mercredi, mars 10, 2021

le philosophe  
parle d'elle comme
 
un  lieu 
indestructible 
où apparaît toute chose

un lieu amorphe
étranger à toutes les formes

*


elle n'est fait 
d'aucun corps en particulier 

elle n'est 






















ni terre
ni air
ni feu
ni eau

ni rien 
qui se stabilise
dans ces déterminations


elle n'a rien en propre 

elle 
est comme 

une image 
qui reproduit autre chose

ou comme 

un gardien de la Cité 
qui n'a pas de propriété personnelle 






elle n'est pas accessible aux sens

mais on peut tenter de l'élucider par des paroles

le philosophe ne cache pas son embarras

le raisonnement qui y conduit 

n'est pas logique mais bâtard


c'est 

un raisonnement dans lequel 

une chose n'est pas identique à elle-même 

l'eau 
devient feu le feu devient 
air ...

elle est aussi une image d'autre chose

une chose n'est pas ceci ou cela

elle n'est pas déterminée

elle est ce qu'elle est sans être nommée

recevant toute empreinte 

sans s'en approprier aucune

apparaissant tantôt sous un aspect

tantôt sous un autre aspect



elle n'est 

ni ce qui devient

ni ce en quoi elle devient

mais ce 

à la ressemblance de quoi naît 

ce qui devient 


elle est amorphe

exempte de toutes les formes qu'elle est 

appelée à recevoir


















le temps est

un grand maître

le malheur c'est qu'il tue ses élèves


dans 
la mémoire commune
l'image de B est celle d' 

un physicien 
au destin tragique
qui a pensé la physique


le facteur 
temps ne sonne jamais 
deux fois
































en matière de temps
l'avenir sera 
peut-être

turbulent

physiquement et philosophiquement



malgré 
les coups réguliers de l'air 
qui arrive cette fois 
de dos

il y a 

quelques traits 
qui claquent nettement



le 
temps 
qui est là 

est

un texte 
phare du trésor

















roucoule 
tout le temps la grille 
s'ouvre

une sorte de printemps 
s'ajointe à la ménagerie motorisée

la cage 
est plutôt mélancolique 
ces jours-ci

le calme bouquet 
s'affole au contact de la terre 

après 
un peu de temps 
cela se compte en secondes

l'humidité s'infiltre








































de roucoule à glougloute
il n'est que le temps d'inspirer

en vérité ce sont des souffles
mais ceci est 
secret 



comme toutes ces choses 
qui se cachent en voile de fond

les envolées rondes et régulières 
les marches de béton froid
le ballast apeuré

autant de retournements seconds
 
cailloux contre cailloux
bec et bec...




le champ de l'apparition 

s'ouvre

de formes toujours plus riche qu'il nie parait


plus que d'espaces 

il faudrait parler de couches ou de dimensions

travaillant toutes à la dit-mension

du ici



*


ce un 

et deux 

et trois 

qui toujours vit


et toujours règne en trois 

et deux 

et un

non circonscrit 

et qui tout circonscrit...



je me suis fixé  dans

une espèce de niche dans

une barque qui a navigué 

quarante jours

quarante nuits




















naître

mourir 

réunir

conserver


cinq éléments fondamentaux 


la terre

le métal

le bois

le feu

l'eau


























la terre au centre

le métal à l'ouest

le bois à l'est

le feu au sud

l'eau au nord


là où je suis 

la grande forêt est à l'est

et l'or invisible au sud-ouest 


*


un rêve déchiffre l'énigme

je vois 

un laurier


L'OR Y EST

je cherche l'or du temps

mais aussi


LAURIER

LAURE Y EST





















pas de sorties ...

aucun noms d'auteur aujourd'hui


l'impression

de saisir tous les côtés

à la fois ...


un nouveau souvenir par-dessus l'ancien


la recherche

de la poésie des langages

perdus ...


langage ouvert

à l'infini ...


je ne vois pas 

comment ça ne peut pas devenir


















comme rechercher

quelque chose dans les

histoires ...


un tilleul énorme

une façade et trois fenêtres


en reconnaître

des restes anciens à

la traîne des courants...


la caravane droite pour dormir


perdu 

je ne vois pas...


