samedi, janvier 13, 2024

séparer par la chaleur 

les principes fixes et les principes volatils 

d'une substance composée 


distiller
 
des grains 
du vin

distiller à feu nu 

la curiosité de la maison était 

l'appareil à distiller que les consommateurs voyaient fonctionner, des alambics aux longs cols des serpentins descendant sous terre une cuisine du diable devant laquelle venaient rêver les ouvriers soûlards 





















il allait chercher des salades de pissenlit 

dans les herbes de la colline ou bien à la saison 

cueillir des prunelles sur les haies de Vaudémont

le bon géant avait toujours été un peu porté sur la bouche 

il excellait à distiller de ces petites baies 

une savoureuse eau-de-vie... 


eau distillée

c'est l'eau commune évaporée purifiée et condensée 

on doit rejeter celle qui passe la première. 

l'eau distillée doit être parfaitement claire limpide 

sans odeur ni saveur 

sans action sur le tournesol 


produire 

sécréter goutte à goutte un liquide 

distiller 

un encens le miel la rosée des sucs 

des glandes venimeuses 

qui distillent leur venin dans la bouche de plusieurs reptiles 

les pins distillaient leur résine amère

 

rendez-nous nos soupirs et nos larmes

la cathédrale

les vents aussi ont des soupirs quand c'est le soir  

demandez vos soupirs aux vents

les grottes ont des larmes qu'elles distillent goutte à goutte  

demandez vos larmes aux grottes


de la lumière

du jour

du soleil


la lune 

qui se penche au bord de la vallée

distille un jour égal

une aurore voilée 

sur ce golfe silencieux 



tirer l'essence 

d'une chose

l'exprimer avec raffinement 

distiller des commentaires 

un bon mot 

un raisonnement 

une réflexion fine 


je vous fais l'honneur de vous traiter en gourmets

je vous distille mon histoire 


cause en s'écoutant 

lentement

avec de mortels silences

mot à mot 

goutte à goutte

comme s'il distillait ses effets

faisant tomber peu à peu

autour de lui 

une sorte de froideur glaciale


des sentiments

distiller la haine 

la vengeance 

distiller l'opprobre et le fiel 


elle accepta de me guider 

dans les sentiers de la métaphysique et de corriger mes devoirs 

son enseignement 

distillait l'ennui le plus pur



couler goutte à goutte

distiller 

de la voûte des rochers 

quelque chose 

de semblable à du sang 

distille 

de sa bouche 

la feuille 

sur leurs cous 

distillait goutte à goutte 


















il lui faut

dans la même lumière cacher là où il s’agit 

de montrer mais aussi 

de montrer là où elle voudrait cacher et 

d’abord se cacher


décrire 

un paysage 


vu par 

un oiseau


ne pas mentionner l’oiseau


















l’expérience

 

d’une mise à nu 

de la parole qui semble 

devancer sa propre inquiétude pour coïncider 

avec son surgissement




l’effacement 

du langage résulte 
de la substitution 
du mouvement sorte 
d’abandon 
de soi
de laisser-aller et 
d’acceptation 
de cet abandon

 
le poème est 
douloureux 
car 

il n’a plus la force
  
il s’accroche à l’inertie 
il se déprend du réel

il se cherche 
une méthode pour tenir debout dans 
un ailleurs diffus 

le repos lui est interdit 

le silence imposé 

la prose finale achève le renfoncement dans 
une matière atone 

la reconnaissance 
de l’impossibilité de la langue 
où il faudrait marquer sa place dans le monde

le poème est ce mensonge 

l’usage 

de la parole comme blessure à sa propre pensée 

et comme destruction 

de soi


la lenteur qui prend la gorge 


la langue qui expose 

sa maladresse 

se dissout dans l’ordre des choses

se retire du sentiment pour chercher refuge dans l’habitude


ce qui reste après 

destruction 

du langage est ce qui a nourri l’espoir 

d’un temps passé ce qui n’a pu être 

dit ou ce qui a été 

dit 

dans 

un lieu qui se manquait à lui-même


















le centre...

une mo­saïque d'éclats 

une espèce de dur marteau cosmique d'
une lourdeur défigurée qui retombe sans cesse comme 
un front dans l'espace avec

un bruit 
comme distillé 

l'enveloppement cotonneux du bruit a 
l'instance obtuse et la pénétration 
d'

un regard vivant


il faut 

rêver longtemps 

pour agir avec grandeur

le rêve se cultive dans les ténèbres

















*


je vous laisse 
libre d'imaginer le dialogue 

choisissez 
ce qui peut vous charmer 

acceptez
s'il vous plaît 
qu'ils entendent la voix du sang
ou qu'ils s'aiment en coup de foudre 
ou que Mignon 
par des signes irrécusables et invisibles à l’œil du vulgaire 
décèle le voleur... 



concevez 
les plus folles invraisemblances
 
faites se pâmer 
leur être secret à s'aborder en argot 

mêlez-les tout à coup par 
un soudain embrassement ou par 
un baiser fraternel 

faites ce qu'il vous plaira


*











il n'est pas d'autre origine à la beauté que la blessure singulière différente pour chacun cachée ou visible que tout homme garde en soi qu'il préserve où il se retire quand il veut quitter le monde pour une solitude temporaire mais profonde


AAJG