lundi, septembre 09, 2024


il n’est pas nécessaire que tu sortes de ta maison 
reste à ta table et écoute 
n’écoute même pas attends seulement
n’attends même pas 
sois absolument silencieux et seul
le monde viendra s’offrir à toi pour que tu le démasques
il ne peut faire autrement
extasié
il se tordra devant toi


le silence comme réponse ultime

















face à toutes les contradictions et paradoxes la réponse ultime est le silence Toute tentative de conceptualiser la vérité mène inévitablement à des erreurs Le silence est la seule réponse qui ne soit pas une trahison de la réalité car il ne cherche pas à figer celle-ci dans des concepts qui sont par nature limités et erronés


ce silence n’est pas un simple refus de parler mais une reconnaissance que la réalité échappe à nos moyens habituels de compréhension   le silence nous invite à entrer dans un mode de connaissance non-conceptuelle où nous nous contentons de vivre la réalité telle qu’elle est sans essayer de la réduire à des mots ou des idées

















Sénèque le Jeune

lettres à Lucilius


la vraie noblesse est dans la philosophie


Tu persistes à te faire petit, et à te dire trop chétivement doté par la nature d’abord, puis par la Fortune, quand il ne tient qu’à toi de te tirer des rangs du vulgaire et d’atteindre à la plus haute des félicités. Si la philosophie possède en soi quelque mérite, elle a surtout celui de ne point regarder aux généalogies. 

Tous les hommes, si on les rappelle à l’origine première, sont enfants des dieux. Te voilà chevalier romain, et c’est à force de talent que tu es entré dans cet ordre : mais, grands dieux ! à combien de citoyens les quatorze bancs ne sont-ils pas fermés ? 

Le sénat ne s’ouvre pas pour tous : la milice même, pour nous admettre à ses fatigues et à ses périls, est difficile dans ses choix. 
















La sagesse est accessible à tous ; devant elle nous sommes tous nobles. La philosophie ne refuse ni ne préfère personne : elle luit pour tout le monde. Socrate n’était point patricien ; Cléanthe louait ses bras pour tirer l’eau dont il arrosait un jardin ; la philosophie, en adoptant Platon, ne lui demanda pas ses titres, elle les lui conféra. Pourquoi désespérerais-tu de ressembler à ces grands hommes ? 

Ils sont tous tes ancêtres, si tu te rends digne d’eux, et pour l’être, il faut tout d’abord te persuader que nul n’est de meilleure maison que toi. Nous avons tous même nombre d’aïeux ; notre origine à tous remonte plus loin que la mémoire des hommes. « Point de roi, dit Platon, qui n’ait des esclaves pour ancêtres, point d’esclave qui ne sorte du sang des rois. » 

Une longue suite de révolutions a brouillé tout cela, et le sort a bouleversé les rangs. Quel est le vrai noble ? Celui que la nature a bien préparé pour la vertu. Voilà le seul titre à considérer. Autrement, si tu me renvoies aux vieux temps, chacun date d’un âge avant lequel il n’y a plus rien. 

Depuis le berceau du monde jusqu’à nos jours une série de vicissitudes nous a fait passer par de brillants comme par d’obscurs destins. Un vestibule rempli de portraits enfumés ne fait pas la noblesse. Nul n’a vécu pour notre gloire, et ce qui fut avant nous n’est pas à nous. C’est l’âme qui anoblit ; elle peut de toutes les conditions s’élever plus haut que la Fortune. 

Suppose-toi, non pas chevalier romain, mais affranchi, tu peux un jour être seul libre de fait parmi tant d’hommes libres de race. « Comment cela ? » diras-tu. En n’adoptant pas la distinction populaire des biens et des maux. Informe-toi non d’où viennent les choses, mais où elles aboutissent. S’il en est une qui puisse donner le bonheur, elle est bonne par essence, car elle ne peut dégénérer en mal. 

Quelle est donc la cause de tant de méprises, quand la vie heureuse est le vœu de tous ? C’est qu’on prend les moyens pour la fin, et qu’en voulant l’atteindre on s’en éloigne. Tandis qu’en effet la perfection du bonheur consiste dans une ferme sécurité et dans l’inébranlable foi qu’il nous restera, on se cherche au loin des causes de soucis, et sur cette route perfide de la vie, on porte ses embarras bien moins qu’on ne les traîne. 

Aussi s’écarte-t-on toujours davantage du but poursuivi ; 

plus on s’épuise en efforts, plus on reste empêtré, ou rejeté en arrière


Ainsi

l’homme 

qui 

dans 

un labyrinthe 

presse le pas 

se fourvoie en raison 

de sa vitesse même


















Kafka 

écrit ainsi dans le Journal de 1910 


j’aurais dû être 

ce petit habitant des ruines 

qui prête l’oreille aux cris des choucas 


















ce réseau symbolique est associé à la mort la ruine l’absence de communication et à la solitude du paria auquel Kafka s’identifie toute sa vie durant



on ne peut pas parler avec les nomades ... 

pour se comprendre entre eux 

ils crient comme 

les choucas… 


on ne cesse d’entendre ces cris de choucas 

nos mœurs et nos coutumes 

sont aussi incompréhensibles qu’indifférents 















pour s’échapper

il faut se rappeler que nous ne pouvons pas envisager tous les chemins mais devons décoder seulement ceux indispensables pour sortir

il convient d’être rapide et d’éviter l’exhaustivité

cependant

comme nous met en garde Sénèque dans la lettre 44 de ses Epistulae morales aller trop vite entraîne également certains risques 

c’est 
ce qui arrive 
quand on progresse trop vite 
dans un labyrinthe  

plus vite on va plus on est pris au piège

des paroles qui méritent qu’on s’y attarde surtout si l’on tient compte de la remarque de Pascal citée dans Allégories de la lecture de Paul de Man 

quand
on lit trop vite ou trop doucement 
on n’entend rien
























dans un poème ou dans un conte

le sens n'importe guère 

 

ce qui importe

c'est ce que créent dans l'esprit du lecteur 

telles ou 

telles paroles dites dans 

tel ordre ou selon 

telle cadence

















l'amitié silencieuse de la lune

t'accompagne


depuis

cette nuit aujourd'hui perdue

dans le temps 

cette soirée où tes yeux vagues l'ont déchiffrée 

pour toujours dans

un jardin

un patio qui sont poussière



pour toujours ? 


je sais 

qu'une fois quelqu'un

pourra te dire en toute vérité 


tu ne verras plus la lune claire


tu viens 

d'épuiser la somme des chances

que t'accorde 

le destin. 


inutile d'ouvrir toutes les fenêtres du monde


il est tard 


tu ne la trouveras plus




nous vivons 

découvrant et oubliant

cette douce coutume de la nuit


regarde 

c'est peut-être la dernière