dimanche, janvier 15, 2023


Je n’aime pas 

que mon prochain soit trop proche de moi 


qu’il s’en aille 

au loin dans les hauteurs 

!

sinon 

comment ferait-il pour devenir 

mon étoile 


?

















nous autres 
oiseaux nés libres 

où que nous allions 

tout 
devient libre et ensoleillé autour 
de nous




je suis un fleuve

je descends 

par 

les pierres larges


je descends

par 

les roches dures


par 

le sentier dessiné 

par 

le vent


il y a 

des arbres 

autour de moi assombris 

par 

la pluie



*



il m'est odieux 

de suivre autant que de guider

obéir 

non 

jamais 

et jamais  gouverner 

!


qui n'est à soi-même 

terrible


à nul autre ne saurait inspirer

la terreur 


et 

seul 

qui l'inspire 

sait guider les autres


déjà 

il m'est odieux 

de me guider moi-même 

!


pareil 

aux animaux sylvestres et marins

j'aime 

à perdre mon temps


à m'accroupir 

en quelque labyrinthe charmant





enfin 

de loin 

me rappeler peu à peu 

au logis 


pour 

revenir à moi et moi-même 

me séduire


















Chants cartographiques des grues des dunes


en terre mexicaine

elles ont redéployé les cartes

écrites pour elles dans le 2è monde

sous lumière bleue parlées en voix bleues

les grues apprirent 























les chants 

qui guident dans les mondes à venir


chants nommés 

cartes en leur gorge spiralée

dans le monde bleu ont dansé avec Vent

qui chérissait ces êtres à plumes

lors il moula et façonna leurs corps

leur enseigna 

à chevaucher son souffle

quand conflits divisaient le monde bleu

les grues 

rassemblaient leurs chants leurs cartes

et s’échappaient vers les étoiles

atteignant le Monde Scintillant

une grand-mère sème 

un pollen pour leur retour annuel


dans le mois 

des Petits de l’Aigle elles trouvent leur voie

vers 

un cours d’eau qui s’enrubanne

par les champs de maïs et les peupliers noirs

au long des autoroutes et des câbles électriques


voici 

qu’elles me rappellent maintenant

au pays de la rivière à coquilles de lune

ainsi je poursuis leurs traces jusqu’aux flots

suis debout dans le vent froid

les admirant avec

humilité

car elles voyagent pour moi aussi




Dééł Biyiin


Nakai bikéyadi

kéyah be’elyaaígíí ‘ąą’anáádayiilaa

Ni’Hodootł’izhdi ba’alyaa

Dootłizh bee ndeezdiín dóó bizhí dootłizh

Dééł Biyiin yída holą́ą́’dóó kéyah be’elyaaígíí dayiizhi’

Ni’Hodootł’izhdi Déél Niyol yił daa’oolzhiizh

Niyol Déél bil nizhóní

Áko Niyol Dééł bits‘iis nizhónígo yá ‘ayiilaa

Náhodiina’go Ni’Hodootł’izhdi ałhinaadiijéé’

Déél dabiyiin dóó dabi kéyah be’elyaaígíí ndeidiinil

sǫ́ jígo adaazt’a’

Ni’ Hodisǫ́sgó

Amásání léi’tahdidíín nayiinííł

‘Atsá Biyáázh bich’į́’ anáánaalzhiizhgo

Déél tooh nlínígo ‘anáá’iisdee’’

Dá’ák’eh dóó t’iis biládi

Atį́į́n dóó béésh na‘azt’í biládi

K’ad dashijoozhí

Moonshell tooh nlínídidéé’