pour commencer d'entrevoir un chemin



lire écrire

il n'y a rien d'autre...

fumée sur la bouche vers la prairie


enfant 

rien laisser faire...

l'air d'une enfant


son étrange 

rêve...


la lumière masque

son visage vers le mur

devant la fenêtre...


pour le bois droit devant 

bûches contre avant bras


rôder 

autour cette fois...


méthodique 


on ne va pas se mettre

martel en tête ...


on ne le voit pas


mais quoi

c'est normal 

rien d'autre....


longue pluie

bois mort

boue

















 Bertso


Les habitants du quartier squatté d’Errekaleor font silence 

Dès que le couple debout sur l’estrade aura débuté sa scansion le seul son qui aura ici sa place sera celui des bertsos  ces improvisations chantées en langue basque

La femme ferme les yeux plonge au plus profond de sa langue  puis commence























Elle chante clair et fort avec ce roulement des  r  qui la caractérise

Les strophes s’enchaînent au fil d’une mélodie sans fioritures 

Un premier vers de dix pieds l’autre de huit ses mots se coulent sans heurts dans une métrique extrêmement codifiée

Le rythme d’abord traînant s’accélère entièrement au service de la chute 

Encore quelques rimes et voilà qu’elle surgit époustouflante au milieu des vivats et des applaudissements

L’homme se met à son tour à chanter lui répond elle sourit déjà

Puis les éclats de rire se répandent

Une habitante du quartier dévoile le thème de la prochaine improvisation   Carles Puigdemont est enfermé avec un prisonnier d’ETA

Le chant débute après quelques secondes de concentration 

Restent aux étrangers la musicalité de l’euskara et l’émotion du public

Les deux bertsolaris invités Amets et Maialen sont détenteurs de la Txapela le trophée du grand concours de bertsos se déroulant tous les quatre ans face à pas moins de 14 000 personnes 

Mais malgré l’engouement de la communauté euskaldun pour leur art leur vie leurs amours même ils n’ont rien de célébrités lointaines 

Pour improviser les meilleures blagues à même de faire rire des squatteurs ou pour trouver le vers qui touchera au cœur les habitants d’un petit village de montagne il faut être ancré dans ce territoire dans ses anecdotes ses rumeurs et ses humeurs 

Ainsi bien qu’auréolés d’un certain prestige les bertsolaris ne sont pas des stars n’endossent pas le costume de l’artiste tel qu’on le connaît ailleurs

Le moment de la création étant celui-là même où ils s’exposent au public  nulle tour d’ivoire ne les en protège ni ne les en éloigne 

Le bertso se love entièrement dans le temps et l’espace où il est chanté et inventé  bien que l’on sache pertinemment que pour qu’il soit réussi  de longues heures d’entraînement l’ont nécessairement précédé

Amets et Maialen continuent ainsi leur duel  n’épargnant pas les cuisiniers et leur tofu les couvreurs-squatteurs et leurs talents douteux pour finir par relater les dernières nouvelles de la communauté 

Ce sont deux bertsolaris parmi ces centaines d’autres qui font retentir leurs rimes lors de banquets au fin fond d’un trinquet ou devant une église

Ce qu’ils nous racontent à nous étrangers c’est un amour passionnel pour la langue basque d’autant plus fort qu’elle est aujourd’hui minoritaire dans son territoire 

Sur les trois millions d’habitants du Pays basque  seuls  600 000 sont bascophones

Ce danger de disparition renforce à n’en pas douter l’attachement à cette langue à son maniement raffiné et à la culture qu’elle seule peut véhiculer

 

Être basque
 
se traduit 
littéralement en euskara 
par

parler la langue basque 



un bertso à huit rimes 
improvisé en une poignée de secondes par Maialen Lujanbio 
vainqueure de la finale du 17 décembre 2018 
autour du thème 


Il y a une demi-heure que la même voiture vous suit


Miribillako rotondan

errekarriz errekarri

bezalaxe egin ditut

mila bueta errukarri,

geratzen dira kotxeak

ta guk begira elkarri

beraieck « etorri » esan

ta guk : « dirua ekarri ! »

Nahi bezalasso bezero

atseginik ez da sarri

ta askotan gisan orain

autoan estu ta larri,

ertzain auto bat atzetik

eta sirenak aldarri

baietz bera libre utzi

ta neri isuna jarri (bis)


