jeudi, septembre 26, 2024


vous connaissez l’histoire de Bartleby  

comment il a vécu 

comment il est mort  


ça vous a plu  

vous en demandez encore  


eh bien voici 

un merveilleux petit livre de 116 pages

 

L’imitation de Bartleby   

Julien Battesti 

















publié aux éditions Gallimard 

dans la collection 

L’infini  

qui en relance le mystère





























on ne sait rien de son auteur sinon qu’il aurait d’abord publié un extrait de ce livre dans l’étrange revue Ligne de risque

















c’est son premier roman et c’est le genre de livre qu’on commence par inadvertance charmé par les premières phrases où l’on fait connaissance avec un étudiant en théologie de l’Institut catholique qui ne cesse de tomber et vit allongé sur le plancher de sa chambre  et voici qu’on le lit d’une seule traite tant les aventures de ce jeune homme sont gorgées d’énigme 

doublées d’ombres sacrées 

comme il l’écrit

Bartleby est ce personnage d’une nouvelle d’Herman Mel­ville  employé aux écritures dans un bureau de Wall Street il répond invariablement aux ordres de son patron par cette bizarre formule 

I would prefer not to   J’aimerais mieux pas 

qui désactive toute prise 


est-ce un refus 

pas exactement 

c’est peut-être pire 

Bartleby ne veut rien 


chassé du bureau il dort dans la cage d’escalier  puis se laisse mourir contre un mur en prison

ce récit fascinant qui a suscité une glose infinie Deleuze Blanchot Agamben est ici l’objet d’un midrash c’est-à-dire d’une interprétation biblique

qui est ce Bartleby auquel le narrateur s’identifie obscuré­ment 

faire de sa vie un déchiffrement est une promesse d’ini­tiation  

l’existence est 
un buisson de signes 
qui ne demande qu’à s’enflammer 

pour ceux 
qui savent voir 
il y a partout des signes  

le monde ne cesse de s’écrire

ainsi le jeune théologien malade déchiffre-t-il sur un mur de Paris un extrait d’lnferno de Strindberg qui le conduit- en un parcours kabbalistique qui est aussi une trame de guérison  jusqu’à la tombe de James Joyce à Zurich en passant par le site Internet de Dignitas une association d’ assistance au suicide  sur lequel il visionne la vidéo ahurissante où Michèle Causse la traductrice de Bartleby met fin à ses jours

un tel périple le destine à une vérité qui sauve 

ainsi entre-t-il dans ce pays de révélation perpétuelle 

qu’est la littérature 

car celle-ci n’est-elle pas depuis sa dimension profane 

une torsion extatique des Écritures 

voilà  

Battesti déchiffre Bartleby il montre combien son apparition cryptée renvoie au voyage de Moïse et les murs de Wall Street à l’esclavage d’Égypte



















cet 
être humain 
est 

une maison d’hôtes 

chaque 
matin 
est 

une nouvelle arrivée 

une joie 
une dépression 
une méchanceté
 
une prise 
de conscience 
momentanée se présente comme 

un visiteur inattendu






























accueillez 
et divertissez-les tous 

traitez 
chaque invité avec honneur 

la pensée sombre 
la honte
la méchanceté
 
rencontrez-les 
à la porte en riant,et invitez-les 
à entrer

soyez reconnaissants pour ceux qui viennent 
car chacun a été envoyé comme 
guide de l’au-delà…





























des flous 

des  bruits et brouillages de l’image


du tremblé 

des mises au point 

des profondeurs de champ variables

des fondus-enchaînés 

des filages

des processus d’effacement 

des repentirs

de l’esthétique de l’inachevé 

du non finito

















des palimpsestes 

d’images de texte et d’images les superpositions artistiques permettant de laisser transparaître un objet  en dessous de la surface de représentation

des filtres calques filigranes 

des collages…

de même les objets ou les images du translucide placés au sein des espaces de création pourront faire l’objet d’une attention particulière à travers la symbolique qu’ils véhiculent


voiles

 rideaux fenêtres embuées

parois translucides et cloisons japonaises

nuages et  brouillards 

atmosphériques


bien entendu les dispositifs techniques et les objets translucides seront à mettre en relation avec l’entre-deux conceptuel métaphorique ou poétique propre à la question de la translucidité 


le translucide comme 

une alternative aux concepts de transparence et d’opacité qui ont souvent servi à définir la nature illusionniste ou non illusionniste de l’image

les entre-deux de l’image 

les espaces de transition ou de passage

le filtrage des informations conscient ou inconscient  tout comme l’objet translucide filtre la lumière 

processus de propagande de manipulation de censure ou d’autocensure l’expression d’une subjectivité identitaire

l’image translucide comme filtre de la mémoire révélatrice du palimpseste des souvenirs s’attachant aussi bien aux mémoires individuelles que collectives les processus historiques d’occultation et de révélation 



le secret exhibé 

mais jamais 
entièrement dévoilé

image
d’un univers poétique 
crypté…






























ni opaque ni transparent 

le translucide

qui résulte de la traversée d’un corps par une lumière diffuse sans toutefois permettre de distinguer les objets à travers lui 

voile et dévoile à la fois sépare et unit
nourrit l’espoir de la 
visibilité 

la matière translucide montre ce qui se joue derrière elle devenant pour le créateur le moyen de révéler une présence là où subsiste le manque, laissant juste filtrer les ombres d’un monde divisé qui pourrait servir de référence à ce monde d’apparences que décrit Platon 

elle est en cela source de désir

mais aussi de manque et de frustration 
car derrière le voile translucide
la réalité s’estompe 
et s’enfuit