jeudi, novembre 12, 2020


ce qui distingue 

la poésie 

de la parole machinale 

c'est que la poésie nous réveille 

nous secoue 

en plein milieu du mot

















collages 

d'impressions et d'expressions


clefs phonogrammiques 

vers libres lapidaires 

extraits de pensées prélevées 

dites 
à voix haute
à la façon de Bloom et de Dedalus 
de James Joyce


récits

accélérateur de citations  

concrétions de créations propres 

parchemins de partitions 

scripts

pages cinéma-théâtrales



vers iambiques 

et taillés de rimes 

où les visions du monde d'orient 

et d'occident 

à travers leurs usages du monde 

et de leurs syllabaires

et systèmes idéogrammiques

dialoguent




















Orange Export Ltd. 

1969-1986

Emmanuel Hocquard et Raquel 


*














Pierre Vinclair

Le livre que publie aujourd’hui Flammarion est le fac-similé d’un ensemble important paru en 1986, qui permettait au grand public de découvrir une entreprise éditoriale confidentielle mais bouillonnante et déterminante pour une génération de poètes : 

la reprise en un seul volume de la multitude des publications (par Roger Laporte, Claude Royet-Journoud, Jean Daive, Franck Venaille, Hubert Lucot, Anne-Marie Albiach, Pascal Quignard, Alain Veinstein, Roger Giroux, etc.) de la maison Orange Export Ltd. 

Vingt-cinq ans plus tard et alors que ses deux instigateurs nous ont quittés (la peintre Raquel en 2014, Emmanuel Hocquard en 2019), la republication de cet ouvrage hors du commun n’a sans doute pas exactement le même sens qu’en 1986 : alors, la maison d’édition Orange Export Ltd. venait juste de cesser ses activités, et Hocquard n’avait pas encore la place cardinale qu’il a depuis acquise dans le champ poétique. La poésie objectiviste américaine, dont il fut l’un des introducteurs, était largement inconnue en France. Aujourd’hui, il s’agit d’un classique. Sa réédition a la vertu de remettre à la une, l’exigence salutaire et la radicalité qui manque à la poésie de notre époque.


Radicalité qui n’est pas qu’une posture (cela ne manque pas) : mais d’abord l’engagement concret des forces de deux personnes, dans la fabrication de petits livres : 

« Les chutes [c’est le nom d’une collection de textes de 5 pages], qu’Emmanuel Hocquard imprime à la main, ne sont pas un nombre, sont un temps : l’espace d’une journée. […] Le nombre des chutes c’est le nombre des livres imprimés à la main en un jour », écrit Pascal Quignard (p. 331). 

Avant d’être un mouvement ou un corpus de textes, Orange Export Ltd. est un geste éditorial. Comme le rappelle Stéphane Baquey dans sa préface « Pour Emmanuel Hocquard, le livre est un ‘objet ordinaire’. 

Les livres qu’il fabriquait avec Raquel tendaient non pas à un degré zéro de l’écriture, mais de la technique de l’imprimé. » (p. III). Celle-ci sert à l’incarnation du poème, elle en est la condition : « À nos yeux, écrivent Hocquard et Raquel dans un entretien inaugural, il y a livre quand le texte […] trouve son espace, son mouvement, sa respiration, son rythme, sa tension propre à travers le volume entier, de la première à la dernière ligne. » (p. 20-21). 

Cette profession de foi n’est évidemment pas sans poser ici problème : chaque petit livre Orange Export Ltd., de quelques pages (chacune comprenant quelques lignes), s’est transformé en une seule page (ou quelques-unes) du gros volume de Flammarion (un trait horizontal séparant les folios du tirage originel) : quid de « l’espace » et de la « respiration » propres du poème ? 

L’expérience de lecture en est forcément altérée et peut-être est-ce pour cette raison qu’Emmanuel Hocquard précise que « ce volume présente, en quelque sorte, un journal poétique ou une chronique des années soixante-dix. » (p. 7) et que l’éditeur met en avant son « caractère ‘documentaire’ » (p. XXIII). Nous donne-t-on moins à lire ici des poèmes dans leur intégrité, que l’histoire qui les relit ? Celle d’une génération de poètes ayant œuvré dans les années 1970 ?


Avant de se porter candidat à notre évaluation esthétique, ces poèmes se présentent comme les traces d’une puissance déterminée quoique soustractive : au lieu de privilégier la scénographie des affects, elle offre le spectacle tendu d’une écriture émancipée, mais dont l’impersonnalité même tient à l’engagement complice de subjectivités identifiables. 