Áko Deeł bikéé’yishaał tohgi

Niyol k’az bii’sézį́

‘Ílį́k’ehgo

Díí shaa’alyaa

Biniinaa ‘akǫ́ sézį́


Laura Tohe (née en 1952) est une écrivaine et universitaire amérindienne. Sa langue maternelle navajo, avec ses complexes modes de verbes et classes de mots, ses longs vocables agglutinants et légers coups de glotte marqués d’apostrophes, est parlée dans le sud-ouest des USA par 167.000 personnes et enseignée dans certaines écoles. Ce poème, très musical en navajo, est typographié centré pour évoquer la fluidité de l’eau ou du vol. Il décrit (et accomplit) comment des chants et mythes (réactualisés en poème) peuvent participer d’une préservation culturelle pour une ethnie au langage rare et précieux. Et peut-être aussi d’essayer de nous dire quelque chose sur le respect de la biodiversité avec la perspective « guérisseuse » des Navajos.























André du Bouchet et J.-M. Reynard 
Regard de l’indifférencié
 
correspondance 1977-2001 
le Bruit du temps


































C’est au cours de l’hiver 1976 que Jean-Michel Reynard, recommandé par Jacques Dupin, rend visite pour la première fois au poète André du Bouchet, de vingt-six ans son aîné. 

S’ensuit, dès le printemps 1977, une conversation épistolaire intense, de maître à disciple, qui ne prend fin qu’avec la mort de du Bouchet, une vingtaine d’années plus tard. 

C’est Reynard qui en fixe les règles : il veut confier au poète « un écho, comme un acte, aussi, de [leurs] rencontres, une réflexion qui persiste » (27 octobre 1977). 

Cette réflexion, il la mène presque seul jusqu’à son terme, du Bouchet intervenant seulement lorsqu’il pense pouvoir apporter une précision ou développer les impressions qu’on lui prête. 

L’enquête exigeante de Reynard, à mi-chemin de la littérature et de la philosophie, est à la fois d’un lecteur, qui connaît sa puissance de critique, et d’un écrivain à ses débuts, qui cherche douloureusement sa voix à travers une autre ; tout « supplétif » de du Bouchet qu’il se sent, il se fraye néanmoins, peu à peu, un chemin vers une « langue juste ». 

De son côté, le plaisir que le poète manifeste aux échanges aura dépassé le simple fait d’être bien lu. 

Comme l’explique Clément Layet, Reynard vient pallier l’impossibilité d’André du Bouchet de faire retour sur ce qu’il a écrit : « Pour ce qui est d’une difficulté à revenir sur ses traces, je la ressens moi-même comme absolue. » 

D’où le « sérieux coup d’oxygène » quand il découvre les commentaires rétrospectifs de Reynard : « Rien de ce qui n’aura pas été tout à fait dit ne vous échappe, et avec quelle précision vous savez localiser à un degré de conscience qu’il ne m’est jamais donné d’atteindre, ce que je ne cesse d’entrevoir de façon désordonnée ou confuse » (18 décembre 1984) ; 

« Le propre de vos pages splendides, cher Jean-Michel, c’est de me permettre de relire au fil des jours cinq ou dix fois, comme je le fais, la même phrase – en me trouvant, par ce qu’elle apporte et dérobe, toujours placé devant elle pour la première fois. » (2 janvier 1995) 

Ce qui frappe aussi dans ce choix de près de deux cents lettres, c’est qu’à aucun moment l’un des épistoliers ne raconte sa vie quotidienne ni même ne se livre à des confidences susceptibles de remettre en cause le parti-pris esthétique d’André du Bouchet, qui s’est toujours efforcé d’effacer dans ses livres tout repère biographique, au point de vouloir « écrire aussi loin que possible de [lui] ». 

Les rares allusions intimes auxquelles les deux amis s’abandonnent sont vite ravalées ou transposées sur un plan impersonnel, celui des grandes questions sur le langage et les rapports mystérieux qu’un poète entretient avec la peinture. 

