions, pour qu’eux-mêmes usent d’une raison libre, pour qu’ils ne luttent point de haine, de colère ou de ruse, pour qu’ils supportent sans malveillance les uns les autres.
La fin de l’État
est donc en réalité la liberté. […] C’est donc seulement au droit d’agir par son propre décret qu(e l’homme) a renoncé, non au droit de raisonner et de juger ; par suite nul à la vérité ne peut, sans danger pour le droit du souverain, agir contre son décret, mais il peut avec une entière liberté opiner et juger et en conséquence aussi parler, pour qu’il n’aille pas au-delà de la simple parole ou de l’enseignement, et qu’il défende son opinion par la raison seule, non par la ruse, la colère ou la haine.
Aussi s’agira-t-il de poser les limites de l’État et d’en dégager la finalité afin de déterminer ensuite un espace de liberté pour les opinions des sujets.
Spinoza démontre à la fois que la liberté de philosopher est non seulement utile, mais nécessaire à la piété, et que la liberté de philosopher est également utile, mais aussi nécessaire, à la sécurité de l’État.
lundi, juillet 15, 2019
c’est raisonner en enfant
de penser
qu’il n’y a rien dans le monde
qui soit différent
de ce que nous voyons
parmi nous
que c’est doublement enfant
de croire que ce que nous n’entendons pas
ce que nous ne concevons pas
ce qu’il n’est pas possible d’imaginer
ne peut être entendu
conçu et imaginé de personne
qu’en conséquence
de ce qu’
une infinité d’ignorants
et de gens avides ont échoué dans l’étude
de la philosophie hermétique
en conclure que ce qu’elle promet
est purement chimérique et imaginaire
c’est
le comble
de la présomption et de
l’extravagance
YVES LECLAIR
L'autre vie
Collection Blanche Gallimard
Parution
18-04-2019
ce recueil de poèmes en prose
est fait de petits riens
de la vie
fragments de lettres
souvenirs
moments de grâce
bribes de conversation
impressions de voyages
cartes postales
prières
pensées
ils composent une manière de journal poétique de haute tenue où l'on surprend de-ci de-là entre apparitions et disparitions des appels des images et des échos non seulement du septième ciel mais de cette autre vie que le paradis promis ou l'au-delà spirituel figurent
c'est
simplement beau
délicat coloré
comme
un vitrail
un bleu / un rayonnement / une combinaison
la coupole du ciel
est
d'
un bleu admirable
le soleil
a
un
rayonnement
de soufre
pâle
c'est
doux et charmant comme
une combinaison
des bleus célestes et des jaunes
dans les
Van der Meer de Delft
cela m'absorbe
tant que
je me laisse aller
sans penser à aucune règle
VVG
les relations
biophysiques entre les capteurs et les actionneurs
1 , 2 , 3 , 4 , 5
ont été fondamentales pour le développement
de formes de vie complexes
les organismes nageurs
génèrent des flux abondants qui persistent
dans les milieux aquatiques
6 , 7 , 8 , 9 , 10 , 11 , 12 , 13
il est essentiel
pour la survie
de réagir rapidement aux
stimulis externes
*
entre
humain et animal
la rupture est abyssale
mais
la
frontière
ni une ni
indivisible
c'est
une limitrophie
complexe plurielle
que l'homme raconte
autobiographique-ment
pour qui veut bien regarder
tout
fait art
la nature la ville l'homme le paysage
l'air du temps
ce qu'on appelle humeur
et sur toute chose enfin la lumière
elle considère
comme art involontaire
le résultat heureux
d'
une combinaison
imprévue de situations
ou d'objets organisés entre eux
selon des règles d'harmonie dictées
par le hasard
cet art peu estimé flotte à la surface
des choses
il est sans poids puisque la société
ne lui en donne pas
un art sans statut
une figure du hasard
un art démuni
un état d'être éphémère
une lumière parfois
un regard
dimanche, juillet 14, 2019
Apidima
2
remonte à plus de 170 000 ans
et présente
un schéma
morphologique semblable à celui de
Néandertal
Apidima
1
date de plus de 210 000 ans
et présente
un mélange
de caractéristiques humaines
et primitives
modernes
ces
résultats
suggèrent
que deux groupes
