mardi, février 23, 2016

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Petite 
phénoménologie du portrait















Amusons-nous à imaginer une petite phénoménologie du portrait. Que regarder dans le portrait photographique ? Au centre d'un triangle dont les trois pointes seraient formées par le modèle, le photographe et le spectateur, le portrait fait varier les points de vue. D'abord, le point de vue du modèle : qui est donc celui dont on tire le portrait (étymologiquement "portrait" est composé de l'intensif "pour" et de "tirer" - mais que tire-t-on du modèle ?) ? Puis, le point du vue du photographe : a-t-il prévenu son modèle ou bien l'a-t-il surpris ? Qu'ajoute-t-il au réel qui signe sa manière ? Enfin, le point de vue du spectateur : d'où lui vient cet amour du portrait ?


De ces trois perspectives, celle du "modèle" paraît s'imposer avec le plus d'évidence. Car, à l'origine, c'est l'amour du modèle, la fidélité quasi amoureuse - comme le suggère Pline dans l'histoire légendaire des origines du portrait - qui inspire ce désir. Aussi est-ce sur ce terrain que se développe la première production : des images pour s'identifier, se reconnaître, mais aussi pour identifier et reconnaître.

Portraits / Visages































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Fenêtres d’appartement, 
















d’hôtel, de restaurant, de gare, d’ordinateur ou de téléviseur (cette autre fenêtre "qui contient toutes les fenêtres"), pare-brise, fenêtre de son lieu de travail, de la maison le matin quand on ouvre les volets, vitre du métro, du train, quand on regarde filer à vive allure le paysage distrait, autant d’images qui viennent du dehors, qui nous impressionnent. Les fenêtres cadrent un état du monde. Restituer par le biais de phrases concises, impressions détachées, fragment autobiographique, réflexion esthétique ou philosophique, sur des lieux dont le trait commun est leur banalité, le regard que l’on porte sur le monde. 







Les lieux de résidence


Pourquoi les lieux sans qualité viennent-ils toujours à bout des réticences de ceux qui les occupent ? Pourquoi les résidents refusent-ils souvent de reconnaître leur laideur quand les passants occasionnels n'ont aucune peine à l'admettre ? C'est qu'à la longue, les lieux de résidence et leurs environs (quels qu'ils soient) finissent toujours par impressionner la conscience de l'habitant, par devenir comme un autre soi-même, des sortes de corps extérieurs dans lesquels on s'est réalisé jour après jour, où l'on a joué son existence (raison pour laquelle on retrouve souvent avec émotion les anciens lieux de ses souffrances ou de ses bonheurs)... Il y a aussi que nous ne nous installons jamais innocemment quelque part. Les lieux nous habitent autant que nous les habitons, nous les supportons comme les corps qui envahissent les trottoirs à heures fixes, les couleurs, la pluie qui tombe, les mouvements, les pollutions, les objets environnants, les chats, les chiens... Et notre vue se laisse plus facilement corrompre qu'elle est porteuse, sans que nous en ayons forcément conscience, d'une masse d'informations anciennes, de sensations fugitives, de bonheurs éphémères, de souvenirs... Chaque regard porté sur le paysage intègre les traces de l'existence passée. Nous voyons bien plus que ce que le présent du réel nous donne. Et le poids de cette réalité invisible pèse sur notre conscience comme le désert pèse sur le regard du bédouin, la neige sur celui de l'Esquimau...



Raymond Bozier, Fenêtres sur le monde, Fayard, 2004, pages 116-117. Passage recopié(par Anne Savelli) dans la loge-bureau de la Bellevilloise, devant la fenêtre embuée où l'on distingue l'église Notre-Dame de la Croix et, derrière une antenne de télévision, presque aussi mince, la tour Eiffel


openspace




















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Elle pourrait

















à trop 
longtemps regarder 
ce monde

trouver utile de le chambouler


elle imagine
la confusion du ciel et de la terre

































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Impresse

imprimé 
dans la psyché par la 
sensation













la chute 
lente et miraculeuse 
de la neige






























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Elle

cette femme là
















s'aperçoit qu'

on peut tout supporter
à condition de l'écrire


Elle se met  a attraper toutes les idées qui lui passent par la tête, toutes les idées qui sont en l'air, volant comme des mouches; et elle en fait des pensées plumes : des papillons, bleus ou roses ; à force de les écrire, ces pensées deviendront des dessins, puis des peintures, puis des sculptures. Elle constate que seule la sculpture libère.










Je ne m'intéresse
pas à l'angoisse mais à la perspective,

à considérer les choses
selon différents points de vue.


Je ne m'intéresse pas au corps
je m'intéresse au mécanisme



Elle lit Freud sans trop le dire




Tout revient 
à la faculté de sublimation.


Je n'éprouve pas
le désir de m'exprimer en français.

Je suis une artiste américaine.




