mercredi, novembre 18, 2015

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Revenir à l’essentiel. 
La surface lisse de l’eau nous y ramène.


















J’avais dix-sept ans 
et cette phrase de Camus 
dans les Lettres à un ami allemand m’avait sidérée :


Nous y avons appris le secret de toute victoire et, si nous ne le perdons pas un jour, nous connaîtrons la victoire définitive. Nous y avons appris que contrairement à ce que nous pensions parfois, l’esprit ne peut rien contre l’épée, mais que l’esprit uni à l’épée est le vainqueur éternel de l’épée tirée pour elle-même


Il est impossible qu’elle ne soit pas juste, je sais qu’il est impossible qu’elle ne le soit pas, qu’elle exprime une vérité à laquelle revenir. Elle ne m’a jamais quittée, elle m’a toujours accompagnée, elle a, de temps en temps, par période ramené à elle mes pensées.


L’esprit a des intuitions et saisit bien au-delà de ce dont il se sait capable. Je sais qu’elle est juste, sans savoir à quel point elle est juste. Il est possible que nous soyons amenés à le découvrir.

Nous avons plus que jamais 
besoin du fil conducteur de la vérité.




Isabelle Pariente-Butterlin 

les jours sont escarpés

construire le jour


aux bords des mondes































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J'ai eu raison 












dans tous mes dédains : puisque je m'évade !

Je m'évade !

Je m'explique.

Hier encore, je soupirais : "Ciel ! sommes-nous assez de damnés ici-bas ! Moi, j'ai tant de temps déjà dans leur troupe ! Je les connais tous. Nous nous reconnaissons toujours ; nous nous dégoûtons. La charité nous est inconnue. Mais nous sommes polis ; nos relations avec le monde sont très convenables." Est-ce étonnant ? Le monde ! les marchands, les naïfs ! - Nous ne sommes pas déshonorés. - Mais les élus, comment nous recevraient-ils ? Or il y a des gens hargneux et joyeux, de faux élus, puisqu'il nous faut de l'audace ou de l'humilité pour les aborder. Ce sont les seuls élus. Ce ne sont pas des bénisseurs !





de la résistance chez Rimbaud. 

Le passage tiré de L’Impossible « Je m’évade ! Je m’explique. » contient le drame d’Une Saison en enfer. C’est bien l’impossibilité de s’évader sans s’expliquer, ou de s’évader et de s’expliquer vraiment, qui rend impossible chez le poète toute rupture définitive.


























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fleuves et montagnes 











de petits enjeux

dans le sans fin




quand as-tu fini par savoir

que tu entrerais dans le temps

grâce à l'écriture ?




lorsque j'ai vu

un jour griffonné à la craie

sur un mur près d'un carrefour



pose le livre sur ton cœur

et mange-le




photographie Kenneth Josephson





























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tôt ce matin
















dehors

jamais le ciel n'a été

d' un gris si islandais




avoir lieu

n'est un événement

que pour l'observateur








au commencement

veut dire littéralement

issu de la tête





la source créant

le ciel et la terre

et toutes les plantes





et scintille

le sens formel

de l'énonciation


le plus important des chocs cosmiques



il semble juste de cultiver

le logos en silice

le logos en carbone


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Photographie
Emergency shelter in Westfjörd, Iceland.
Contributed by Didier Vander Heyden.





















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cette inégalité à froid se divulguant
forcément à froid se diffractant et calme égalité

— Ah je danse sur les pré || Diane || ah senhal ||

— « À présent je m’en irai nous en irons sur l’autre bord de la

mais je laisserai des projections 
par ici dans le cristal \ blessure
dans le stabilisé dans l’en-fuite qui qui
qui est ma respiration-soupir »

— « Pauvre chose, tant de pauvres choses »
— Et si minime le butin, et aussitôt perdu
— Tu es respiration-soupir. J’oubliais

gémissement aujourd’hui


— Je raccroche

Automne 1968-été 1969.




NOUS





























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l'infini division  












unité

amour / poésie

son esprit si ramifié




si ça chantait jadis

ça chante encore



mon rêve est

de persister dans la trame






disant
quelque chose
en passant


solitude
joie et couchant d'automne






























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remercier 
pour une vérité















l'eau est 

le reflet d'une lumière 

passée



on découvre

on emprunte 

on s'enfonce



noires cavités parfois explorées






tout dépend des situations

mais l'étoile est là

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la peau colorée de la terre

trouée par l’œil calme d'un lac


ici




plus de clarté

que l'on soit mobile ou immobile





























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Michael Heller 

Églogue

















à Hugh Seidman




Composer de ce que propose la lumière

Composer comme d’un lieu surélevé

Mener l’ascenseur de l’âme jusqu’à l’étage ultime

La ville là-dessous semblable à un océan de béton, 
fumeusement étale sous le soleil du ciel

Distinguer, 
sous la fine pellicule de fumée, 
les panaches et les clignotements

Ressentir le besoin 
de prendre suffisamment de hauteur

D’avoir atteint une limite supérieure 
d’où l’être même fait escarpement

Rampe de lancement, 
la légèreté de l’air étant une forme d’intelligence

Les yeux suivant des fleuves 
de lumière brute qui couraient entre 
les mondes pour aller
grossir les baies en amont 
de perles grasses de mercure

Composer, 
ou mieux, rendre compte du fait 
qu’une partie du paysage aura disparu

Comme si on regardait 
par un judas, un trou en vrille

Philosophe écrivant 
de « l’esprit qui cherche, 
et une fois encore se trompe lourdement… »

Avoir mis de côté les morts 
qui surviennent sous les bombes, 
en avoir inscrit d’autres

Les chemins qu’on suit, 
comme des fragments de métal volant
 vers leurs demeures

Revenir sur un amour,
une joie, crus comme les briques de Vermeer

Suspendu en l’air, 
et comme libre en pénétrant 
les larges avenues du ciel, 
sentir l’espoir se mêler au mot

En l’air, 
sentir le vide comme un don, 
oui, un don romantique

Composer, 
comme d’un poste élevé, 
sous le vent,
tout au-dessus du port, 
des rues, 
les yeux en fente sous le vent

À ces hauteurs, 
les yeux baignant dans le rouge 
d’une fête du savoir.



Traduction de l'anglais par Auxeméry



Note de l’auteur : 
J’ai discuté de poésie avec 
Hugh Seidman pendant plus de 40 ans
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L.A.Photographie 
le Grand-Mont d'Arêches
novembre 2015






























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Chérie, 













explique-moi pourquoi
tu dis : « mon piano, mes roses »,
et : « tes livres, ton chien » ... pourquoi
je t'entends déclarer parfois:
« c'est avec mon argent à moi
que je veux acheter ces choses. »
Ce qui m'appartient t'appartient !
Pourquoi ces mots qui nous opposent:
le tien, le mien, le mien, le tien?
Si tu m'aimais tout à fait bien,
tu dirais : « les livres, le chien »
et : « nos roses ».

P.Géraldy





























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