Lionel André / promenades / randonnées / arts / littératures / air du temps
lundi, octobre 31, 2022
samedi, octobre 29, 2022
Peipei 26 ans
coupe carrée et lunettes à bordure noire est au
chômage volontaire
depuis deux ans
diplôme de chimie d’
une grande université en poche
elle occupe brièvement
deux emplois à Shenzhen dont
elle démissionne rapidement
j’ai découvert que le boulot était insupportable le salaire à peine suffisant pour payer mon loyer et mes dépenses de base
j’avais très peu de vacances et je passais beaucoup de temps dans les trajets et les heures supplémentaires
je ne dormais pas assez et j’étais de plus en plus malheureuse
peu à peu j’ai compris que, malgré tous mes efforts, je ne deviendrais jamais quelqu’un qui compte
déjà à la fac je ne faisais pas le poids face aux bons étudiants et j’avais renoncé aux récompenses et aux médailles…
Alors pourquoi me crever à la tâche ?
j’ai du mal à te dire
des mots
il faudrait
un corps
il
tombe
de niveau
en niveau
ne pas se fier à ce jour
les sillons du jour presque beau
il ne fallait pas se fier aux sillons
d’
un jour si beau
des silhouettes des images
le contour se déplace
sans que rien ne bouge
*
fumer plus de deux cigarettes
émousserait le plaisir offert par ces deux-là
ma sensibilité en perdrait
de quoi dépend l'ivresse ?
de la substance ?
de la dose ?
ou de la sensibilité du sujet ?
je te pose la question mais pour moi c'est
une évidence
plus vive est la sensibilité
plus vive est l'ivresse
plus faible peut-être la dose
l'ivresse
on le sait
peut être produite
par des substances tout à fait neutre
on peut être ivre
en buvant
de l'eau
que vois-tu
regardant le mur d'
un regard vide
A l'heure tardive du crépuscule
?
une mouette sur la nappe bleue de l'eau
?
les jardins de Florence
?
ou bien
ce grand parc de Tsarskoe Selo
où l'inquiétude a croisé ton chemin
?
ou encore
à tes genoux celui-là
qui pour la mort blanche a quitté tes liens
?
non
je ne vois qu'un mur et sur ce mur
les reflets d'un ciel
qui s'éteint
Anna Akhmatova
un jour
je serai poète
répète-t-elle
en d'autres mots dans la bouche d'une Russe née en 1889 à la fin d'un siècle encore attaché-mais pas pour longtemps à parquer les femmes dans l'enclos des contraintes je serai libre
en attendant
préparons-nous
!
la liberté n'est pas
une libellule qu'on attrape par les ailes sur la pointe d'
un roseau
un fauve plutôt tapi dans l'ombre des pulsions
la liberté s'arrache et se mérite
Je voudrais vivre dans un tonneau comme le philosophe grec Diogène de Sinope pour profiter pleinement du soleil ou habiter dans une caverne comme Heraclite pour réfléchir sur le logos
Alors que sur cette terre il n’y a pas de courant de pensée qui rende hommage à l’homme j’en ai donc créé un : tang ping est ma philosophie dans lequel l’homme est la seule mesure de toute chose
a écrit le 17 avril un certain Voyageur Bienveillant sur un forum de discussion hébergé par Baidu
le message devenu viral sur le web chinois a trouvé un écho retentissant auprès de la jeunesse dans l’Empire du milieu
Tang ping 躺平 rester allongé composé de tang 躺 s’allonger et ping 平 plat désigne un mode de vie aussi simple que libre loin des pressions imposées par la famille et la société
Luo Huazhong le vrai nom de Voyageur Bienveillant est un trentenaire vivant dans le Zhejiang Cet ancien élève décrocheur travaillait dans des usines avec des horaires de travail de 12 heures par jour avant de vivre de petits boulots
Il mène une vie jugée idéale par beaucoup de ses contemporains : lire des livres de philosophie, s’informer faire du sport et réfléchir librement.
Toute notre vie on doit se soucier d’avoir une maison et un travail qui puissent correspondre à un certain modèle familial traditionnel.