Je suis 

Louise Bourgeois







Photographie Jeremy Pollard
































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ça signifie












est 
synonyme pour 
elle

de 

ça parle







[

Établir la relation entre 
les séquences de signes graphiques 

alphabétiques
idéographiques

d'un texte 
et les signes linguistiques 
propres à une langue naturelle 

phonèmes
mots
marques grammaticales

]


lire tout bas 
tout haut
à haute voix 
lire des yeux 
lire bien 
mal
couramment 
péniblement


lire en donnant
en mettant le ton




moi aussi 
j'aime la musique
mais
vous vous en êtes aperçus 
je suis sourd au point de n'entendre aucun son

Permettez-moi de lire 
cette musique qui vous fait éprouver 

une si vive 
et si douce émotion
































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JE

passe lentement

















de la lettre au mot

du mot à la phrase

de la phrase à la page

de la la page au livre

du livre au lit

du lit à la chambre

de la chambre à l'appartement

de l'appartement à l'immeuble

de l'immeuble au village

du village à la Montagne




comme aimer

les espèces d'espaces




*





La 
treizième
lettre de l'alphabet


Je connais quelqu'un 
qui voudrait vous parler, 
un soir, 
à dix heures, 
sous le peuplier d'Italie, 
près de la haie d'épines 


C'est une 
très belle jeune fille
dont le nom commence par un 

M































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Souvent au pluriel
















Chez 
l'être humain

chacune 
des deux éminences 

charnues formées 
de tissus musculo-adipeux 

situées au-dessous 
et en arrière de la crête iliaque







Moi, 

j'avais droit à toute la fesse... 

entièrement à l'œil... 

Céline
































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H.D.in London






















Pear Tree

Silver dust  
lifted from the earth,  
higher than my arms reach,  
you have mounted.  
O silver,
higher than my arms reach  
you front us with great mass;  
  
no flower ever opened  
so staunch a white leaf,  
no flower ever parted silver
from such rare silver;  
  
O white pear,  
your flower-tufts,  
thick on the branch,  
bring summer and ripe fruits
in their purple hearts.






























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Elle


(sentir)

la force qui vous emporte

















devenir voyageur

mieux     

voyageuse





subir l'attraction incessante

de la fenêtre

sentir cela à la manière

d'un enfant




la flamme s'avive

l’œil se dénude

l'aventure va en s'intensifiant
































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rouge

l'abondance fera parler la bouche

rouge


































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clam, en cachette

huc

[viens] ici [où je suis]


de l'art poétic'































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Par exemple ? 

à partir de 
la gare de l'Est, 
noté successivement :




















Hangars - Gare de marchandises - Multitudes de voies
Entrepôts - HLM 
Poste d'aiguillage 
Terrains vagues - Usines 
Pavillons - Jardinets
Gazomètres - Lignes à haute tension Pylônes 
Usines - Clôtures en plaques de ciment
Pavillons pierre meulière marron ou crépis gris noir 
Cimenterie - Linge rose qui sèche (gardien ?)
Garage en briques : cour pleine d'autos à la casse
Fleuve vert – Péniches
De nouveau pavillons, jardinets, vergers
Voies qui s’entrecroisent (pont)
                    se dédoublent
                    se rejoignent
Plan incliné, remblai s’élevant, masquant
Machines (bulldozers) peintes en jaune
Wagons de marchandise roses
De nouveaux vastes entrepôts – choses rouillées, 
carcasses métalliques,
caissons
Terrain de sports
Poteaux à croisillons couchés 
en désordre le long de la voie
Premier morceau de campagne – Bois mauve 
(de rares sapins vert noir)
Parc – Perspective – Château en briques
Sablières – Chantiers
Décharge publique
Cimetière de voitures entassées – Montagne 
de carcasses moteurs enlevés
Entrepôts de ferrailles (poutrelles)
Sous-bois 
(taillis, hallier, tapis rose de feuilles mortes)
Montagnes de bidons cylindriques 
annelés multicolores bleus jaunes verts rouille
Petit bois de nouveau
Terre labourée
(sous la pluie les versants 
des sillons lissés par le soc luisants bleus (marne ?)
Puis plus rien que la campagne : 
champs, haies, boqueteaux, etc.)















Pour insister sur l'idée de captation pure du réel, et sur la complexité de ces processus d’acquisition et lecture du visible, impliquant à chaque pas un saut qualitatif de ces largeurs de focale dans l’écriture, voici ce texte de Claude Simon, non pas comme inventaire, mais comme suite impossible à rattraper de tout ce qui fuit, non pas ce qui advient à la vision, mais comme l’image qu’on vient juste d’en détacher alors qu’en surgit une nouvelle. En transférant au temps de l’écriture comme l’équivalent de cette fuite, c’est l’accumulation, la linéarité du dire qui devient poème




























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RE
COMPOSITION 

RE
CONSTITUTION 













action de recomposer
résultat de cette action



Quand l'enfant s'amuse à 
reconstituer une image en assemblant 
les pièces d'un jeu de patience

il y réussit 
de plus en plus vite 
à mesure qu'il s'exerce 
davantage

il suffit d'un travail 
de recomposition et de réarrangement 


Action de recomposer un tout 
dont les divers éléments ont d'abord été 
décomposés 

par l'analyse
résultat de cette action

La bande d'épreuves positives 

du cinématographe

doit donner à l'œil 
la sensation de recomposition 
du mouvement par la projection successive 
des images 

La connaissance des fragments 

d'une civilisation

étudiés successivement
chacun pour soi
ne procurera jamais celle du tout 

Mais le travail de recomposition 
ne saurait venir qu'après l'analyse

Disons mieux

il n'est que 
le prolongement de l'analyse 

comme 
sa raison d'être 





Chimie 

La décomposition et la recomposition de l'eau
refusent absolument d'entrer dans mon esprit 






Physique

Recomposition 
de la lumière blanche

Si l'électricité est dynamique, 
on peut concevoir une série de décompositions 
et de recompositions effectuées dans le trajet d'un courant

de molécule à molécule 





Nouvelle 

composition d'un texte



Recomposition 

d'une ligne

d'une page




Cette 
préparation de la 
copie 

entraîne une réduction 
considérable des frais 

qui dans la fabrication

sont la conséquence 
des corrections et des remaniements 

ou

recompositions qui s'ensuivent 



Restitution 
à un élément 
d'un mot composé de la forme qu'il avait 
comme mot simple

































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