vendredi, février 23, 2024


ce sursaut des étoiles


je suis d’avis que le poète 

doit de temps en temps plonger sa tête complètement 

dans l’obscurité

dans le mystère 



je rêve 

d'un long rêve où chacun

rêverait




















O grand rêve ....

empare-toi 

du reste 

de ma vie  marée montante à l'écume 

des fleurs



il m'arrive de perdre soudain tout le fil de ma vie 


je me demande assis dans quelque coin de l'univers près d'un café fumant et noir devant des morceaux polis de métal au milieu des allées et venues de grandes femmes douces par quel chemin de la folie j'échoue enfin sous cette arche ce qu'est au vrai ce pont qu'ils ont nommé le ciel 



***



sans le tambour
il n’y a pas de chaman

seul 
le chaman 
sait animer le tambour

au début
le tambour est nu 
une peau d’animal tendue et entourée 
d’un cercle 
de bois 

avec le temps 
il s’enrichit de parties métalliques 
petites figures accrochées qui résonnent

il se surcharge 
de plus en plus

la partie en bois est taillée 
dans un tronc de bouleau ou de mélèze. 

les parties métalliques  
il est préférable qu’elles soient vieilles

c’est encore mieux
si elles viennent d’autres chaman.



















Rocky Hill

au centre de la Californie 
le paléoanthropologue Jean Clottes 
découvrit une paroi rocheuse ornée de peintures 
































Hector 
un Indien Yokut
gardien du lieu le guidait

Clottes 
se concentra sur une figure qui le faisait penser à 
un chaman avec son tambour

c’est un ours  dit Hector 

surpris 
le paléoanthropologue répliqua  

j’aurais cru qu’il s’agissait d’un homme 

c’est la même chose  dit Hector 

et il se tut


















la liberté commence ou naît le merveilleux



là-bas  

des capucines violettes  

une bouffée d'oxygène 

avec des pincettes 

du meilleur et du pire


notes manuscrites destinées à paraître dans le n°8 de 

Médium 

informations surréalistes en juin 1953

















trois images

une notice descriptive

une bibliographie.

liste de noms 

lieux

pays

thèmes...


André Breton


-


liste manuscrite de noms d'artistes 

une image

une notice descriptive

une bibliothèque

une exposition


je rêve d'un long rêve où chacun rêverait

























Rêves rêves rêves tout n'est que rêve où le vent erre



En 1924 paraissait Une vague de rêves






































Cent ans plus tard, à l’occasion du centenaire du surréalisme, c’est un texte splendide tombé dans les oubliettes de l’histoire littéraire et aujourd’hui encore méconnu qui revoit le jour.

Achevé en juin et paru au début du mois d’octobre dans le numéro 2 de la revue Commerce, publiée par Paul Valéry, Léon-Paul Fargue et Valéry Larbaud, Une vague de rêves appartient de plein droit à l’aventure surréaliste, à ses expériences, sa théorisation et sa mise en œuvre littéraire. 

Aragon y exprime la fascination que lui inspire l’univers du rêve, les « Rivieras de l’irréel », les frissons du délire et l’écriture du désastre. 

Légèrement antérieur au Manifeste de Breton et rédigé dans une langue moins doctrinaire que la sienne, Une vague de rêves se fait aussi le témoin de l’incapacité d’Aragon à supporter la contradiction entre son implication dans le mouvement surréaliste et son aspiration à l’écriture romanesque. 

Exercice d’écriture dont le lyrisme est d’une beauté stupéfiante, ce manifeste, loin de la sécheresse des textes théoriques, se déploie dans l’émotion d’images admirables qui, au-delà du témoignage et de la réflexion, laissent deviner l’écrivain à venir.










Il était une fois au début du XXe siècle en France un jeune homme très beau prodigieusement doué pour l’aventure métaphysique et le style : ça s’appelle Une vague de rêves et ça pourrait être écrit ce matin.  Philippe Sollers





qui est là 


Ah très bien
  
faites entrer l'infini



une vague de rêves

Poème de Louis Aragon édité par la revue 
Commerce 
à Paris en 1924

édition originale 
constituée par le tirage à part de la revue 
Commerce  
et tirée sur papier alfa



envoi 
autographe signé 
d'Aragon à Breton  



à André B
au quatrième en face 
au-dessus du ciel 
un de ses amis
comment donc 

?

L. Aragon. 


































 


l’un 
des signaux 

du 
détachement vis-à-vis 
de l’animal fut le camouflage 
d’une bande d’hommes en une meute 
de loups  

finalement interchangeables 
égaux
comme les rayons 
d’une roue 
















l’ivresse fut double et simultanée  


celle de l’animal chassé qui 
se transforme en prédateur
 
une ivresse de la puissance et de la métamorphose 
bien que maintenue dans les limites du cercle animal  

celle de l’être qui découvre 
l’égal la substitution l’équivalence
 
une ivresse de la connaissance 
que ne dévoile nul signe visible mais qui trace 
une césure dorénavant infranchissable




















la pensée la plus ancienne 


celle qui pour la première fois 

ne ressentit pas la nécessité de se donner 

sous la forme d’un récit  se manifesta sous celle 


des aphorismes sur la chasse   ils se sont transmis 

comme un murmure 

comme des comptines

au milieu des tentes et des feux 



















le gibier est semblable aux êtres humains

il est seulement plus saint 


la chasse est quelque chose de pur

le gibier aime les hommes purs 



comment pourrais-je chasser

si d’abord 

je ne dessinais pas 


le plus grand des dangers de la vie 

c’est que la nourriture des hommes est entièrement composée 

d’âmes 


l’âme de l’Ours 

est 

un Ours en miniature logé dans sa tête 



l’Ours pourrait parler 

mais 

il préfère s’en abstenir 



qui parle avec l’Ours en l’appelant par son nom 

le rend doux et inoffensif 


un incapable qui sacrifie 

prend plus de gibier qu’un chasseur habile 

qui ne sacrifie pas 



les animaux qu’on chasse 

sont comme des femmes qui font les coquettes 


les femelles des animaux séduisent les chasseurs 


toute chasse est chasse d’âmes