vendredi, octobre 06, 2023


fleur sans fleur

brume sans brume

venant 

à la mi-nuit partant au petit jour



arrivant 
comme 
un songe 
de printemps hors saison

s’en allant 
comme 
une nuée 
du matin sans chercher 
à s’établir































vagabondage essentiel 
au sein 
de la poésie 
chinoise


loin 
des affaires 
de ce monde  




























nous nous sommes si souvent plaints 
de l’insuffisance 
du langage 

de l’imperfection des mots parlés ou écrits que nous avons tendance à oublier ce que nous aurions fait si un jour tout à coup ils avaient complètement disparu 

la parole a été pour l’homme le cadeau le plus précieux  

c’est la seule espèce qui en dispose 

en règle générale ce genre de plaintes provient uniquement ou presque des écrivains  enfants gâtés  du langage de la parole des mots comme on voudra

je dis  enfants  car nous tous écrivains ou non  hommes tout simplement  sommes littéralement issus de la parole notre mère suprême à tous



































 Au printemps de 1997, un groupe de lecteurs adressa à Lokenath Bhattacharya neuf questions. A cette occasion, le poète bengali revient sur ses premiers textes poétiques, parle du Gange et de l'Aveyron, de la culture indienne et de l'influence qu'exercent sur lui les littératures occidentales. Surtout, il approfondit certains thèmes de prédilection, notamment celui de la chambre, ce lieu de la création poétique, lieu intérieur, à l'instant où " le chemin ne cesse de s'ouvrir ". En ouverture, figurent trois de ses récents poèmes : Où vont les fleurs, Ti tas anti et La main, cette nuit. Ailleurs, dans les bribes. Sur Lokenath Bhattacharya, de Jean-Christophe Bailly, vient clore ce recueil

le bois d'Orion







































comme 

une église s’offre à l’homme qui prie

le livre appelle 

une vie qu’anime la passion

de connaître 

qui cherche et qui médite



























 

Un si bel objet, si pur et spirituel à ce point, doit faire les délices de l’intelligence; par là, il n’a rien de commun avec la foule. La décadence du livre et sa laideur viennent de sa diffusion dans la multitude. (Il y a des plèbes à tout étage et en tout genre). On a perdu une beauté qu’on a voulu répandre. Rien n’est plus hideux qu’un journal; car rien n’est plus vulgaire : et le fond ne l’est guère moins que la forme. 

Le journal est le livre de tout le monde : impudent, il est toujours ouvert, même plié. Les monuments de pierre sont faits pour tous les hommes: ils se soucient à peine de les voir, ou ils ne font qu’y passer. On ne jouit pas d’un livre à dix, à vingt, ni à cent ensemble. On ne lit bien que dans la solitude. Le livre est comme l’amour aux âmes bien nées. À chacun son livre, et d’y avoir le plaisir qu’il peut y prendre. Le propre de l’objet spirituel est d’être singulier, et seul à seul. Tout dans le livre marque la personne et l’individuel. 

Il est possible que le livre soit le dernier refuge de l’homme libre. Si l’homme tourne décidément à l’automate; s’il lui arrive de ne plus penser que selon les images toutes faites d’un écran, ce termite finira par ne plus lire. Toutes sortes de machines y suppléeront: il se laissera manier l’esprit par un système de visions parlantes ; la couleur, le rythme, le relief, mille moyens de remplacer l’effort et l’attention morte, de combler le vide ou la paresse de la recherche de l’imagination particulière : tout y sera, moins l’esprit. Cette loi est celle du troupeau. Le livre aura toujours des fidèles, les derniers hommes qui ne seront pas faits en série par la machine sociale. Un beau livre, ce temple de l’individu, est I’acropole où la pensée se retranche contre la plèbe. 