humains de la fin du Pléistocène
moyen étaient présents
un
groupe
d’
homoglycémie précoce
population suivie
par
une
population
de Neandertal
au proche
que l’on ne voit pas
au lointain
que l’on croit voir
il vous
faut naître de nouveau
jean
3-7
ce que les hommes
nomment
amour
est
bien petit
bien restreint et bien faible
comparé à cette ineffable
orgie
à cette
sainte prostitution de l’âme
qui se donne tout entière
poésie et charité
à l’imprévu
qui se montre
à l’inconnu qui passe
*
étant enfant
il arrivait que tard le soir
une fois par an
vers la fin du printemps
une très vieille femme
avec
une petite remorque à deux roues
vienne frapper au carreau embué de la cuisine
où l’on voyait fumer la soupe
elle
demandait
alors si elle pouvait
coucher la nuit sous le préau
de l’école
Mère de la route
elle
me fascinait
elle allait
je crois
à
Saint-Jacques-de-Compostelle
poésie
acier riveté
bois tourné brunissures grain
douceur
rigidité rondeur longueur et lustre
fumée par la sueur
aiguisée
exciter
enflammer
attiser
augmenter
stimuler
affiler
ranimer
surexciter
exaspérer
aviver
amincir
aiguillonner
affûter
accroître
travailler
repasser
polir
équilibrée éprouvée
ajustée
bondissant e griffant e agressive
*
dans l'atelier du maître ancien
on fabrique patiemment du bleu
au-dessus de quelque scène
champêtre ou religieuse
en fin d'après-midi
sur la surface saturée d'apôtres
de garces et d'antique
stupeur
un ciel
incendié
s'applique à dévorer
le bleu derrière la nuque
des personnages
les mots
comme des photons reconstituent
la figure d'interférence
visible seulement dans sa frange
brillante
pour certains
la révolution est à peine suffisante
ils partent
hantent les asiles dont ils font
une bibliothèque
habitent les prisons
où
flotte le feu de leurs rêves
créent
un pseudo-langage
qui n'est plus entendu mais reconnu
de leurs seuls
semblables
elle
était là
elle
est toujours là
on la sent peu à peu remonter en surface
elle
vient de loin
elle
n’a rien compris ni rien
appris
son obstination résiste
elle
est assise
elle
a son corps
ses mots de passe
ses habitudes
ses réflexes
elle
parle bas
dans
les salons
les ministères les commissariats les usines
à la campagne comme dans
les bureaux
elle
a son catalogue de
clichés
des petites phrases arrivent
bien rancies
bien médiocres
des formules
de rentier peureux se tenant au chaud
d’
un
ressentiment
borné
En Marche vers le buffet
un écologiste !
aime
le jus de la vigne
les fruits de la mer
les homards irradiés et les fleurs désossées...
***
Que des élus fassent bombance avec l'argent des contribuables n'est pas une chose nouvelle. Ça n'est pas une surprise. C'est vieux comme le monde. Rien de neuf sous le soleil, tout se trouve déjà dans La Vie des douze Césars de Suétone - une bible païenne et libertaire... Caligula qui nomme son cheval sénateur, Néron qui fout le feu à Rome, Tibère qui sodomise des petits garçons, changez les noms, les forfaits demeurent. Ce même Suétone qui, pistonné par Pline le Jeune, obtient le statut de père de famille nombreuses alors qu'il n'a pas d'enfants! la semaine vue par M.O
samedi, juillet 13, 2019
Je vous aimais...
et mon amour peut-être
Au fond du cœur n'est pas encore éteint.
Mais je saurai n'en rien laisser paraître.
Je ne veux plus vous faire de chagrin.
Je vous aimais d'un feu timide et tendre,
Souvent jaloux, mais si sincèrement,
Je vous aimais sans jamais rien attendre...
Ah ! puisse un autre vous aimer autant.
elle
découvre
un roman
extraordinaire dans
une bibliothèque
qui recueille les manuscrits refusés
par les éditeurs
le
texte
signé H. Pk devient
un
best-seller
pourtant
ce pizzaïolo breton
décédé deux ans plus tôt
n’aurait jamais lu de livre
ni écrit autre chose que sa liste de courses
un célèbre
critique littéraire va mener l’enquête
avec l’aide de la fille de l’énigmatique
H. Pk
et mon amour peut-être
Au fond du cœur n'est pas encore éteint.
Mais je saurai n'en rien laisser paraître.
