mardi, mars 31, 2009

Quand un homme a de la joie, son apparence
est gaie ; il est gai et il chantonne ; il chantonne et
il se dandine ; il se dandine et il danse (Li-Ki)

Choros & Chara

" Choros" (la danse) viendrait-il de " Chara " (la joie), comme le croyait Platon ?
Que serait la danse sans joie ?
Et pourquoi monter si haut vers les cimes, si ce n'est pour trouver la joie ?
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La joie, c'est la joie de vivre - et danser, c'est vivre sa joie. Et vive le danseur dionysiaque, qui ne cherche qu'à nous persuader de " l'éternelle volupté d'exister ".
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"Celui qui monte sur les plus hautes montagnes se rit de tout le théâtre et de tout le sérieux de la vie. " S'il est monté, c'est pour " gagner une âme joyeuse " , c'est pour faire chanter les mots qui célèbrent la vie : Rire, danse, joie, légèreté, hauteur.
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La joie est le passage de l'homme d'une moindre à une plus grande perfection. (Spinoza)
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Je salue l'Être de lumière qui maintient l'Univers et donne aux hommes la joie, je salue Mrida ! (hymne du Xè siècle)
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Avec B.Commengé, Nietzsche, Spinoza et Shiva !
Que toujours la mer sournoise ou la montagne
impitoyable environnent celui qui cherche. (Nietzsche)

Titre, exergue et fin

La danse
de Nietzsche
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Je ne sais rien qu'un philosophe souhaite
plus être qu'un bon danseur. Car la
danse est son idéal, son art aussi, sa seule
pieté, enfin : son " culte ".
Le gai Savoir
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A quel âge Nietzsche est-il mort ? A cinquante-six ans, disent les dates. Mais il a faussé les dates. Demande-t-on à Dionysos combien de temps il a dansé ?
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Béatrice Commengé
L'infini/Gallimard

Zarathoustra, le danseur.


Sur le sentier qui longe le lac de Silvaplana, à Sils Maria, Nietzsche s'est brusquement arrêté : de l'ombre de ses yeux malades, de la fatigue de ses nuits blanches, de la douleur de ses migraines, de ses longues marches dans le froid ou dans la lumière, venait de naître son fils, Zarathoustra, le danseur. Il ne le quittera plus. Avec lui, il marche. De Sils à Gênes, et de Gênes à Nice, à la recherche d'un ciel plus pur et d'un air plus léger. Il le trouve parfois, l'espace d'un chant, sur les hauteurs d'Eze ou sur la presqu'île de Portofino, dans les ruelles de Venise ou sous les arcades de Turin. Un " dieu " danse à travers lui.
Ce livre, on l'a compris, est aux antipodes du commentaire universitaire ; à l'opposé de l'univers sombre et glacé de la philosophie allemande. Voici un Nietzsche grec, italien, français - comme il se voulait. Peut-être n'est-il pas indifférent de se demander si un homme aurait pu écrire ces pages simples, émouvantes ? C'est une jeune femme, en tout cas, qui aura eu l'idée et l'amitié légère d'accompagner Nietzsche, tendrement, dehors.
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Béatrice Commengé
La danse de Nietzsche
l'infini/Gallimard
Haut les coeurs, bons danseurs, haut, plus
haut ! Et n'oubliez pas le bon rire ! ( Zarathoustra).

Le bon rire !

Lorsqu'on ouvre le Zarathust-Nama, long poème persan qui tente de conter la vie du prophète appelé " étoile d'or ", on peut y lire ces lignes : " Au moment où le matin du temps répandit la lumière, le Bienheureux Zarathoustra vint au monde. Il riait en quittant le sein de sa mère et de son rire le palais fut empli de lumière. " Le rire avait suffi pour qu'on sût que l'enfant était fils du ciel : toutes ses paroles seraient désormais sacrées. Le rire dépassait les mots : il était la lumière - une lumière transmise de siècle en siècle par la légende jusqu'à Pline qui écrirait dans son histoire naturelle : Zorastre fut le seul homme à avoir ri le jour même ou il naquit. "
Nietzsche l'avait-il retenu, lui qui n'hésite pas à proclamer par la bouche de son Zarathoustra : " J'ai sanctifié le rire " ? Le rire résonne encore quand les mots se sont tus : il est la réponse du corps, l'expression première, au-delà du langage, au-delà de la pensée. L'homme qui rit a trouvé le secret de la légèreté : il est prêt à s'envoler en dansant, enfin détaché du mortel ennemi : " l'esprit de pesanteur ".
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source Béatrice Commengé
La danse de Nietzsche, infini/Gallimard

La clarté qui déjà nous enrobe


Le narrateur, dans le roman de Philippe Sollers, " les voyageurs du temps ", se retrouve dans l'église saint Thomas d'Aquin dans le septième arrondissement de Paris :
Spectres, âmes invisibles, fantômes réels, présences à peine sensibles, je vous poursuis dans ce monde fermé, tristement mortel. Saint Thomas, là-haut, à travers le paradis enflammé, chante que le sommet sur terre est dans un tel abandon "que le moisi a remplacé le tartre". Drôle de tonneau, drôle d'entonnoir. Mais il dit aussi, et je me récite ces vers dans l'église froide et comme abandonnée : " J'ai vu, tout un hiver, l'épine se montrer piquante et presque morte, et porter au printemps la rose à son sommet. "
Peut-on aujourd'hui descendre plus bas, plus bestialement entouré de machines et d'écrans, plus à fond dans l'inconscience vivante ? Oui, on peut, on y va. Et pourtant, " la clarté qui déjà nous enrobe sera vaincue en éclat par la chair, qui, pour l'instant, sous terre est cachée ". (Ph.S.)
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L'être et la vérité ne font qu'un c'est à dire que la vérité est en Dieu sous forme de " Raisons éternelles " d'après lesquelles toutes choses ont été formées et d'après lesquelles l'âme humaine connaît tout. (s. Thomas d'Aquin, la somme théologique)
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Chant X
Ciel de Vénus. L' admirable architecture du monde. Quatrième ciel : le ciel du soleil. Les esprits inspirés de sagesse. Thomas d' Aquin montre les onze sages de la première couronne (théologiens et philosophes).
Dante, la divine comédie, le paradis, Jacqueline Risset, GF Flammarion.
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Ce jour là dans l'église saint Thomas d'Aquin on célébrait le baptême d'une enfant qui portait le nom d' Eléonore,
Eléonore, lenir adoucir, el nour la lumière, hélê éclat du soleil.
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Reste à présent, lecteur, sur ton banc,
en pensant à ce dont tu as l'avant-goût,
si tu veux une joie qui surpasse ta peine.
(Dante, P.X. 22/23/24)
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L.A. photographie, église saint Thomas d'Aquin, Paris, mars 2009