samedi, février 20, 2016

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Tout 
se passe comme 
si 













par une sorte de narcissisme anthropocentrique nous oubliions que les animaux nous regardent, et que ce regard, bien qu’énigmatique, exprime le fait que nous ne possédons pas le monde à nous seuls, mais que nous le partageons avec d’autres êtres vivants terriens. « L’environnement naturel est une communauté dont les hommes sont membres » 3. Et les animaux en sont des membres au même titre que les hommes.




3 . J.-Y. Goffi, 
Qu’est-ce que l’animalité ?, 
Paris, Vrin, 2004, p. 72

Photographie 
Aurora Borealis twitter































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Lire n'est pas un acte neutre












il se noue entre le lecteur et le texte une série de relations complexes, de stratégies singulières qui, le plus souvent, modifient sensiblement la nature même de l'écrit originaire. Lector in fabula se veut ainsi le répertoire des diverses modalités de la lecture et une exploration raisonnée de l'art d'écrire. Pour comprendre le rôle du lecteur, mais aussi celui de l'auteur.

































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La Poétique 
de l'œuvre ouverte 











Umberto Eco

L'œuvre ouverte  1962

L'œuvre d'art est un message fondamentalement ambigu, une pluralité de signifiés qui coexistent en un seul signifiant.


Toute œuvre d'art alors même qu'elle est une forme achevée et close dans sa perfection d'organisme exactement calibré, est ouverte au moins en ce qu'elle peut être interprétée de différentes façons, sans que son irréductible singularité soit altérée. Jouir d'une œuvre d'art revient à en donner une interprétation, une exécution, à la faire revivre dans une perspective originale.


La recherche du mouvement et du trompe-l'œil exclut la vision privilégiée, univoque, frontale, et incite le spectateur à se déplacer continuellement pour voir l'œuvre sous des aspects toujours différents, comme un objet en perpétuelle transformation.

Eco cite l'Art poétique de Verlaine

De la musique avant toute chose, 
Et pour cela préfère l'Impair 
Plus vague et plus soluble dans l'air 
Sans rien en lui qui pèse et qui pose.

Mallarmé écrit 

Nommer un objet, c'est supprimer les trois quarts de la jouissance du poème, qui est faite du bonheur de deviner peu à peu : le suggérer, voilà le rêve.


l'œuvre est ouverte au sens où l'est un débat : on attend, on souhaite une solution, mais elle doit naître d'une prise de conscience du public. L'ouverture devient instrument de pédagogie révolutionnaire.



Elle rend possible une multiplicité d'interventions personnelles, mais non pas de façon amorphe et vers n'importe quelle intervention. Elle est une invitation, non pas nécessitante ni univoque mais orientée, à une insertion relativement libre dans un monde qui reste celui voulu par l'auteur. 

l'auteur offre à l'interprète une œuvre à achever.

L'œuvre d'art est une forme, c'est-à-dire un mouvement arrivé à sa conclusion : en quelque sorte un infini contenu dans le fini. Sa totalité résulte de sa conclusion et doit donc être considérée non comme la fermeture d'une réalité statique et immobile, mais comme l'ouverture d'un infini qui s'est rassemblé dans une forme.



Une certaine manière 
inhabituelle d'utiliser le langage
abouti au poème 

L'esthétique 
doit s'intéresser davantage 
aux manières de dire qu'à ce qui est dit
































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Si elle prend
ce qui lui arrive 
pour le dernier mot
















c'est le désespoir


et le désespoir est prétentieux



car l'être

qui la concerne

n'a jamais dit

son dernier mot

































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Avoir une place, 
de l’argent, du pouvoir, 
une belle image : 














on peut ramener tous nos problèmes à des questions d’avoir. Tout sauf l’essentiel, qui est plutôt une question d’être.Mais qu’est-ce que l’être ? L’infini des possibles ? La force qui nous fait exister ? Les Grecs anciens y ont beaucoup pensé, et, au XXe siècle, Heidegger en a fait le centre de son œuvre. Et pourtant. C’est d’abord dans la Bible hébraïque, nous révèle Daniel Sibony, qu’on trouve une pensée de l’être, sous forme non pas de concepts, mais d’histoires et de lois. Une pensée qui fut recouverte par les religions et qui, paradoxalement, inclut pour une large part celle de Heidegger, sans le repli narcissique et autoréférentiel qui la caractérise.Telle est la double révélation qu’apporte ce livre, en montrant la voie d’une pensée de l’être vivante, capable de nous inspirer lorsque, loin des identités définies, nous n’avons pour appui que notre désir d’exister
































