lundi, novembre 28, 2022


Siddharameshwar Maharaj


A quoi bon cuisiner 

quand l’estomac est plein 


puisque la vérité est évidente en soi 

nul besoin 

de pratiquer 

quoi que ce soit 






















celui 

qui pense à 

une méthode 

pour la comprendre 

ne fait que confirmer 

la présence du doute en lui 


que faire 

où aller 


il n’y a 

rien à faire 

et nulle part où aller


celui 

qui suit 

une méthode 

pour atteindre la réalisation 

suppose a priori qu’il est le corps et que maintenant 

il doit devenir Dieu


mais 

lorsqu’on est déjà roi

pourquoi vivre en mendiant 

?


tous les doutes 

doivent se consumer par la compréhension

que l’on est 

le Soi


























Rien 

n’est mieux assoupli que la langue 

des hommes

 

on y trouve propos changeants 

et variés


vaste est le champ des mots

dans l’un et l’autre 

sens






















tu dis telle parole

et tu pourras l’entendre à ton tour en réponse


Velimir Khlebnikov


***



Avant de publier par Philippe Beck


Qu'est-ce que publier 

dans 

un monde où tout se publie 

Arendt indique que le totalitarisme repose sur l'abolition de la différence de la sphère publique avec la sphère privée

Le règne de la publication universelle implique qu'un ordre d'expression ne soit plus réservé au domaine particulier ou intime non public et pré-public 

Il y a un domaine pré-public, parce que toute forme d'expression auprès des inconnus s'élabore premièrement dans la sphère de sa préparation 

Là quand jouent pourtant toutes sortes de déterminations subjectives non susceptibles d'être partagées apparaît l'ordre du brouillon

La vie particulière domestique notamment correspond au domaine du brouillon

Le brouillon est le résultat de la patience quant à ce qui opprime et humilie la subjectivité

Chacun de nos mouvements pré-publics auprès de ceux que nous fréquentons consent bon gré mal gré à une lenteur afin que le moi accède au non-moi 

La perfectibilité est la loi de l'attente

Le règne de la patience a tout pour irriter le régime de l'impatience expressive et c'est pourquoi il y a déjà tant de drames avant l'existence sociale et citoyenne la vie politique au sens strict 

Que l'existence politique des êtres soit à son tour affligée de fébrilités dramatiques vient d'un défaut de consentement à la patience particulière

Et celle-ci subit déjà fortement la tendance à sortir de soi, à ne pas se confiner tant les consolidations subjectives sont malheureuses si elles ne se réalisent pas à la faveur d'un travail sur les compromissions qui blessent les pensées et les sentiments

Le mépris pour le temps du brouillon lequel exige une série d’illusions préparatoires compte parmi les explications de la tragi-comédie socio-politique 

Il s'agit donc de préciser le moment où le travail d'élaboration mérite de s'arrêter et autorise une intervention susceptible d'augmenter le commun

Avant qu'une telle autorisation se formule au-dedans et au-dehors bien des contrariétés ou des révélations d'imperfection sont dignes d’intérêt et peuvent contribuer à insuffler une vitalité nouvelle à l'exprimant responsable

Car chaque citoyen n'est qu'un exprimant capable de patience dans le monde impatient 

Il connaît ce paradoxe de la vie privée selon lequel la plus grande impatience risque d'affecter la nécessité d'être lent

L'ambition comprend par conséquent 


un art 

de se hâter lentement 

le monde nerveux 

en effet

ne cesse pas 

d'attendre chacun en l'éduquant

























le monde n’est pas 

une fabrique 


les animaux ne sont pas des produits 

à l’usage de nos besoins

















les animaux 

sont principalement et essentiellement 

la même chose que nous


la pitié envers les bêtes 

est si étroitement unie à la bonté du caractère

que l’on peut affirmer de confiance 

que celui qui est cruel envers les bêtes ne peut être 

un homme bon


chaque animal  

ne possède manifestement son intellect 

qu’en vue de trouver et d’obtenir sa nourriture

et c’est d’après cela que celle-ci lui est mesurée


les hommes

sont les démons terrestres

et les animaux 

les âmes torturées par ceux-ci




















Elisabeth de Fontenay 

retrace dans ce livre le cheminement de la pensée occidentale relative à l'animalité, à travers les travaux des philosophes antiques jusqu'à ceux des penseurs de notre temps. 

La question de l'animalité s'est posée de tous temps et elle sous tend aussi et surtout celle de la définition du " propre de l'homme ". 

Les tentatives de définir les frontières entre l'humanité et l'animalité ont été contradictoires tout au long de l'histoire de la pensée. 





