J’ai horreur de ça
déclare-t-il en répondant à un internaute
vendredi, octobre 28, 2022
Tang ping
la jeunesse chinoise
s’allonge
pour vivre autrement
le tang ping traduction
rester allongé
génération tangping
quand les jeunes Chinois refusent la course à la réussite
face à un horizon bouché et au durcissement politique du régime de Pékin la jeunesse notamment celle des classes moyennes se rebelle de plus en plus contre le système… et rejette le consumérisme
est-ce
une revendication marxiste du droit à la paresse
cher au gendre de Marx
Paul Lafargue
?
une attitude
inspirée par le I prefer not to du Bartleby
de Melville
?
la version chinoise du
Ne travaillez jamais de Guy Debord
dont La Société du Spectacle a été traduite en chinois en 2008
?
une traduction
improbable du
ne vous inquiétez donc pas du lendemain
à chaque jour suffit sa peine
de saint Mathieu
?
une version contemporaine
du phénomène hippy qui envahit les pays occidentaux
au moment du capitalisme
consumériste triomphant
?
une traduction
tout à fait inattendue du
lire et écrire allongé de Yannick Haenel
?
un symptôme dépressif
qui pour le coup
ne toucherait pas que la jeunesse chinoise
?
on se perd en hypothèses
alors quoi
?
eh bien peut-être est-ce une réminiscence inconsciente mais bien chinoise des enseignements de Tchouang Tseu qui sans nécessairement être couché conseillait de ne pas s’oublier soi-même dans une société qui nie l’individu au nom du collectif et où chacun est plus ou moins le prédateur de l’autre et comme tel voué à être victime soi-même d’un autre prédateur
Un jour que Tchouang Tseu se promenait dans le parc de Tiao-ling il vit arriver du Sud une pie étrange dont les ailes avaient sept pieds d’envergure et les yeux un pouce de diamètre elle heurta sa tempe en passant près de lui et alla se poser dans un bosquet de châtaigniers
Quel est cet oiseau bizarre se demanda-t-il qui a d’immenses ailes mais vole mal qui a de grands yeux mais ne voit pas où il va ?
Il hâta le pas en relevant sa robe braqua son arbalète dans sa direction et visa
Il aperçut alors une cigale qui venait de trouver un coin d’ombre et s’y reposait oublieuse d’elle-même
Derrière elle une mante religieuse se tenait cachée elle s’apprêtait à fondre sur la cigale et ne voyant que sa proie s’oubliait elle-même
La curieuse pie se tenait derrière la mante religieuse et ne songeant qu’à tirer profit de l’occasion s’oubliait aussi
Tchouang Tseu fut effrayé par ce spectacle et se dit
Les êtres sont donc enchaînés les uns aux autres chacun attire sur lui les appétits de l’autre !
A cette idée il jeta son arbalète et s’enfuit en courant
Mais ce fut alors le gardien du parc qui l’ayant aperçu se mit à le poursuivre en le couvrant d’injures
Après son retour à la maison Tchouang Tseu en resta troublé pendant trois jours
Pourquoi êtes-vous si sombre depuis quelque temps ?
lui demanda plus tard Lin Tsu le disciple qui lui tenait compagnie
Tchouang Tseu lui répondit
j’étais obnubilé par les choses
je m’oubliais moi-même
J’avais le regard plongé dans de l’eau trouble et
je croyais que c’était de l’eau claire !
Où que tu ailles disait mon maître respecte les règles
Lors de ma promenade à Tiao-ling je me suis oublié moi-même
L’étrange pie m’a heurté la tempe
est entrée dans le bosquet de châtaigniers et s’est oubliée elle-même.
Et le gardien du bois de châtaigniers m’a pris pour un braconnier !
Voilà pourquoi je suis malheureux !
Ne plus être malheureux
le jeune Chinois ou la jeune Chinoise ! qui préfère rester allongé(e) s’il ou elle refuse à juste titre de travailler comme une fourmi s’il ou elle est comme cette cigale qui venait de trouver un coin d’ombre et s’y reposait qu’il ou elle prenne garde de ne pas être oublieuse d’elle-même !