Je ne veux plus vous faire de chagrin.
Je vous aimais d'un feu timide et tendre,
Souvent jaloux, mais si sincèrement,
Je vous aimais sans jamais rien attendre...
Ah ! puisse un autre vous aimer autant.
elle
découvre
un roman
extraordinaire dans
une bibliothèque
qui recueille les manuscrits refusés
par les éditeurs
le
texte
signé H. Pk devient
un
best-seller
pourtant
ce pizzaïolo breton
décédé deux ans plus tôt
n’aurait jamais lu de livre
ni écrit autre chose que sa liste de courses
un célèbre
critique littéraire va mener l’enquête
avec l’aide de la fille de l’énigmatique
H. Pk
DÉSIR
vite plus vite ta langue à plat
s’y attarde fais face et fixe statue de marbre
mordillé jusqu’au
sang
l’air fait se déplacer
un pointeur
une pelle
soulève la surface vide
oracle au fond
d’
une boîte d’allumettes
un centimètre
de terre toutes sortes d’articles
alphabet
d’
un porteur d’eau
DÉSIR
vertige
d’
un coup brusque
bouche et caresse en cadence
un rien
un désir
un songe
une caresse
un livre
une ombre
une éclaircie
un gouffre
un nom
une stèle
une croix
une louve
une reine
une déesse
un soupir
un regret
une rose
une prière
une espérance
un philtre
une hébétude
un printemps
un grand silence
un écho perdu
un nuage
un éclair
un sablier
un oracle
une blessure
un vertige
une fille de la nuit
une moire ravaudeuse
un cri par effraction
un chemin
une lisière
une légende
une poudrière
une clairière
une absence
une aile
un chant
un rien
un désir
un silex
une fugueuse
une poupée
une flèche
une corde
un-arbre-seul
néant
DÉSIR
des jours élus
Fête
elle
vit toute rencontre de l'être aimé
comme
une fête
UNE FÊTE
c'est ce qui s'attend
ce que j'attends de la présence
promise
une
sommation
inouïe de plaisirs
un festin
je vais avoir devant moi
la source
de tous les biens
je vis
des jours heureux
que Dieu réserve à ses élus
et qu'il advienne de moi ce qui voudra
je ne pourrai
pas dire que les joies
les plus pures de la vie
je ne les ai point
goûtées
la Fête
pour l'Amoureux le Lunaire
c'est
une
jubilation
ce n'est
pas
un
éclatement
je jouis
du dîner
de l'entretien
de la tendresse
de la promesse sûre du plaisir
un art
de vivre au-dessus de l'abîme
n'est-ce donc rien
pour vous
d'être la fête de quelqu'un
?
DÉSIR
toujours
une mutation
laisse des pierres d'attente
pour
une autre mutation
DÉSIR
un son
juste
un son
dans le flot du mystère
dans le tempo de l'instant
DÉSIR
une voie possible
sous l'effroi du silence
DÉSIR
une soif de réel
un éclat de l'être
une force sans ombre
un appel
à vivre en terrain découvert
un grand rêve éveillé
dimanche, juillet 07, 2019
Le soleil dans les mots
Fondre comme neige au soleil
Rien de nouveau sous le soleil
Une place au soleil
Avoir des biens au soleil
Cela n’a vu ni lune ni soleil
Un rayon de soleil dans la vie
Faire sa cour au soleil levant
Piquer un soleil
Une couleur qui passe au soleil
Prendre un bain de soleil
Un coup de soleil
Exécuter un soleil
Ce poisson à reçu six soleils
il est resté six jours sur la grève
Le soleil de minuit
L’empire du Soleil Levant
La lune dans les mots
Depuis des lunes
Lune de miel
Pêcheur de lune.
Poisson-Lune.
