jeudi, septembre 16, 2021





l'écrivain imagine une bibliothèque 

qui contiendrait 
tous les livres susceptibles d'être engendrés 
par la combinaison arbitraire 
des signes de l'alphabet 

l'hypothèse est vertigineuse

elle réduit à rien 
la croyance que l'on peut porter 
à la littérature 



































puisque tout a déjà été écrit 
le sensé et l'insensé 
le vrai comme le faux 
le réel autant que le fictif
le bon comme le mauvais
indistinguables 
pareillement produits 

et au même titre par la mécanique aveugle qui assemble aléatoirement les lettres sans souci de ce que vaut ou signifie le résultat


cependant
elle la ressuscite aussi  

car dans cette bibliothèque immense 
où prolifèrent 

le mensonger
l'indifférent 
l'inintelligible 

il se trouve nécessairement 
perdu parmi la somme de ses contrefaçons 

un volume 

qui livre 
la clé de l'ensemble auquel 
il appartient 

sans que nul puisse savoir 
avec certitude sous quelle forme
il le fait


*


que dit 
la poésie 


elle dit 

le perpétuel 
désastre du temps

 

l'anéantissement 
de la vie auquel seul survit 
le désir infini


*



juste 

moi 

ici  


il 

n'y a 

que moi 

ici 


et la pluie tombe






















attraper 

un chat noir 

dans 
l'obscurité de la nuit en forêt
est dit-on

la chose 
la plus difficile qui soit

surtout 
s'il n'y en a pas
































surtout 
s'il n'y a pas de chat 
dans la nuit où l'on cherche

ainsi parle un vieux proverbe chinois à la paternité incertaine Du Confucius Paraît-il J'aurais plutôt pensé à un moine japonais Ou bien à un humoriste anglais Ce qui revient à peu près au même



je crois comprendre 
ce que cette phrase signifie 

elle dit que 
la sagesse consiste 
à ne pas se mettre en quête 
de chimères

que rien 
n'est plus vain 
que de partir à la chasse
aux fantômes 

qu'il est absurde de prétendre 
capturer de ses mains 
un chat 

quand nul ne saurait discerner 
même vaguement
sa forme absente 
dans l'épaisseur 
de la nuit





























 


je ne suis pas 
celle que vous croyez

je ne sais pas 
pour autant qui je suis































si 
je le savais 
serais-je vraiment 
celle-là 

?


je ne manque pourtant pas d'identité

elle me déborde

elle me jette hors de moi


je ne me suis jamais 
trompée de 
désir

sans doute parce que 
le désir me tient lieu de certitude
et par conséquent 
de volonté


elle 
jouissait 
de cette pénétration 
verbale parce qu'elle était 
pour elle 

bien 
plus vive 
que l'autre 



*



for intérieur

le cœur palpitant 

est le for intime de tout pouvoir


en parlant 
d'une personne 
de sa vie intérieure ou de ses rapports 
avec celle-ci

qui 
se situe ou se rattache 
à 

un niveau très profond de la vie psychique

qui reste généralement caché sous les apparences 
impénétrable à l'observation externe
parfois aussi à l'analyse 
du sujet même















tu as séparé tes poings

tu les as ouverts

tu as posé tes mains de chaque côté de toi

tu écoutes ou plutôt tu attends

tu diriges ton attente vers des mots

tu reprends ton souffle comme après une course

tu regardes celui qui te parle et tu lui souris

tu murmure alors  je vois

tu tombes à la renverse


















tu ne te demande pas pourquoi 
tes tempes sont si 
étroites


tu racontes de si jolies choses

des 
jours entiers 
s'effritent dans 
la solitude et l'eau 
s'écoule au ras du sol

l'eau 
l'abeille intime dit 
Ovide















un point de vue

une phrase

un nom

une gêne bizarre

une fausse guérison

une région 

vers laquelle je n'ose diriger mes yeux

un trou de mémoire persistant

une présence capitale

une blessure mortelle

une organisation éphémère

une sorte de livre physique

un livre incarné

une archéologie intime 



tout se passe dans l'intime

comme si 
les événements observables 
de mon existence n'avaient sur mes ouvrages 
qu'

une influence superficielle


ce qu'il y a 
de plus important 
l'acte même des Muses 

est indépendant des aventures 
du genre de vie
des incidents
et de tout ce qui peut figurer 
dans 

une biographie



qui favorise 
l'épanouissement 
de la vie intérieure profonde
la méditation 
par son isolement
son calme feutré 

ce qu'on sent 
en sortant de la rue 
pour entrer dans un temple 

quelque chose 
de recueilli 
de doux 
d'intime 
de tendre et de consolant 



un de ces coins intimes 

où 
l'on ne sait 
plus rien du tapage 
populaire 




je marche souvent sur 
un chemin que les mots ponctuent 
comme le font les pierres pour former 
un gué


je les aime ces mots 

parce qu'ils acheminent vers moi 

le meilleur 

de mes souvenirs


un seul mot qui tombe

une esquisse

un regard

une enfance

un miroir 

nous restons les jouets d'une ombre

sanglier singulier solitaire sanglots 




















DEUX 
JOURNÉES MAUSSADES 
AVERSES ET BROUILLARD 

Thalweg étendu du sud de la Norvège au nord des Canaries avec goutte froide marquée sur le Portugal et dépression 1007 hpa sur la mer du Nord dont le front froid est aligné sur la Manche 


cet 
ensemble 
se décale assez lentement vers 
l'est-nord-est






















le brouillard a certainement 
sa poésie 
sa grâce intime 
son charme rêveur

il fait pour le jour 
ce que la lampe fait pour la nuit 

il pousse 
l'esprit au recueillement

il replie 
l'âme sur elle-même 


le soleil 
nous répand dans la nature 
nous disperse et 
nous dissipe

la brume 
nous rassemble et 
nous concentre







sur son flanc sud-est circule 

un flux de sud-ouest doux et chargé d'humidité qui produira des averses le long des versants ouest à nord-ouest de l'arc alpin ce mercredi 

après une accalmie un peu plus durable en début de nuit ces averses pourraient reprendre à l'approche du front froid jeudi matin et devenir  plus abondantes au fil des heures





elles 
pourraient être
localement orageuses




















100 L.I. 13.06.1930


je vis toujours au présent

l'avenir

je ne le connais pas

le passé

je ne l'ai plus


l'un me pèse comme la possibilité de tout

l'autre comme la réalité de rien




















ce qu'on éprouve exige le moment présent

celui-ci une fois passé

la page est tournée

l'histoire continue

mais non pas le texte



ombre 
obscure et fugitive 
d'

un arbre


son 
léger de l'eau tombant 
dans 

un bassin plaintif

vert du gazon régulier

jardin dans le semi-crépuscule



vous êtes 
en ce moment 
l'univers entier pour moi 
car vous êtes le contenu plein et entier 
de ma sensation 
consciente 


je ne désire rien 
d'autre de la vie que de la sentir 
se perdre au long de ces soirées imprévues
au milieu d'enfants inconnus et bruyants qui jouent
dans ces jardins...



une cassure dans les choses

la 
rupture 
d'

une ligne

les 
ombres s'accumulent 
sur 

une faute ancienne


un leurre

une voyelle

une phrase


l'éclat 
dans cette étendue

j'ai essayé 
de traduire les larmes