André Suarès 

L’art du livre 

1928

Editions Fata Morgana 

2022 

40 pages




Au fond, le livre est de l’architecture. Qui dit architecture, veut dire un édifice et un ordre, une demeure pour les dieux et pour l’homme, que ce soit une simple maison ou une basilique. L’église est une assemblée : la lecture en est une autre. Le livre est la maison de la pensée. Tout commence au monument et tout finit par le livre. La cité s’écroule, la ville disparaît et le livre demeure. Les édifices sont l’architecture de la matière : le beau livre est une architecture de l’esprit.



























quinoa coloré


quinoa
chou rouge
avocat
maïs
betterave rouge
radis


huile d'olive & jus de citron
sel & poivre



couper 
des radis en rondelles pour 
décorer la salade



*
































une matinée 

dans le soleil et les corps nus

douche

puis

chaleur et lumière
































absurdité 
lucidité


jeu gratuit
force et beauté


se garder 
de la vanité



acquérir
persévérance



































chaque minute 
de vie porte en elle sa valeur 
de miracle et son visage 
d'éternelle jeunesse


ce n'est pas 
d'être heureux que je souhaite maintenant mais seulement 
d'être conscient
































pour ceux qui 

adorent 

le soleil 

il y a 


des moments 

d’extase que rien ne pourra 

démentir























le vent 

qui fait frissonner l'herbe à son gré 

va et vient


certains 

sont nés pour accueillir son message 

d'autres pour le refuser. 


chez ceux qui sont nés pour l'accueillir

on perçoit 

un étrange 

détachement 

des consolations 

d'ici-bas




le réel est un secret


ils le virent 

de loin comme un feu simple et 

droit parmi les bêtes

brutes


les falaises 

contemplaient la mer avec compassion


je ne suis pas ici 

pour bien ou mal faire ou pour 

donner 

des leçons 

je suis ici 

pour vivre


et j’ai 

découvert où se cache le plaisir 

de vivre



soliloques 

d’

un ermite


les sens 

plus que l'esprit ont 

une intelligence qu'il sera utile 

de 

découvrir



*



instants 

d'adorable silence

les hommes se sont tus


le chant 

du monde s'élève et moi

enchaîné au fond 

de la caverne

je suis comblé avant 

d'avoir 

désiré


l'éternité est là et moi je l'espérais


maintenant

je puis parler


je ne sais pas 

ce que 

je pourrais souhaiter 

de mieux que cette continuelle présence

de moi-même à moi-même















la plupart 
des gens ne vivent pas 
dans la vie mais 
dans une apparence 
dans une sorte 
d’algèbre où rien n’existe et où tout est 
signification

 

j’aimerais sentir puissamment l’être 

de toute chose et plongé 

dans l’être 

la vraie signification profonde























 

car l’univers entier est plein 
de signification il est le sens 
devenu forme 

la hauteur des montagnes l’immensité de la mer le noir de la nuit la façon qu’ont les chevaux de regarder comment nos mains sont faites le parfum des œillets comment le sol se déploie en vagues en creux ou en dunes ou bien encore en falaises abruptes

partout dans toutes les innombrables choses de la vie dans chacune d’elles est exprimé de façon incomparable quelque chose qu’on ne peut rendre avec des mots mais qui parle à notre âme

et ainsi le monde entier est une parole de l’insaisissable  adressée à notre âme ou une parole de notre âme adressée à elle-même

les mots ne sont pas de ce monde 

ils sont un monde pour soi justement un monde complet et total comme le monde des sons 

on peut dire tout ce qui existe

on peut mettre en musique tout ce qui existe 

mais jamais 

on ne peut dire totalement 

une chose 

comme elle est


mûrir n’est peut-être rien d’autre que ça  

apprendre à écouter au-dedans 

de soi jusqu’à oublier ce brouhaha 

et même jusqu’à être capable 

de ne plus l’entendre

à la fin 


 


HVH

les mots ne sont pas de ce monde




















la pluie cessait 

inexplicablement réchauffant un rayon de soleil décoloré coulait à travers les branches   autour de moi la rumeur fourmillante des bois sous l’averse se figeait goutte après goutte dans le suspens doucement évanoui d’une foule de théâtre et tout à coup faisant vibrer la lumière décapée par l’averse un oiseau chanta sur deux notes transparentes et calmes 

la voix même de l’éclaircie...