On le voit autant dans la composition de tel étrange diptyque (un livre poème en latin par Pascal Quignard, et sa traduction dans un autre livre par Emmanuel Hocquard) que dans les notes du Bulletin où l’admiration réciproque et la reconnaissance affleure, que dans l’envoi par lequel Edmond Jabès conclut son livre : « Mots d’abîme, sans espace dans l’immense et insensible espace, voici, chère Raquel et cher Emmanuel Hocquard, que vous avez créé, pour eux, un univers à leur mesure ; leur univers à votre mesure. / Où ils ne sont plus qu’ombre et poussière d’ombre, la clarté, venue de vous, les inonde. Ah combien, par vos yeux et vos mains, l’invisible devient visible. » (p. 93). 

Le gros volume de Flammarion l’affirme avec éclat, ce qui importe, jusque dans l’écriture la plus grammaticalement impersonnelle, c’est l’articulation réticulaire d’une amitié de personnes, cette énergie qui nous déplace, nous incite et nous renouvelle lorsqu’elle s’incarne dans des dispositifs concrets : « tel est l’instrument qu’‘Orange Export Ltd.’, cette fabrique de formes nouvelles, met par chance — par amitié — à la disposition de l’écriture. » (Roger Laporte, p. 364).



Stéphane Baquey rappelle que Hocquard présentait ce groupe d’amis comme une sorte de « pléiade » : les écrivains de la poésie blanche, ou grammaticale, ou minimaliste, dont les textes sont caractérisés à la fois par un souci d’exploration formelle, et par une sorte de réduction thématique du poème à sa propre existence problématique. Bruit étouffé des mots sur la page, mouvements du neutre, tension réflexive extrême. 

On touche ici, en quelque sorte, au nerf de l’expérience moderniste : celle d’une poésie engagée, non bien sûr au sens où elle regorgerait de slogans pour ou contre telle ou telle idéologie, mais où l’apparence de refus du monde n’est que le marqueur de l’expérience la plus radicale de son opacité. 

Les circonvolutions spéculaires d’un Roger Laporte (écrivant sur l’expérience de répéter l’écriture de l’épreuve impossible d’écrire) sont la version la plus vertigineusement dramatique d’une telle inclination, qui irrigue beaucoup des livres recueillis. Certains nous apparaitront sans doute symptomatiques de leur époque (« tournant linguistique » et post-structuralisme), cochant ses cases par des tics d’autant plus ostensibles qu’ils se font rares sur la page, mais d’autres parviennent à en tirer l’occasion d’un chant étrange, à la beauté aride, d’une drôlerie nerveuse et souvent punk. La « modernité négative » n’est pas sans disparité ni relief. L’avantage de ce gros volume, non pas anthologique mais exhaustif, est de tendre à notre présent toutes les facettes de ce miroir brisé.

P.V.

source sitaudis

















je me donne 

une 

attention 

soin application circonspection  

prévenance gentillesse

délicatesse

un problème

difficulté
ennui
question
affaire
histoire

des règles de jeu


j'abandonne 


un certain état


j'abolis 

le libre-échange et l'égalité des transactions de mon esprit 

tel quel 



*





exportation 

action de sortir des biens 
des marchandises produits naturels ou fabriqués
du territoire national vers le pays étranger 
auquel on les vend

commerce

transport

douane

expatriation

expédition

libre-échange

transit

vente

échange


*


Ltd 

est 

une abréviation 


désigne 

une société par actions 

dans ces appellations 

Limited ou Ltd. 

Limited Liability  à responsabilité limitée 

on distingue 

the private limited company 

équivalent français 

la société à responsabilité limitée ou S.A.R.L


limited company

une forme juridique d'entreprise 

notamment 

au 

Royaume-Uni 

en 

Nouvelle-Zélande 

à 

Singapour 

en 

Corée du Sud  

au

Canada Ltée au Québec

et aux 

États-Unis d'Amérique




















un 
petit 
détour par 
l'Inde

Spinoza 





s'extrait du dualisme 
métaphysique traditionnel de l'occident
pour établir

un monisme


Dieu et le monde 

ne 
sont 
qu'

une seule et même réalité

or  
c'est le cœur 
du plus grand courant 
philosophique de la pensée indienne

l'Advaïta-Vedanta
la voie de la non-dualité
qui postule l'unité entre Dieu et le monde

