mercredi, mai 07, 2025

tiens regarde par la fenêtre les flocons qui défilent

c’est beau 

je pourrais essayer 
d’en faire la chronique



dans 

Poudreuse 
Séverine Daucourt 

pose 
une alternative 


regarde tomber la neige ou crève au taf





























parce que la vie au taf ce n’est pas folichon

il y a trop de stimulations de notifications d’informations de mesures de données précipitées tu sens un flux imprévisible sans un répit pas même celui de l’habitude 

quelle pagaille dans l’orchestre

tu es bien placé parmi les instruments disposés entre eux par le chef 
sur le plan le plus favorable 
pour lui

un deux trois ça va commencer

symphonie du déluge dans la fosse

c’est même insupportable 
la vie au taf

tu es prévenu le rythme est fatiguant mais c’est intéressant 
tu touches un peu à tout 
tu as ton poste à toi sous l’avalanche contrairement à la masse fondante
tu t’impliques

la vie au taf est si absurde qu’il y a des managers 

solistes 

pour nous aider à déchiffrer la partition 

le métier de soliste 
est de faire tenir l’intenable avec des mots

ils savent que ce qu’ils disent n’est pas vrai 
mais que ça puisse l’être 
suffit bien

ils n’y vont pas avec le dos de la cuillère ils martèlent qu’en manœuvrant à fond la caisse dans tes fonds de caisse ils te prêtent aussi de l’attention car ils construisent tes rêves et que tu n’es pas à l’abri de devenir riche qu’on a tous à y gagner que tu seras accepté partout où tu en as besoin que tu vas pouvoir prendre le futur en main avec ton métier tout le temps jamais pareil assurément humain que la vie est trop courte et que le monde bouge

mais les seules choses qui bougent 
sont ces petits cristaux derrière notre lucarne 

parce que 
depuis quand 
déjà 

il neige

c’est quoi la neige  

tu te demandes

et le médecin leur demande  au travail ça va comment 

effondrés sur le fauteuil incapables d’aligner deux mots ils répondent qu’ils sont dépassés mais qu’ils ne peuvent vraiment pas ’arrêter en ce moment

ils ont trop à faire

il ne les écoute pas et les arrête quinze jours en se gardant bien de dire 
que c’est pour commencer.…

qu’ils vont devoir assumer

de se laisser chuter

la vie au taf c’est tellement dur que 

tu comprends que pour supporter certains font du hors-piste 
dans les ZAD ou les chantiers collaboratifs

la question n’est pas de profiter de la neige qui tombe 
sans discontinuer pour enfin ralentir notre vie à la con  

mais s’énoncerait plutôt ainsi  
c’est parce que la neige tombe qu’on n’a pas d’autre choix

que d’arrêter

la neige fait ce qu’elle veut

la neige leur dit viens je connais un raccourci 
mais elle s’en fout d’arriver à bon port

la neige va où elle veut

la neige et eux poursuivent leur route
la neige devant

la neige impose sa propre temporalité

elle a ça de commun avec l’inconscient la neige 
elle ne voit pas le temps passer

elle a l’âge de la mémoire

elle nous laisse quelque latitude

le temps conscient reprendra ça et là avant de se reperdre 
dans la neige

puis nous égare 
à l’image de ces petits flocons titubants sur nos pages 
présence graphique discrète 
et entêtante 



décidément 
tout est beau dans la collection Poésie 
commune des éditions MF 
le dehors 
le dedans

la neige colle à la peau

elle fait mine de sourire comme d’habitude 
et ferait presque croire qu’un jour il n’y aura plus de neige

regarde
elle est devenue transparente 
tu vois enfin au travers

tu distingues malheureusement 
un cul de sac au fond duquel elle réapparaît

ça schlingue dans l’impasse

elle nous encercle inexorable 

il y a tant de gens seuls qui ont perdu d’abord quelque chose ou quelqu’un ou le nord ou la santé puis qui perdent la neige et se ruent à ses trousses

sans que l’on puisse lui échapper 

elle est sans question alors que toi tu fabules sur les raisons de la quitter tu te dis perte de richesse peut se réparer mais perte de temps nous ruine tu veux flâner flâner sans plus t’en rendre compte flâner quoi cesser de ramasser les miettes d’un bonheur à venir

le temps qui passe est-il du temps perdu 

et pourquoi la vie se réduit-elle aujourd’hui à cette question 




Poudreuse 

est un texte politique qui montre la novlangue libérale et la violence manageriale mais sans le dire sans l’expliquer par A plus B

là où d’autres décortiquent/analysent le parler de l’entreprise Séverine Daucourt l’évoque tout légèrement comme 
un flocon

et nous ramène à l’essentiel 

et à l’urgence de faire la sieste

en regardant tomber la neige

mais ils n’arrivent pas à dormir les pauvres ils font semblant tandis que sous leur peau ça brûle 

la brûlure est immense aujourd’hui est oublié depuis déjà hier et le présent sous hormones essaie de prendre son temps pour sa transition pour sa sécession nécessaire pour léguer un terrain en libre service ouvert H 24 à la pagaille ouvert à la neige qui tombe tombe avec son impitoyable vue d’ensemble

prendre son temps et ne plus perdre sa vie à la gagner dans la torpeur de la poudreuse on en rêve tous, personne le fait

toi qui rêve du grand ralentissement voilà que ça t’embête

tu regardes le temps s’infiltrer dans la neige pour terminer au sol

la neige aurait pu prendre son temps 
mais tu sais qu’elle l’abolit je l’ai déjà écrit

peut-être pourrait-on suggérer aux  solistes  qui nous gouvernent 
un séjour en montagne 

et à Dieu 
s’il existe
une bonne grosse avalanche sur ces encravatés 
























































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