mardi, février 21, 2023

elle est 


impensable 

infinie

innommable


sa trace étant enfouie 
effacée 
oubliée
on ne peut la nommer 
qu'à partir 
du tracé laissé 
par son effacement 
ou par les chaînes 
d'autres mots 
qu'elle produit






























elle n'a jamais été inscrite 
dans aucune 
langue

aucun mot 
ne peut la résumer 

elle n'est qu'

une trace 
un pas

mais aussi
 
un mouvement actif

productif et conflictuel 
qui ouvre l'histoire 
avec ses différenciations
ses codes
ses séries 
son écriture

différance






























retourner

 purement et simplement 

une proposition


c’est toujours

un mauvais procédé 


la solution

qu’on voudrait apporter ainsi 

reste tributaire

de la question qu’elle a retournée


*



















omnia mutantur nihil interit  

tout change rien ne meurt


















elle sort 

de son palais 
la robe flottante 
un pied nu 
les cheveux épars sur ses épaules 
nues 

seule
au milieu du profond silence 
de la nuit

elle promène 

à l’aventure 
ses pas errants 

le silence règne 
dans les humides plaines 
de l’air 

les astres 
rayonnent dans cette solitude





























elle 

les bras levés 
de leur côté 
tourne trois fois en cercle 
répand trois fois sur ses cheveux l’onde puisée 
dans un fleuve 
et trois cris lamentables s’échappent 
de sa bouche. 

elle fléchit 

le genou sur le sable aride
et s’écrie 



ô nuit 
fidèle témoin des mystères 

et vous

astres étincelants 
dont la clarté unie à celle 
de la lune succède aux feux 
du jour  

et vous 

triple H
confident et protecteur 
de mes desseins  

et vous

charmes 

et vous
 
artifices magiques  

et toi 
terre  

et vous 

zéphyrs vents 
montagnes fleuves et lacs 

vous tous 

dieux des forêts 

vous tous

dieux de la nuit 
accourez à ma voix 

par vous 

quand je l’ai voulu 
les rivages étonnés ont vu 
les fleuves remonter vers leur source  

ma voix
rend immobiles les mers agitées 
et agite les mers 
immobiles  



je dissipe ou 
je rassemble les nuages 
je chasse ou j’appelle les vents 


par des paroles et des chants mystérieux 
je fais périr les vipères béantes  


je transporte 

les rochers arrachés 
de leur base 
les chênes déracinés 
du sol qui les vit naître
et les forêts entières 


j’ordonne
 
aux montagnes 
de trembler 
à la terre 
de mugir 
aux mânes 
de sortir 
du fond 
de leurs tombeaux 


et toi 

aussi 
lune

je
t’attire 
vers moi




























la méditation 


ne nous apporte 

rien

 

là est 

le point essentiel


éventuellement, 

elle nous débarrasse du mendiant 

qui en nous 

rouspète toujours

éternellement insatisfait


















elle 

nous libère 

ainsi du manque

et nous dépose là où en fait 

nous n'avons jamais 

cessé d'être


ne vous embarrassez pas 

de méditation 

ni de quoi que ce soit d'autre


soyez simplement 

qui vous êtes 

là où vous êtes

et souvenez-vous 


tout pas 

pour aller 

là où 

vous êtes 

déjà

vous en éloigne
















bête fait le beau 

bête bute 

bête étonne

bête ennuie


il y a 

bête bête et bête intelligent


il y a aussi 

intelligent intelligent





















bête bête 

est tout simplement bête


intelligent intelligent 

tout simplement 

intelligent


bête intelligent 

rejette à la fois intelligent intelligent 

et 

bête bête


choisit plutôt à l’inverse 

de circuler sur la ligne de crête entre les deux


bête intelligent 

est incisif et

précis


pour être 

bête intelligent 

il faut être vraiment 

intelligent 


mais pas 

dans le style

intelligent intelligent






















de la mer 

de la terre 

du ciel 


voûte 

de l’univers 


la 
nature entière ne présentait 
qu’