Tout 
est en Dieu 

et

Dieu 
est en tout

la voie de la non-dualité 
a été développée et systématisée par
çankara au VIIIe siècle 
de notre ère

cette 
doctrine
identifie ainsi
le divin impersonnel 

le brahman

et l'âme individuelle

l'âtman

le chemin de la sagesse
consiste à prendre conscience
que le brahman et l'âtman ne font qu'un

voici que
chaque individu est
une partie du Tout cosmique


la voie non dualiste
exprime plus profondément
le réel

la réalisation de l'être
but ultime de toute vie humaine
implique la cessation de toute dualité

parce qu'il est sorti de la dualité
le sage 
est

un délivré vivant

pour qui

il 
n'y a plus 
que 

la pleine félicité

de 
la pure conscience 
qui est

une saccidânanda

la 
délivrance
Spinoza dirait

le salut

fruit d'
une prise de conscience
à la fois intellectuelle et intuitive
qui apporte le bonheur 
suprême

la joie sans limite

Spinoza
ne dit pas autre chose
à la fin 
de

L’ Éthique 


















Qu’a-t-on fait 
du brahmane qui m’expliqua 
les Proverbes 


Je vois la suite 


Ma sagesse 
est aussi dédaignée que le chaos

Qu’est mon néant 
auprès de la stupeur qui vous attend 

?


















 


















 

l'automne

c'est toutes les saisons 

en palimpseste

















le vent 

la pluie et la lune sur le fil

cueillette 

de champignons

sens-plastique


le brouillard d'eau décentre le soleil

et y crée des échos

lumineux


l'homme 

dans le brouillard a des gestes 

fous


le brouillard et la lumière en mouvement

se servent mutuellement

de cavaliers


sur 

une branche morte

un superbe dragon

de lierre 

rouge


la délirante





















 


le 
Poème commençant
par 

voici 

le rêve qui ne connaît de réveil
















voici que

dans ma barque 

je poursuis ma navigation

voici que 

j'arrive et que je suis couronné 



















il n'y a 
dans ce geste aucun recours 
ou secours 

mais 
seulement la dépense 
d'

une générosité

une jubilation de lire dans l'art

la musique 
le théâtre 
la poésie 
la philosophie 
l'histoire
la mythologie 
les mathématiques 
la zoologie
la botanique
la géographie
l'astrologie
la physique
l'astronomie


des façons non pas partielles ou partiales de nager la vie mais des méthodes imitant les rythmes hétérogènes de la nature distribuées et agrémentées par le poème et qui font l'histoire 


Karl Marx demeurant à l'avant-scène disant à nouveau après Aristote combien la vie est plus large et commune en chacun que les divisions fantomatiques spéculées  voulues par les hommes qui usurpent le pouvoir et volent






















 

voici que

planant au milieu de l'Océan céleste

je 
monte 
la garde devant

l'Oeuf Cosmique






























si 
je fleuris
cet oeuf fleurit de même

si
je vis
cet oeuf vit de même

car l'air que
je respire et qui me vivifie
c'est son air à lui qui le vivifie





Oeuf 

ou 

Oeuvre des philosophes

c'est le 
Mercure philosophique
et quelquefois la matière philosophale
contenue dans l'oeuf

d'autant que par

la similitude de l'oeuf ordinaire
contient trois choses

la coque le blanc le jaune

aussi 
la matière de la Pierre 
contient 





le corps 
représenté par la coque

l'âme 
par le blanc

l'esprit 
par le jaune





























 

le repas d'un philosophe

c'est lorsqu'il apprend 
quelque chose qui peut lui être utile

pénétrer 
dans le puits de Démocrite

c'est-à-dire
pénétrer la vérité des natures






























que dirais-je de Pythagore
que dirais-je de Platon ou de Démocrite

?

je les vois poussés par le désir de s'instruire
voyager dans les contrées 
les plus lointaines



voilà qui nous surprend de voir que Démocrite
permet à son troupeau d'aller brouter ses champs
tandis que son esprit à l'allure rapide
s'enfuit vagabondant loin des soucis du corps



la médecine 
des planètes c'est le Mercure



la lumière 

qui éclaire dans les ténèbres 
c'est le mercure 
des sages

qui 
éclaire
dans la prison des corps 
qu'il pénètre



























 

DÉMARCHE POÉTIQUE

Nature Conscience

cette 
démarche suprême 
qui est la démarche poétique
par excellence :

exclure relativement
l'objet extérieur comme tel
et ne considérer la nature que
dans son rapport avec le monde
intérieur de la conscience












sept sont les portes

le coeur
l'air
la tête

au-delà   la libération

le trou
la cavité

enfin  le cercle















Machine mentale

un certain cours désespéré
vertigineux et sans frein des pensées
où il arrive que la machine mentale est
si fortement lancée qu'elle
quitte la piste





fissure 

d'

une matière nouvelle

une certitude

oublier la construction