En s’écrivant, du Bouchet et Reynard ne quittent jamais le domaine profond, celui d’où naissent les poèmes.
































le fait que tout devienne finalement 

expérience vécue

toujours plus intense 

toujours plus extraordinaire  


un vécu

sans cesse en train de s'exclamer plus fortement 

que tous les autres
























le vécu

genre fondamental de la représentation préalable de tout ce qui est de l'ordre de la fabrication et de la manière de s'y tenir  pour tout un chacun l'espace public où il rencontre le mystérieux c'est-à-dire ce qui excite provoque étourdit et ensorcelle 


bref 

tout ce qui rend nécessaire 

l'ordre 

de la fabrication


*


il y a bien ça et là 

sur terre une espèce de prolongement de l'amour dans lequel cette aspiration avide qu'éprouvent deux personnes l'une pour l'autre fait place à un désir et à une convoitise nouvelle à une soif supérieure et commune d'idéal qui les dépasse  

mais 
qui connait cet
amour

qui 
l'a vécu



son 
véritable nom 
est 

amitié

















des lichens lovés résistent aux brutalités 

des passages


un Thorax de diamants 

allume 

le flan nord


sois de nouveau semblable à l'arbre 

que tu aimes




















les extraits  

sont composés de vers plus ou moins longs 

sans rapport visible 

entre eux 


il y a eu 

des choses presque rien ...


je vous ordonne 

de vous sentir 

libre 


de vous servir 

de la glace 

qui fond 


il y a 

quelque part 

encore des peuples et des troupeaux


se dégage 

une vision éclatée du monde 

où tout ce qui 

s’

y passe 

y est pensé

y est perçu sur le même plan



sous 

l’  or pour les vainqueurs 

sous 

la  capacité  

des  poètes contemporains 

de  s’émouvoir sans jamais rien ressentir  


je  perçois 

le  néant  où il va et d’où il vient 

comme chacun de nous 

qui engourdit le corps 

les yeux


j'écris

comme on joue aux dés  

distrait 
par la conversation 
d’

une table voisine 

en mêlant à l’émotion 

le mystère des lettres 




demain 
elle croira en
une chose nouvelle 
et après-demain en une autre 
plus nouvelle 
encore


remettre en question


renversez tout... 

toujours 

en vous-même 

l'habituel c'est la mort



le monde ne te fera pas de cadeau 

crois-moi 

si tu veux avoir 

une vie, 

vole-la

















le système 

de Nietzsche c'est Nietzsche lui-même


sa philosophie c'est lui

mais aussi

chacun de ses lecteurs


*




















dans Ecce Homo 

où Nietzsche raconte avec précision la naissance de 

Zarathoustra 

il écrit


on est peut-être en droit 

de ranger 

le Zarathoustra 

tout entier dans la musique


tout mon Zarathoustra est 

un dithyrambe 

à la solitude ou si l'on m'a compris 

à la pureté


le dithyrambe 
était 
un chant liturgique 
en l'honneur de 
Dionysos 
dieu du vin et de la vie 






















44


il est important 
de ne pas transformer les moyens mis en œuvre 
pour atteindre 
un objectif 
comme par exemple

gagner de l'argent avec sa cible de départ 
qui est celle de se créer 
du bien-être


car cette tendance fait faire fausse route 
et crée sur le long terme de graves erreurs de jugements 
et de la souffrance





























45


le sage 

accepte qu’à chaque instant nous soyons 

en devenir.




46


quand c'est l'ego qui nous dirige nous devenons esclaves de nos désirs de nos émotions et c'est le cercle infernal de la souffrance qui s'active sans cesse


pour le sage choisir de se contenter de ce qu'il a
en être heureux c'est la paix intérieure 
assurée


47


il ne faut pas confondre un besoin d'ordre spirituel avec par exemple un besoin dans le plan émotionnel ou mental. 

si par exemple nous ressentons un besoin d'espace il peut s'agir du besoin de se connecter à notre espace intérieur et non de partir en voyage

ainsi tout comme le temple doit être intérieur la liberté est aussi un état d'être à installer d'abord en nous