un aspect uniforme 































on a donné le nom 

de chaos à cette masse informe et grossière

bloc inerte et sans vie 

assemblage confus d’éléments discordants 

mal unis entre eux 



le soleil ne prêtait point encore 

sa lumière au monde


la lune renaissante ne faisait pas 

briller son croissant 

 

la terre 

que l’air environne 

n’était point suspendue et balancée sur 

son propre poids 


la mer 

n’avait point encore étendu autour d’elle 

ses bras immenses 

 

l’air 

la mer et la terre 

étaient confondus ensemble 

 

ainsi 

la terre n’avait pas 

de solidité


l’eau 

n’était point 

navigable

 

l’air manquait de lumière 


rien 

n’avait encore reçu 

sa forme distincte 

et propre






ennemis 
les uns des autres 
tous ces éléments rassemblés en désordre 
le froid et le chaud 
le sec et l’humide 
les corps mous et les corps durs 
les corps pesants et les corps légers
se livraient 

une éternelle guerre




instable 

sans cohérence 

qui n'est pas fixé 
qui bouge 
qui varie 
qui erre 

ma poésie est erratique 






mes  amis  

voyez 

vous pâlissez

d'

un frisson d’amour 

non sans rancune  

allez 

pour vous point de séjour 

ici 

dans 

ce royaume 

des glaces 

et 

des roches

il faut être 

chasseur 

et 

pareil au chamois














en gravitation quantique à boucles

le Big Bang 

est 

remplacé par

un grand rebond


il y aurait donc

un autre univers avant le nôtre

















lors du rebond

il est possible que les lois restent les mêmes

mais

il est également possible

que les effets quantiques gigantesques 

changent

un peu 

les constantes fondamentales


multivers temporels avec possible changement des lois



plus

qu'

un multivers


une immense diversité d'univers


une véritable structure gigogne de mondes imbriqués



++++


quelle est la fonction 

de plus 

un degré supérieur

sert de comparatif
suivi éventuellement d'

une subordonnée 
de comparaison introduite par que 

vous êtes plus patient que moi 

venez nous voir plus souvent

une quantité 
une valeur supérieure  

davantage  

je l'aime plus que tout

















plus 
que 

la nuit


plus 
que 

cailloux et galets

plus 
qu'

un éclat de verre

plus 
que 

la grêle





























plus 
que 

la rétine

plus 
qu'

un signe d'éternité

plus 
que 

pensable

plus 
que

le rouge de deux bouches

plus 
qu'

audible

plus 
que 

pierre

laves basaltes roches


plus
que

tuf de source






quelle est la nature 

de plus 


adverbe 

plus 

plus

sert à former le superlatif













poésie plus erratique


plus blanche 
que le pétale neigeux du troène

plus fleurie 
que les prés 

plus élancée 
que l’aune au tronc allongé

plus éblouissante 
que le verre 

plus folâtre 
que le jeune chevreau 

plus lisse 
que les coquillages polis
par la perpétuelle caresse du flot 





























plus délicieuse 
que le soleil en hiver 
que l’ombre en été

plus majestueuse 
que le frêne

plus digne 
des regards que le fier platane

plus transparente 
que la glace

plus belle
que la neige 

plus douce 
que ne l’est au goût la grappe mûre 
au toucher le duvet du cygne 
et le lait caillé 
et, si 
tu ne te dérobais pas 
plus belle 
qu’un jardin aux eaux vives  


mais aussi 

plus farouche 
que les jeunes taureaux indomptés 

plus dure 
que le chêne chargé d’ans 

plus trompeuse 
que l’onde

plus insaisissable 
que les souples rejets du saule 
ou de la clématite 

plus inébranlable 
que ces rochers

plus impétueuse 
que le torrent

plus fière 
que le paon 
quand on le loue 

plus cuisante 
que le feu 

plus épineuse 
que la macle 

plus cruelle 
que l’ourse qui a mis bas 

plus sourde 
que les flots 

plus implacable 
que le serpent foulé aux pieds



plus rapide
non seulement 
que le cerf poussé par les abois sonores
mais aussi 
que les vents et 
que la brise ailée



