Lionel André / promenades / randonnées / arts / littératures / air du temps
dimanche, mars 03, 2024
tout dans l’Ours est précieux
un médicament
quand ils parvenaient à l’abattre ils s’enfuyaient aussitôt à toute vitesse puis ils réapparaissaient là un peu par hasard comme s’ils étaient en train de se promener et ils découvraient stupéfaits que l’Ours avait été tué par des inconnus
naufrage
une vapeur de feu
un frémissement de la peau
silence
pierre sortie de
terre
le poème est un langage qui naît de la destruction d’un langage de sa ré-articulation autour d’un fond nerveux à haut risque Miettes et lambeaux que le langage dans son impossible réconciliation avec le monde tente d’atteindre Une mise en mots aux allures de mise en pièces découpes au scalpel dans l’à-vif d’une radicalité qui force l’attention touche aux limites
l' âme verte
qui cherche la vie où seul mord la chaleur et la désolation
l' étincelle qui dit tout commence quand
tout semble devenir carbonisé
bronche enfouie
un regard
ivre
le désordre des choses
collines poussières
cailloux
innocence
terre
souffle écorché
l’écho
des apparences
la suie
le souvenir
destructions et carnages
ravins terre
talus haies broussailles
quand soudain
l’oubli
sur la pierre
dans la vérité
de cet instant
gratté
gommé
avec l’étoile du bâton
avec les ongles
*
l'anguille
la sirène
des mers froides qui quittent la Baltique
pour atteindre nos mers
à nos estuaires
à nos rivières
qui remonte profondément
sous le déluge adverse
de branche en branche puis
de cheveux en cheveux
amincis
toujours plus profondément
toujours plus profondément dans le cœur
du rocher
filtrage
parmi les gorielli de slime jusqu'au jour
c'était comme si
quelqu'un
quelque part
rêvait de cela
qu'il y était entré sans permission
tout à la fois familier et étranger
vers cette époque
j'ai fait
un rêve qui m'a à la fois effrayé et encouragé
il faisait nuit dans un endroit inconnu et
j'avançais lentement et péniblement contre un vent violent
un brouillard dense volait partout
j'avais les mains serrées autour d'une petite lumière
qui menaçait de s'éteindre à tout moment
tout dépendait de ma capacité à garder vivante
cette petite lumière
soudain
j'ai eu l'impression que quelque chose arrivait derrière moi
j'ai regardé en arrière et j'ai vu
une gigantesque silhouette noire qui me suivait
mais au même moment
j'étais conscient malgré ma terreur que je devais faire fonctionner
ma petite lumière malgré la nuit et le vent
quels que soient les dangers
quand je me suis réveillé
j'ai immédiatement réalisé que la silhouette était…
ma propre ombre sur les brumes tourbillonnantes créée par
la petite lumière que je portais
je savais aussi que cette petite lumière
était ma conscience la seule lumière dont je disposais
ma propre compréhension est le seul trésor que je possède
et le plus grand
bien qu’infiniment petite et fragile
en comparaison des puissances des ténèbres
elle n’en reste pas moins une lumière ma seule lumière
CGJ souvenirs rêves réflexions
voici
le dernier livre de
Philippe Sollers
écrit jusqu’au bout d’
une main claire
chaque phrase brûle
il médite sur sa mort mais son cœur s’élance avec une ivresse calme avec drôlerie aussi vers ce qu’il appelle la Deuxième Vie
je n’ai pas été
un bon saint lors de ma première vie
mais j’en suis un très convenable
dans ma Deuxième
tout Sollers est ici concentré dans la lumière dépouillée de trois heures du matin il parle de la médecine de Dieu de Venise de ses passions fixes et même de Houellebecq il note inlassablement ses pensées et voici qu’elles glissent apaisées vers une dernière lueur qui brille dans la nuit : «
si
le néant est là
il est là
en train de voir le monde éclairé par
un soleil noir