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toute maîtrise obtenue par la contrainte
toute difficulté résolue par
une fuite
ou à travers
une compensation
sera à retravailler et à ré-aborder afin
d'être réellement
dépassée
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avant toute décision
il est important
de tenir compte du cadre et du contexte
où nous allons intervenir
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ce sont
les petits ruisseaux qui font les grandes rivières
Ce sont
les petits gestes et les habitudes du quotidien
où nous pouvons le plus simplement
introduire
un changement
fiable sur le long terme
le premier but de la méditation
est
de devenir conscient
de notre vie intérieure
et
de nous la rendre familière
le but ultime est d’atteindre
la source de la vie et de la conscience
tout
vous viendra en chemin
faites d’abord
le premier
pas
le monastère extérieur
s’élève
par addition de pierres
le monastère intérieur
lui résulte d’
un incessant déblaiement
le sensible
procède d’
un travail similaire
jeudi, octobre 27, 2022
face à l’aveuglement et au vide
s’efforcer de redonner forme à ce qui n’est plus
et parvenir à nommer
l’absence
pour parvenir à mener ce travail
elle prend soin
d’éparpiller les mots sur la page
en préférant des phrases très courtes
souvent réduites à deux trois mots
pour aller à l’essentiel
dans
un style épuré
associé à
une réflexion pertinente
elle choisit
ce qu'il y a
en elle d'essentiel
d'infini et de non monnayable
elle choisit
de cultiver l'esprit de finesse
les émotions délicates
les sensations patiemment tamisées
sachant que si la faim du corps
tout impérieuse soit-elle
a ses impasses
celle de l'esprit
elle
s'accorde à l'illimité
tout comme
les nourritures dont il se rassasie
l'offrande ultime d'
une rose de novembre
l'âcreté sensuelle d'
un feu de cheminée
le nuancier d'
un ciel normand
l'ivresse
du baiser qu'on n'attendait plus
elle choisit
l'ordre sensible
contre
la tyrannie sclérosante
des ambitions
Giacometti
lorsqu’il prépara le décor de
En attendant Godot
la pièce de son ami Samuel Beckett
proposa
une figure proche de ses sculptures
un arbre maigre solitaire
toute son œuvre
ne renvoie l’artiste
qu’à sa propre solitude et à son effort
pour la rompre
ne croyez pas que le Destin
soit plus que la densité
de l’Enfance...
ce que
j'ai aimé
que
je l'aie gardé ou non
je l'aimerai
toujours
une litanie
une énumération obstinée
une invraisemblable accumulation de livres
un poèmes inachevé
un tableaux brûlé
une partitions inconnue
un film jamais monté
une paroles coupée
une idée de la littérature et de la musique
un amoncellement
un catalogue du vide
de l’évanoui du disparu du ravi
une curieuse impression
entre dérision et excitation
un mouvement
une forme de perfection
une forme idéale
un statut d’existence particulier
une présence
une œuvre fantôme
une œuvre lacunaire
une œuvre de la non-représentation
le bonheur
n’est peut-être qu’
une épreuve qui a bien tourné
ou
une bienheureuse disposition du cerveau
qu’en sait-on au juste
sinon que tout instant recèle
une chance de bonheur
et qu’il ne tient qu’à nous de la saisir
?
*
écrire
persévérer dans
une obstination déraisonnable
s'enraciner
dans d'immobiles errances.
l'évidence même pour
Ezra Pound
immobile étais-je
arbre parmi les arbres
sachant
la vérité des choses jusqu'alors
ignorées
le matin
j'entends les oiseaux ;
le soir le silence
j'entends aussi des fantômes
J'écris sous leur dictée
écrire
pour moi
c'est vivre en paix parmi
les ombres
*
travailler à un livre
courir la chance d’en voir d’autres jaillir à point nommé ceux-là mêmes qu’on avait cherchés dans les bibliothèques sur les quais ou dans nos rêves des livres qui éclairent et fécondent les nôtres
le réel
serait-il sensible à nos
fictions
?
mardi, octobre 25, 2022
Ceux qui vont par les étranges terres / les étranges aventures quérant
dès le titre, ce texte opère un basculement passionnant, car il donne aux réfugiés et à ceux maltraités par l’histoire le statut de Chevalier de la Table ronde, retour aussi sur les prémisses de la littérature française.
Succession de paragraphes courts dans lesquels noms, adjectifs sont jetés et se juxtaposent, les verbes sont souvent absent ou alors se succédent dans un flux qui rend l’urgence, l’essoufflement.