plus flottante
que les quarante arbres de vie écorcés

plus tremblante
qu'une écriture suspendue dans l'éther 

plus sombre
que les chemins de lande

























la solitude 


offre 
à 
l'homme 
spirituel  


un double avantage  


le premier 

d'être avec soi-même 


le second 

de n'être pas avec les autres


















limiter 

le cercle de ses relations


on offre 
ainsi moins 
de prise au malheur


la limitation rend heureux





















bête bête

c’est les ploucs et les racistes 
les casseurs des stades de foot
les filles du marketing mâcheuses de chewing-gum 
les petits gars bureaucrates à cou de taureau 

bête bête 

c’est Microsoft 
Disney et Spielberg

intelligent intelligent 

c’est les conférences TED 
les think tanks 
les nouvelles de la radio publique 
les universités Ivy League
le New Yorker  
les restaurants cinq étoiles 


à faire tant d’efforts
intelligent intelligent est à côté de la plaque 































bête intelligent 

ce sont 
les Fugs 
le Punk rock 
les écoles d’art 
Gertrude Stein 
Vito Acconci
Marcel Duchamp 
Samuel Beckett
Seth Price 
Tao Lin 
Martin Margiela 
Mike Kelley et Sofia Coppola



 

bête intelligent 

fait semblant d’être 
bête bête 
mais 
cache bien 
son jeu





























humble

ser
vi
teur


de


qui
conque


passe


par













l'homme n'existe pas seul
isolé

il fait lui-même partie de l'univers dans lequel
il est né

il ne peut donc obtenir

une réponse
adéquate à la question

que suis-je

que s'il reçoit 
une réponse à la question

quel est mon rapport à l'univers



par conséquent
le mystique qui se satisfait de la réponse
à la première question
au moyen de la méditation
se contente d'
une demi-vérité





























l'homme intelligent 


aspirera avant tout à fuir 

toute douleur

toute tracasserie 

et à trouver

le repos et les loisirs
 

il recherchera donc 


une vie tranquille 

modeste 

abritée autant que possible 

contre les importuns 






























après avoir entretenu pendant quelque temps 

des relations avec ce que l'on appelle 

les hommes

il préférera 

une existence retirée 

et si c'est 

un esprit tout à fait supérieur 

il choisira l'isolement




car plus 

un homme 

possède en lui-même 

moins 

il a besoin du monde extérieur et 

moins 

les autres peuvent lui être utiles



aussi 

la supériorité 

de l'intelligence conduit-elle à 

l'insociabilité


 

Ah  

si 

la qualité 

de la société pouvait être remplacée par 

la quantité, 

cela vaudrait alors la peine 

de vivre même 

dans le grand monde 

mais

hélas  


cent 
fous mis 
en 

un tas 

ne font pas encore 

un homme raisonnable





























une partie du visage  

en pulvérisation de pigments noirs


un seul œil 

profond à la pupille intacte et grave 

qui me regardait 


tout grand ouvert 

dans les ténèbres 

dans l’ombre fixement 

















notre conscience 

se nourrit des artistes et des parents qui nous regardent 

vivre 
aimer 
choisir 
nous engager 

alors même 

que leurs corps ont disparu 

dans 

la lumière d’

une évidence tardive 





sur la terre jusque là commune à tous aussi bien que l'air ou la lumière du soleil l’arpenteur défiant traça de longs sillons pour limiter les champs L'homme ne se contenta plus de demander à la terre féconde les moissons et les aliments qu'elle lui devait mais il pénétra jusque dans ses entrailles  il en arracha ce qu'elle y avait caché ce qu'elle avait relégué près des ombres du Styx les trésors qui provoquent nos malheurs...les Métamorphoses