mardi, décembre 06, 2022


légende


la nuit du 23 juin 

les musiciens descendaient 

le long des ruisseaux torrentiels 

qui se jettent dans le fleuve principal 

ce grand fleuve profond dont les eaux rejoignent la côte


là 

sous les grandes cataractes 

que les torrents façonnent dans la roche 

noire

les harpistes écoutaient


c'est la seule nuit de l'année 

où l'eau en tombant sur la pierre et en roulant 

ses éclats brillants crée des mélodies nouvelles !...























le lendemain 

et pendant toutes les fêtes de l'année qui suit 

chaque harpiste joue des mélodies inédites

le fleuve leur a dicté 

une harmonie nouvelle

droit au cœur























nature


l'Apurimac 

est 

sillonné par les fleuves 

les plus profonds et les plus mélodieux du 

Pérou 

des fleuves anciens 

puissants aux flots d'acier 

qui ont découpé les Andes dans leur partie 

la plus haute  

silex et diamants  

et ont forgé des abîmes 

aux rives desquels l'homme tremble 

ivre de vertige en contemplant les eaux argentées 

qui s'écoulent sous les arbres 

suspendus




Le Río Apurímac est une rivière importante du Pérou constituant la partie supérieure du cours de l'Ucayali et la branche de l'Amazone la plus éloignée de l'embouchure  Il rejoint le Mantaro pour former le Río Ene















dans l'ouvrage 

La seconde main ou le travail de la citation 

Antoine Compagnon 

explique que la lecture s'effectue selon 

une gradation en quatre étapes 

soit 

la sollicitation 
le soulignement
l'accommodation et 
l'ablation

elles peuvent être liées entre elles ou intervenir individuellement mais le vrai lecteur serait selon le théoricien celui qui arriverait à l'ablation
























le lecteur en action quel qu'il soit au cours de l'exploration d'un texte se trouve parfois sollicité par une phrase ou une idée qui retient particulièrement son attention

la quantité de passages ayant sollicité le lecteur au cours d'une lecture témoigne de l'accommodation possible entre celui-ci et le texte qu'il lit puis démontre par le fait même s'il y a un partage d'idées ou de style d'écriture entre ce lecteur et l'auteur

le fait de reconnaître un extrait de texte le sollicitant de la sorte l'isole dans la mémoire du lecteur et mène parfois celui-ci à le souligner physiquement dans le corps du texte le faisant se superposer à l'auteur d'origine du passage concerné

ce fragment qui sollicite le lecteur est dès lors appelé à devenir une formule retenue pour une multitude de raisons possibles contextuelles

un texte où les passages ayant sollicité un lecteur sont soulignés traduit un état d'âme ou une pensée laissant apparaître une intimité certaine un rapport de complicité partagé avec ce texte lu

lire un texte annoté par un lecteur peut ainsi s'avérer être un acte de voyeurisme tel que le soulève Compagnon: 


je résiste souvent à prêter mes livres dès lors qu'ils portent les traces incongrues de mes excursions ... à travers eux, de mes aventures désirantes et amoureuses datées et localisées comme si se donner à lire dans ses apostilles excitées relevait de l'exhibitionnisme en sus de l'aveuglement

ces passages soulignés sont dès lors sujets à l'ablation à leur retrait de leur contexte d'origine puisqu'ils sont réappropriés par un nouveau lecteur

Compagnon résume en ces termes les étapes de ce processus de gradation latente qui s'effectue lors de la lecture


elles vont de l'objet total qu'est pour moi le texte qui me ravi dans la sollicitation passen par l'accommodation sur un lieu reconnu de la complaisance par le soulignement qui en clôt ce lieu et parviennent à l'objet partiel que je prélève sur le texte dans l'ablation 


















là-bas tout près 

des lianes de feu éblouissaient l'immensité 

de la terre 


des profils d'argent électrifiaient le ciel 

ça venait ça repartait 

c'était grand



















l'infini 

lançait des signatures au cœur du sol

le ciel 

criait des formes incandescentes 

l'air 

invitait la fin du monde à prendre place

juste 

une fois pour toujours

 

ça s'enroulait au bout des yeux

résonnait au fond de l'ouïe 

le corps entier vibrait


au loin 

des étendues de nuages gris 

survolaient en mouvements disjoints 

les herbes dorées et 

les sols roussis