Sel de lune
Aboyer à la lune
Confrère de lune
Visage de lune
Coucher à l’enseigne de la lune
La lune est le soleil des loups
Faire révérence à la lune
Exécuter un coup de pied à la lune
Tomber de la lune
Avoir des lunes
Être bien luné
Être dans la lune
Demander promettre la lune
Vouloir prendre la lune avec ses dents
Montrer la lune en plein midi
Il est bête comme la lune
Faire un trou à la lune
Dans le monde numérique contemporain
le langage est devenu
un espace provisoire
passager et déprécié
simple matériau pour être déblayé
reformaté
stocké
et repris dans n’importe quelle forme
adaptée
avant qu’on s’en débarrasse
aussi vite
Parce que les mots d’aujourd’hui
ne coûtent rien et sont produits à l’infini
ils ne sont que déchets
représentant peu
signifiant encore moins
La perte de boussole
par la réplication ou le spam
est la norme
Les notions d’authentique ou d’original
sont de plus en plus
intraçables
Ce que nous ne pouvons télécharger
n’existe pas
La régurgitation est le nouveau mode non créatif
au lieu de créer
nous honorons et chérissons
embrassons la manipulation
et la réutilisation
Comment représenter le réel ?
C’est la question que s’est posée la peinture face à la photographie et au cinéma au XXème siècle. En ce début de XXIème siècle et avec le numérique, la question concerne désormais la littérature : comment écrire sans écriture ?
Comment écrire à l’âge numérique où la création avec tous ces textes, en « open source », ces messages, ces copier-coller qui pullulent en ligne et en réseau, n’a plus lieu d’être ? Comment écrire à cet âge où la figure d’un auteur seul, à son bureau, dont le geste consistant à tracer des lettres sur une feuille, n’a plus lieu d’être non plus ?
Réponse avec le professeur et poète américain, Kenneth Goldsmith, dans cet essai tout juste traduit en français (par François Bon), L’écriture sans écriture, du langage à l’âge numérique. Et en 4 exemples
:
C’est le poète japonais Shigeru Matsui à qui l’on doit ces « purs poèmes », soit des « codes alphanumériques binaires » qu’on trouve en informatique. Et c’est un 1er exemple pour répondre à la question : comment écrire sans écriture ?
D’abord, en n’étant pas créatif. Certes, ça fait longtemps que l’auteur tout-puissant est battu en brèche, avec les ready-made, les collages et les samples. Mais dans l’écriture, qu’on la critique ou pas (qu’il s’agisse de Platon qui la voyait comme le tombeau de la mémoire ou de Derrida qui en faisait la trace de sa Grammatologie), une idée persiste : celle du créateur qui écrit une œuvre originale, unique et transmissible.
Or, ce qui compte ici, ce n’est plus qui parle et ce qu’il dit, 1er ou pas, original ou pas, mais la manière dont cela est dit, construit, conçu, faisant du génie une sorte de programmeur web.
Parfois, à écouter Guy Debord, on peut se demander ce qui distingue son ton monotone d’un code informatique… En cela, il préfigure d’ailleurs cette nouvelle écriture sans écriture : celle où l’auteur importe moins que le texte, celle aussi où le sens originel importe moins que le réagencement, la reprise, la relecture et que le détournement dont il fait l’objet.
C’est la 2ème réponse à « comment écrire sans écriture ? » : en abandonnant certes le geste 1er de la formation des phrases, mais pas la manipulation de ces mêmes phrases. Debord proposait de dévier de nos chemins connus, et c’est bien ce qui passe aujourd’hui, avec par exemple : la dérive du chef d’œuvre de Kerouac, Sur la route, redactylographié intégralement sur un blog ; avec, aussi, le détournement des pires résultats de requête Google ; ou avec ce mot « rouge » que l’on fait dérailler…
Ce n’est pas du Frédéric Chopin, mais du Henri Chopin. Et c’est le 3ème exemple que l’écriture sans écriture, c’est non seulement de la reprise (sans auteur), du détournement (sans un sens définitif), et c’est aussi un dépouillement : loin de là le contenu, original, propre et 1er, et le contenu tout court.
Peu importe qu’il s’agisse du mot « rouge », peu importe son sens, l’idée est d’en entendre la texture et les tensions, le contexte où il émerge et qui révèle cette matière tendue. Ecrire sans écrire, c’est ainsi accorder toute son importance non plus à ce qui est dit, mais au dire lui-même, non plus au contenu mais au contexte :
Enfin, dernier exemple : Georges Perec et sa « Tentative d’épuisement d’un lieu parisien » pour répondre à cet impossible projet : comment écrire sans écriture. Kenneth Goldsmith le cite, enfin, pour révéler la fécondité de l’ordinaire. Traitement de texte, base de données, identités cryptées : vous pensiez recopier, répéter, plagier, vous vous pensiez englué dans le quotidien d’une écriture non-créative, vous en sortez pourtant renouvelé.