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Faire visage 

Se tourner   vers

faire face















Elle ne peut pas 
penser l’être tout seul

On ne le pense qu’en acte 
avec d’autres et contre d’autres


Il n’y a pas 
de rapport à l’être sans rapport 

à l’autre
et inversement

ceux qui parlent 
de l’autre et oublient l’être 
manquent l’essentiel


Une notion 
biblique cruciale

se tenir face à l’être 

inclut et dépasse 
le face-à-face agressif ou oblatif 
avec l’autre


*



écart


Dans sa retraite

elle apprend tout sur la diététique
dévore des traités de psychologie

s'initie au visagisme


Visagisme

Art de mettre en valeur la beauté
le caractère d'un visage
par des soins
des techniques esthétiques
par l'harmonie des lignes et des couleurs 
entre la coiffure et le maquillage....




























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Abîmer de jour 

Stéphanie Ferrat  La Lettre Volée


















Abîmer de jour est chargé de toute l’essence du recueil, comme si notre vie consistait à marquer, à inciser le mouvement même de la vie. Stéphanie Ferrat travaille une langue courte, sèche, qui vient affirmer le poids, l’inertie du réel qui avance, à la cadence de notre propre pas. L’auteur, dans ce recueil, ouvre un espace poétique inédit, dans sa manière de clouer en début de poème (et au centre même de celui-ci) des verbes à l’infinitif. Comme si elle posait, par ces verbes non conjugués, l’action dans le définitif, réduite au corps restant. L’infinitif d’un verbe est une action sur place, sans dégagement a priori : action retenue, un minéral, un os dans sa concentration de gestes. Et c’est bien d’ossements dont il est question ici, de vie, de mort, de cette attitude face au monde qui n’en finit pas de surprendre ; et dont on ne cesse de chercher le sens. Une forme d’arrêt semble être à l’origine de la venue des mots. Quelque chose s’est passé, infime, un tremblement. Les poèmes, comme une archéologie de ce qui a été. Présence du corps donné ; non par débris, mais par morceaux ; renvoyant à une forme d’unité impossible, celle du corps, celle du poème, de l’écriture.






« bander 

ombre 

sous les chênes éblouis 

ne plus parcourir la fatigue
attachée à ses courbes 





trembler 

de rien
incertaine
fil détaché
musique retirée 

déjà
les plaintes
existaient 




décider
du bout 

lit
oiseau
sentier de nuit 




ne pas savoir 

de moi
du jour 

le plus trouble 



toucher
si ce n’est
aller au bout 

demander
de quel feu
de quels regrets 




calmer 

voix fortes des chambres
murs de papiers 

peu de choses pourtant » 


Abîmer de jour, 

Stéphanie Ferrat, La Lettre Volée, 2007. 


























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cette femme a aimé un cheval

la transformation passive est difficile

















cette femme a aimé un cheval

[
en principe
rien ne s'oppose
à la transformation passive

cependant
on ne dira généralement pas

un cheval a été aimé par cette femme

cette phrase est improbable
]

en revanche
si l'on précise de quel cheval
il s'agit

la transformation 
passive devient plus facile



le cheval 
qui a gagné le derby
a été aimé par cette femme































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son image

dans le miroir
est un effet de la mécanique
des choses














si elle s'y reconnaît

si elle la trouve

ressemblante

c'est sa pensée qui tisse ce lien



l'image spéculaire

n'est rien d'elle



L’œil et L'Esprit

pourquoi rêver 
maintenant sur les reflets

sur les miroirs ?


Photographie France Mortimer
































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Le livre 
qu'elle  n’écrira 
pas












ne cesse  
de s’écrire de livre 
en livre


le livre 
qu'elle n'écrira 
pas

ne cesse 
de l’écrire 
dans le mouvement 

infini 
du livre à la vie 




sa vie 
est un livre 

dans lequel 
elle est entrée 

par 
le plus 
grand hasard 

et qu'elle 
n'écrira pas
































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Terre

quel mystère est ceci ?

















d'Isis et d'Osiris

de
Déméter 

de 
Dionysos 
ou de Samothrace

mystères 
orphiques ou pythagoriciens

ce sont ces mystères 
qui parlent





œil aveuglé 
qui continue de voir 
ce qui l'aveugle



La poésie 

tient 
plus que ce qui est 
écrit 

Elle tient 
ce que le lecteur 
cherche































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