Au rond-point de Miribilla

de pavé en pavé

j’ai tourné mille fois

de manière misérable ;

les voitures s’arrêtent

et nos regards se croisent

eux nous disent : « viens ! »

et nous : « donne le fric ! »

Il n’y a pas souvent

de clients qui nous sont agréables,

et comme tant de fois, en ce moment,

me voilà dans la voiture, tendue et inquiète,

derrière nous une voiture de police

et les sirènes qui crient,

je parie qu’ils le laisseront libre

et que l’amende sera pour moi. (bis)




Abécédaire du Pays basque insoumis























le millionnaire 

qui était inconnu avant la guerre de Sécession et qui était encore un être exceptionnel en 1870 fut suivi par l’archimillionnaire 

au-dessus des archimillionnaires dominait une nouvelle génération de Titans économiques  les cent fois millionnaires et on parlait déjà du milliardaire 

il ne fut pas difficile de voir ainsi et le peuple d’ailleurs ne s’y trompe pas ou allait l’argent qui fuyait les masses


jamais un homme n'aurait été aussi riche

la fortune de Jeff  le fondateur et patron d'Amazon a dépassé le mercredi 26 août 2020 le montant astronomique de 200 milliards de dollars pour s'établir à 202 milliards de dollars 171 milliards d'euros selon le classement établi par l'agence Bloomberg 

il devance très largement les autres milliardaires du podium Bill  qui n'a  que  125 milliards de dollars et Mark  111 milliards de dollars


pensées pour Bernard 























tourner

autour du cercle pour

se conformer 

au carré


rien 
de plus simple si vous tenez 
le pivot


tenir

le pivot signifie 


naître au printemps

grandir en été

récolter en automne

conserver en hiver


telle est la règle du ciel



















vous criez 

à la banalité et vous avez tord

le diable vous a fait oubliez l'essentiel


vous vivez 

mécaniquement 

dans votre colonie américaine


23




















Les représentants du vieux Dieu mort et de la vieille littérature sont destitués mais continueront à parler et à écrire comme si de rien n’était  ce qui est sans importance  puisque plus personne n’écoute ni ne lit vraiment

Les Banques le Sexe la Drogue et la Technique règnent  la robotisation s’accélère  le climat explose les virus poursuivent leurs ravages mortels  et la planète sera invivable pour l’humanité dans trente ans


Malgré tout 
un nouveau Cycle 
a déjà commencé et les masques 
tombent

À vous de juger


Philippe Sollers

Légende

Collection Blanche Gallimard








































 


dès que nous sommes entrés dans l'éveil

chaque signe et chaque phénomène

se découvre comme unique


je 
fonde le temps 
d'

une présence puisque

je suis

un ici et maintenant
































la formule qui consiste à dire 

entendre ce que personne n'a entendu

veut dire

entendre ce que je vous dis 

en ce moment même




Légende 22

mutations

la géographie mentale est sans limites
elle fleurit sans cesse au présent

je me faufile dans le bleu 
comme si je nageais dans ma pensée











le Shôbôgenzô  
la vraie Loi Trésor de l'Œil  
est l'œuvre majeure de Maître Dôgen

ce grand monument 
de la pensée japonaise est 
un recueil de plus de quatre-vingt-dix textes 
dont neuf sont ici proposés au lecteur

la pensée de Maître Dôgen s'organise autour de quelques idées essentielles  


la pratique 
épurée de la méditation assise 

l'étude 
assidue des textes bouddhiques
 
la vénération 
des pratiques rituelles 

le non-dualisme 
de l'éveil et de l'égarement 

la Nature 
et le symbolisme du Livre



le sens est appelé à se réaliser comme présence à ce juste moment où la pureté de la méditation pulvérise l'univers phénoménal

lorsque nous parvenons à percevoir l'énigme du soi et à percer le mystère de notre propre existence le sens d'un mot d'une proposition du Trésor se réalise comme présence ici et maintenant


Maître Dôgen 1200-1253

Fondateur de l'école Sôtô zen au Japon il a approfondi une méthode de méditation fondée uniquement sur la respiration et l'observation de nos propres pensées.