Le mouvement devient langue dans un flux langagier et un flux d’affects, un flux du monde, le temps s’accélère, se brouille, se mélange.
lundi, octobre 24, 2022
sa langue est
poétique et musicale
sa langue est
imagée et musicale
sa langue est
souple
étincelante et merveilleuse
sa langue aime
jouer de la musique
elle vibre et fait vibrer
elle fait
le bruit
de tous les sons
des instruments de musique
elle fait
le bruit
de tous les sons
des animaux et des phénomènes naturels
sa langue
est musicale sa langue est
poétique
pas besoin
de raisonner pour ne pas espérer
va donc pour la monotonie c'est plus stimulant
on s'est toujours raconté n'importe quoi....
ne cherchant plus
cherchant encore
ne trouvant rien
trouvant enfin
ne trouvant plus......
sans savoir quoi
sans savoir où
où est la nature
où est l'entendement......
où sont les autres
?
qui est ce qui parle
ce n'est pas moi qui parle...
que je sois cela
que je crie
que je bouge
que je sorte d'ici
que je naisse
que je meure
que j'écoute.....
les mots sont partout
dans moi
hors de moi....
je suis fait de mots....
où que j'aille je me retrouve
m'abandonne
vais vers moi
viens de moi....
peur du bruit
peur des bruits
bruits des bêtes
bruits des hommes
bruits du jour et de la nuit...
au lieu
de chercher
ce que vous n'avez pas
trouvez
ce que vous n'avez
jamais perdu
A
un moment donné mon sentiment d’être
n’était pas présent
j’en suis venu à connaître
l’apparition du sentiment
d’être
je suis son témoin
la transition
de l’état de non-être à l’état présent de connaître
est en elle-même
un miracle
comment cette transition a eu lieu
c’est tout ce que
j’ai vu
cette transition
s’applique à chaque être vivant
mais
rare est
celui doté d’
une forme humaine
qui
connaît
le secret de comment
cela arrive
une apparence
comme
le rêve n'est pas distinct du rêveur
la connaissance n'est pas distincte de l'être
le rêve est le rêveur
la connaissance est le connaissant
la distinction n'est que verbale
la non-distinction parle dans le silence
les mots sont porteurs de distinctions
le non-manifesté n'a pas de nom
tous les noms se réfèrent au manifesté
la conscience est esprit
la connaissance est matière
l'esprit imparfait est matière
la matière parfaite est esprit
toutes les divisions sont
dans le mental
il n'y en a pas dans la réalité
le mouvement et le repos sont des états du mental
ils ne peuvent pas être sans leurs contraires
rien ne bouge
rien ne repose
c'est
une grave erreur
que d'attribuer aux élaborations du mental
une existence absolue
aucune chose n'existe par elle-même
parmi
les plus grandes
des choses qui sont parmi nous
c’est l’être du rien qui tient le premier rang
I would prefer not to
I would prefer not to
I would prefer not to
la parole
laconique du scribe retentit dans le silence
elle est aussi simple
qu’
une phrase musicale
la géographie mentale est sans limites
elle fleurit sans cesse
au présent ...
Je n'en finis pas
de me dérober au bavardage universel
en ouvrant des livres
si
vous pensez qu'
un paysage
n'a pas de langue
c'est que vous n'avez pas su l'écouter.
tire-toi d'affaire comme tu pourras
m'a dit
la nature en me poussant
à la vie
je dis
passion fixe
puisque j'ai eu beau
j'ai envie de dire
que c'est elle qui
me vit me meurt se sert de moi
me façonne
m'abandonne me reprend
me roule
je
l'oublie
je me souviens d'elle
j'ai confiance
en elle
elle
se fraye
un chemin à travers moi
je suis moi
quand elle est moi
elle m'enveloppe
me quitte me conseille
s'abstient s'absente
me rejoint
je suis
un poisson dans son eau
un prénom dans son nom multiple
elle
m'a laissé naître
elle saura
comment me faire mourir
les grains s'ajoutent aux grains
un à un
et
un jour
soudain
c'est
un tas
un petit tas
l'impossible tas
*
un corbeau
fait
un bruit de corbeau
il vrocalise
*
préparez-vous au voyage dans l’esprit du pèlerin !
le pèlerin ne sait pas toujours où il va
mais le chemin
lui
le sait
humanité et humilité
sont deux mots qui proviennent de la même racine
l’humus
*
déjà essayé
déjà échoué
peu importe
essaie encore
échoue encore
échoue mieux
*
les larmes du monde sont immuables
pour chacun qui se met à pleurer
quelque part
un autre s'arrête
il en va de même du rire
ne disons pas
de mal de notre époque
elle n'est pas plus malheureuse que les précédentes
n'en disons pas de bien non plus
n'en parlons pas
vous
êtes sur terre
c'est
sans remède
!
où irais-je
si je pouvais aller
que serais-je
si je pouvais être
que dirais-je
si j'avais
une voix
qui parle ainsi
se disant moi
?
il n'y a
plus qu'à s'écarteler tranquillement
dans les délices
de se savoir à tout jamais
personne