Les stoïciens et Cicéron pensent qu'un animal est une machine, cette position est renforcée par Descartes, puis par Kant qui voit en eux de simples pommes de terre. 

D'autres penseurs dans la lignée de Platon établissent des similitudes ontologiques entre l'homme et la bête. 

A leur suite, Rousseau, Locke, Shopenhauer refusent la stricte partition instinct raison. 

La métempsycose a influencé d'autres philosophes dans cette voie. 

Aristote a initié encore une autre conception de la question avec son échelle des êtres. 

Mais la problématique du sujet est plus précisément énoncée chez Lévi Strauss, en créant des frontières infranchissables entre l'humanité et l'animalité, les hommes mettent alors en place les structures pour écarter des hommes d'autres hommes. et l'auteur insiste sur ce point ce qui donne une dimension plus vaste à son travail.



Nous avons

un devoir d’humanité envers les bêtes


Parce que 

nous tenons à notre merci ces vies vulnérables et muettes 

nous avons 

une responsabilité


L’homme perd sa dignité 

en faisant souffrir ceux qu’il domine
























Picasso

La Mort du torero

1933

Huile sur bois

31x40cm. 

Coll. Musée Picasso


*


















La sangre derramada / Le sang répandu

Chant Funèbre 

pour Ignacio Sanchez Mejias


Federico Garcia Lorca


Je ne veux pas le voir !


Dis à la lune qu’elle vienne

car je ne veux pas voir le sang

D’Ignacio sur le sable


Je ne veux pas le voir !


La lune grande ouverte

Cheval de nuages calmes

et l’arène grise du songe

avec des saules aux barrières


Je ne veux pas le voir !

Mon souvenir se consume

Prévenez les jasmins
à la blancheur menue !

Je ne veux pas le voir !

La vache de l’ancien monde
passait sa triste langue
sur un mufle plein de sangs
répandus dans l’arène
et les taureaux de Guisando
moitié mort et moitié pierre
mugirent comme deux siècles
las de fouler le sol

Non

Je ne veux pas le voir !



Par les gradins monte Ignacio
toute sa mort sur les épaules

Il cherchait l’aube
et ce n’était pas l’aube

Il cherche la meilleure posture
et le songe l’égare

Il cherchait son corps splendide
et trouva son sang répandu

Ne me demandez pas de regarder !

Je ne veux pas voir le flot
qui perd peu à peu sa force
ce flot de sang qui illumine
les gradins et se déverse
sur le velours et le cuir
de la foule assoiffée

Qui donc crie de me montrer 

?

Ne me demandez pas de le voir !


Il ne ferma pas les yeux
quand il vit les cornes toutes proches
mais les mères terribles
levèrent la tête

Et à travers les troupeaux
s’éleva un air de voix secrètes
cris lancés aux taureaux célestes
par des gardiens de brume pâle




Il n’y eut de prince à Séville
qu’on puisse lui comparer
ni d’épée comme son épée
ni de coeur aussi entier

Comme un fleuve de lions
sa force merveilleuse
et comme un torse de marbre
sa prudence mesurée

Un souffle de Rome andalouse
nimbait d’or son visage
où son rire était un nard
d’esprit et d’intelligence

Quel grand torero dans l’arène !

Quel grand montagnard dans la montagne !

Si doux avec les épis !

Si dur avec les éperons !

Si tendre avec la rosée !

Eblouissant à la féria !

Si terrible 
avec les dernières
banderilles des ténèbres !



Mais voilà qu’il dort sans fin

Et la mousse et l’herbe
ouvrent de leurs doigts sûrs
la fleur de son crâne

Et son sang s’écoule en chantant
chantant à travers prairie et marais
glissant sur des cornes glacées
sans âme chancelant dans la brume
trébuchant sur mille sabots
comme une longue obscure et triste langue
pour former une mare d’agonie
auprès du Guadalquivir des étoiles

Oh ! Mur blanc d’Espagne !

Oh ! Noir taureau de douleur !

Oh ! Sang dur d’Ignacio !

Oh ! Rossignol de ses veines !



Non

Je ne veux pas le voir !

Il n’est pas de calice qui le contienne
ni d’hirondelles qui le boivent
ni givre de lumière qui le glace
ni chant
ni déluge de lys
il n’est de cristal qui le couvre d’argent

Non

Je ne veux pas le voir !!

traduction originale du poème en français : 
Sylvie Corpas et Nicolas Pewny

traduction agréée 
par la Fondation et les héritiers de Garcia Lorca



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