quelques pas plus loin

la maison 

soudain fut là



















j’avais soudain 

la sensation absurde et en même temps extrêmement précise 

que 

le bois 

était 

d’une manière ou d’une autre 

occupé






















ce qui fait le prix du voyage 

c’est la peur 


c’est qu’à un certain moment si loin 

de notre pays 

de notre langue 


un journal français 

devient 

d’un prix inestimable 


























Et ces heures du soir dans les cafés où l’on cherche à toucher du coude d’autres hommes), une vague peur nous saisit, et un désir instinctif de regagner l’abri des vieilles habitudes. C’est le plus clair apport du voyage. À ce moment-là, nous sommes fébriles mais poreux. Le moindre choc nous ébranle jusqu’au fond de l’âme. Qu’une cascade de lumière se rencontre, l’éternité est là. C’est pourquoi il ne faut pas dire qu’on voyage pour son plaisir. Il n’y a pas de plaisir à voyager. J’y verrais plutôt une ascèse. C’est pour sa culture qu’on voyage si l’on entend par culture l’exercice de notre sens le plus intime qui est celui de l’éternité. Le plaisir nous écarte de nous-même comme le divertissement de Pascal éloigne de Dieu. Le voyage, qui est comme une plus grande et plus grave science, nous y ramène

Cahier I  1936 Aux Baléares  L’été passé. 23 ans


*




déguster les trois tomes des Carnets de Camus c’est affronter les deux faces de son soleil invincible: l’or et le noir tout au long d’un défilé d’aphorismes et de pensées brillantes anecdotiques ou hermétiques 

c’est également l’émotion de voir vieillir un homme de cœur ambivalent et évoluant dans toute l’Europe avant pendant et après la guerre de retrouver les bribes dialogues corrections et commentaires des œuvres qu’il crée parallèlement

on parcourt alors avec lui les années le cœur serré de voir se rapprocher la date fatidique de son accident regrettant de devoir laisser partir plus qu’un grand homme du siècle un confident un compagnon capable de parler à l’enfant l’adolescent et l’adulte réunis en nous




l’eau glacée 

des bains 

de printemps 


les méduses mortes sur la plage  

une gelée qui rentre peu à peu 

dans le sable. 



les immenses

dunes 

de sable pâle


la mer et le sable ces 

deux 

déserts




*



je sais 

ce qu’est le dimanche pour un homme pauvre 

qui travaille


je sais 

surtout ce qu’est le dimanche soir 

et si

je pouvais 

donner un sens et une figure à ce que 

je sais

je pourrais faire 

d’un dimanche pauvre

une œuvre d’humanité


















on parle 

de différents genres 

de valeur 


les valeurs économiques morales esthétiques religieuses…


mais ce que je cherche c’est la valeur 

de la morale 

de la religion

de l’art  etc























la valeur 

de la morale n’est pas elle-même 

une valeur morale

ni la valeur 

de l’art une valeur esthétique…


la pluralité 

des choses qui ont une valeur n’entraîne pas la pluralité 

des valeurs


linsi 

la valeur n’a 

de sens qu’au singulier


ce qu’il faut cherche

c’est ce qu’est cette valeur au singulier unique

que sont susceptibles 

d’avoir toutes ces choses






















 

Baléares

la baie
San Francisco cloître
Bellever
quartier riche l'ombre et les vieilles femmes
quartier pauvre la fenêtre
cathédrale mauvais goût et chef d'oeuvre
café chantant
côte de Miramar
Valldemosa et les terrasses 
Soller et le midi
San Antonio couvent  Felanitx
Pollensa ville couvent pension
Ibiza baie
La Pena fortifications
San Eulalia la plage la fête
les cafés sur le port
les murs de pierre et les moulins dans la campagne





























6 histoires

histoire du jeu brillant
histoire du quartier pauvre  mort de la mère
histoire de la maison devant le monde
histoire de la jalousie sexuelle
histoire du condamné à mort
histoire de la descente vers le ciel 


































un baiser et la chaîne 

des causes et 

des effets

soudain s'emberlificote

en événements






















du crépuscule

la nuit tiendra-t-elle les promesses

tel est le souci 

d’Eros

scrutant l'ombre


d'un sourire elle le mena

du Portique au Jardin




*


journée traversée 

de nuages et 

de soleil


un froid pailleté 

de jaune


je 

devrais faire un cahier 

du temps 

de chaque jour