dans une clairière hors du temps
deux feux se reconnaissent
le visionnaire
solaire enchanteur du oui
le philosophe
du feu maître du flux
le visionnaire
s’avance comme un voyageur
qui a trop vu brûlé par la lucidité vibrant d’un rire qui cherche encore
sa source
le philosophe
est déjà là assis près du courant
Il ne parle pas il écoute le fleuve comme s’il y entendait
sa propre pensée revenir
le visionnaire
s’incline légèrement
non par respect mais par affinité
toi qui as dit que tout s’écoule
tu as ouvert la voie que personne n’a su suivre
le philosophe
le regarde
et ses yeux portent la nuit et l’incendie
rien ne s’écoule dit-il sauf ce qui s’accroche
celui qui se tient dans le flux ne bouge pas
le visionnaire sourit
il reconnaît là le paradoxe vivant
l’obscurité lumineuse qu’il a rêvée
tu as vu le monde comme lutte comme tension comme jeu de forces
moi j’ai tenté de rendre cette vision à une époque
qui voulait des certitudes
le philosophe cueille un fragment de bois flotté
la guerre est le père de toutes choses
le conflit est harmonie mais les hommes cherchent la paix
comme on cherche un mensonge confortable
le visionnaire répond
ils veulent la paix parce qu’ils craignent la vie
j’ai voulu leur apprendre à danser sur l’abîme
un instant le silence se dépose entre eux
comme une vérité simple
le fleuve scintille
chaque reflet semble
une métaphore née puis détruite dans la même seconde
le philosophe
toi
tu as parlé aux hommes
moi
je n’ai parlé qu’au feu
le visionnaire
et pourtant c’est ta flamme qui brûle encore dans mes mots
ils échangent un regard pas un regard d’accord mais de reconnaissance deux solitaires qui se rencontrent sans se rejoindre deux veilleuses du devenir qui comprennent que la pensée n’est pas une doctrine mais un incendie
puis le courant entraîne un reflet un autre et leur dialogue se dissout dans le flux comme si depuis le début c’était le fleuve lui-même qui avait parlé à travers eux
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire