mardi, mai 28, 2024


c'est elle ou moi

quelle heure est-il 


je crois que j'y prends déjà goût

pourrais-je partir pendant l'entracte 

qu'allez-vous faire sans moi 


je dois bien l'avouer 

il y a dans mes archives deux ou trois petites choses 

inoubliables

















devinez qui j'imite 

ne vous formalisez pas pour si peu

on ne nous a pas présentés

vous me raconterez la fin 








j'en suis arrivé à croire qu'il n'y a d'amour que dans la mesure exacte où la part d'ignorance qu'on a de soi pousse à se trouver dans les autres à croire qu'il n'y a d'amour que dans l'erreur délicieuse

















poésie de loin en loin 


une poignée de motifs récurrents tisse 

une lâche cohérence   


la chaleur à rendre fou 

la nymphe Pytis 

Mallarmé 

l'adverbe bref 

les guêpes

les noms savants de fleurs


















elle frôle la lisière 

de la littérature sans jamais la franchir 


clair comme 

de l'eau 

de roche 

d'une netteté trop transparente pour être perçue par la foule 

des vibrions tragiques épris 

de tumulte

d'indignations spectaculaires







il se trouve que vivre avec ce que ça implique d'incohérence et d'improvisation ça se surmonte par la pratique à la petite semaine au petit bonheur non en se rapportant aux directives d'un vaste plan de nettoyage d'ensemble

















il est paisible moi aussi


il sirote un thé citron

je bois un café

c’est ce qui nous distingue


comme moi 

il est vêtue d’une chemise rayée trop grande




















comme lui 

je parcours les journaux du soir


il ne me surprend pas quand je l’observe de biais

je ne le surprends pas quand il m’observe de biais


il est paisible moi aussi


il parle au serveur

je parle au serveur


un chat noir passe entre nous


je caresse la fourrure de sa nuit

il caresse la fourrure de sa nuit…


je ne lui dis pas : 

le ciel est limpide aujourd’hui plus bleu


il ne me dit pas  

le ciel est limpide aujourd’hui


il est vu et il voit

je suis vu et je vois


je déplace la jambe gauche

il déplace la droite


je fredonne une chanson

il fredonne un air proche


je me dis 

est-il le miroir dans lequel je le vois 


puis je cherche son regard

mais il n’est plus là


je quitte précipitamment le café

et je me dis  


c’est peut-être un assassin

ou peut-être un passant qui m’a pris

pour un assassin


il a peur moi aussi




Mahmoud Darwich

Ne t’excuse pas

poèmes traduits de l’arabe Palestine par Elias Sanbar

Actes Sud

2006

140 pages 

nouvelle publication 2024





















oeireveille allo galobe d'épôle en pôle 


A tout 

figne quasivif de l'oiseau

irci irci

briquet

briffaut

brillard 

bégueur

radord et bavard 


la brumée s'élave

















un infini 
resserre l'étau au lieu de l'élargir et tourne 
fatalement court 
































la finesse 

l'emploi 
de termes qui laissent beaucoup à 
deviner


porphyriseur 

de laboratoire avec mouvement 
du mortier pour amener 
des petits échantillons à 


une finesse extrême






































PORPHYRISER

réduire en poudre très fine une substance en la broyant 
































cercle sans fin 

de l'écriture à la lecture 
de la lecture à l'écriture


cercles 

perpétuellement recommencés d'une nouvelle scène

sol théâtre jeu

où s'apprend à voir quelque chose 

















ombres très vives 
des unités minimales 
du texte



un livre dans lequel une pensée ouvre la porte 


207/208



















un homme 

étendu en plein milieu de la route

inanimé

trois hommes 

à ses côtés pour lui porter secours 


passer le balai dans son appartement 


le geste de consoler la tête sur l’épaule

 

le reflet de son visage en miroir dans une vitre sombre 


regarder une vieille photographie d’un lieu oublié







D. LEDUI









sur le plan de la ville

tracer 

le chemin parcouru ce matin là



















déclaration 

de l’étroit 
de l’homme 


tous les hommes femmes comprises naissent prisonniers et inégaux ce que le droit doit essayer de corriger dans la mesure du possible

prisonniers 

de l’étroitesse 
de leur condition et 
de leurs croyances  

inégaux dans leurs capacités physiques mentales sexuelles esthétiques lesquelles sont aggravées par des richesses injustement réparties des réputations factices une obscurité voulue 

ils n’ont à compter sur
 
aucun au-delà 
aucun dieu 
aucune réparation
aucun futur

passion fixe












le corps lâche prise   les yeux se ferment  

assommé 

de sommeil