jeudi, novembre 10, 2022


c’est par 

l’interposition du poétique 

que se révèle 

la brute séparation 

du langage et 

de l’être


le langage

même creusé ne fait voir que lui-même 

un mur


ça commence par les mains...





















un mot privé

qui n’est fait que pour l’oeil


il n’a pas à être lu 

on l’entend mentalement

c’est tout


J’aime cette résistance


comme


on plonge 

son doigt dans la terre 

pour reconnaître le pays où l’on est 

de même j’enfonce mon doigt dans la vie 


elle n’a odeur de rien



le temps tout entier forme 

un jour unique 

dans l’économie de Dieu


verticalité inouïe de la phrase ...


le sommeil

la division


la chose est 

un lieu

mais la perception n’est nulle part... 


chaque jour contient beaucoup plus 

de non-être que d’être


par exemple 

il se trouve que hier

mercredi 9 novembre  a été 

une bonne journée 

au-dessus de la moyenne en  être 


il faisait beau 

j’ai pris plaisir à écrire ... 


j’avais l’esprit 

débarrassé de la tension d’écrire 


je suis allée

me promener  au bord de la rivière 

le paysage

que j’observe toujours très attentivement 

était coloré et voilé comme 

je l’aime


une grande part 

de la journée n’est pas vécue consciemment 


on marche 

on mange

on voit des choses 

on s’occupe de ce qu’il y a à faire  


l’aspirateur est en panne 


lorsque c’est 

une mauvaise journée 

la proportion de cette ouate de ce non-être 

est beaucoup plus forte
























le caractère destructeur 

est

l’ennemi 

de l’homme en étui


ce dernier cherche le confort 

dont la coquille est la quintessence


l’intérieur de la coquille 

est la trace tapissée de velours qu’il a imprimée 

sur le monde




















le caractère destructeur 

efface 

même les traces de la destruction


le caractère destructeur 

rejoint 

le front des traditionalistes


certains 

transmettent les choses 

en les rendant intangibles et en les conservant 

d’autres 

transmettent les situations 

en les rendant maniables et en les liquidant


ce sont ces derniers 

que l’on appelle les destructeurs

























une fois 

que le lecteur a choisi son terrain 

il doit se mettre à lire

calmement 

























les chevaux 

de la lecture connaissent le trajet

de mémoire


il s’agit

d’abandonner les rênes

et de se laisser porter 


cela me cause 

un peu d’appréhension et même 

un peu de peur




M. Bénézet  Le Roman de la langue

M. Blanchot  L’Entretien infini  La Communauté inavouable

S. Beckett L’Innommable

J. Derrida Mémoires d’aveugle  L’Autoportrait et autres ruines

M. Duras La Vie matérielle

P. Lacoue Labarthe La poésie comme expérience

R. Laporte la douleur la douceur la Passion  Une vie  Le Carnet posthume

R. M. Rilke Les Elégies de Duino

A. Rouzier Non rien

Ph.Sollers Paradis
















et 

cette nuit-là 

il n'était pas question 

de lune ni d'autre lumière mais ce fut 

une nuit d'écoute 

une nuit donnée 

aux menus bruissements et soupirs 

qui agitent les petits jardins de plaisance la nuit faits du timide sabbat des feuilles et des pétales et de l'air qui y circule différemment qu'ailleurs où il y a moins de contrainte et différemment que pendant le jour qui permet de surveiller et de sévir et d'autre chose encore qui n'est pas clair n'étant ni l'air ni ce qu'il meut




















c'est peut-être 

le bruit lointain toujours le même que fait la terre et que les autres bruits cachent mais pas pour longtemps


car 

ils ne rendent pas compte de ce bruit qu'on entend lorsqu'on écoute vraiment quand tout semble se taire




















et 

il y avait un autre bruit celui de ma vie que faisait sienne ce jardin chevauchant la terre des abîmes et des déserts 


oui

il m'arrivait d'oublier non seulement qui j'étais mais que j'étais d'oublier d'être


alors 

je n'étais plus cette boîte fermée à laquelle je devais de m'être si bien conservé mais une cloison s'abattait et je me remplissais de racines et de tiges bien sages par exemple de tuteurs depuis longtemps morts et que bientôt on brûlerait du campos de la nuit et de l'attente du soleil et puis du grincement de la planète qui avait bon dos car elle roulait vers l'hiver l'hiver la débarrasserait de ces croûtes dérisoires


ou 

j'étais de cet hiver le calme précaire la fonte des neiges qui ne changent rien et les horreurs du recommencement 


mais 

cela n'arrivait pas souvent la plupart du temps je restais dans ma boite qui ne connaissait ni saisons ni jardins. 

et

ça valait mieux




















la propédeutique ou propédeutique 


un terme historique désignant 

un cours d'introduction à 

un art ou à 

une science


l'étymologie 
de la propédeutique comprend le préfixe latin pro 
signifiant plus tôt rudimentaire ou devant 
et le grec payéeutikós 
qui signifie 

se rapportant à l'enseignement






















aux yeux du caractère destructeur 

rien n’est durable


c’est pour cette raison précisément 

qu’il voit partout 

des chemins

 

là ou d’autres butent 

sur des murs ou des montagnes 

il voit encore 

un chemin




















mais comme 

il en voit partout 

il lui faut partout les déblayer


pas toujours par la force brutale

parfois par 

une force plus noble

 

voyant partout des chemins

il est lui-même toujours à la croisée des chemins

 

aucun instant ne peut connaître 

le suivant


il démolit ce qui existe 

non pour l’amour des décombres 

mais pour l’amour du chemin qui les traverse


le caractère destructeur 

n’a pas le sentiment que la vie vaut d’être vécue

mais que le suicide ne vaut pas

la peine d’être commis




















l'angoisse de lire


c'est 

que tout texte

si important

si plaisant et si intéressant qu'il soit 

et plus il donne l'impression de l'être

est vide 





















il n'existe pas dans le fond  

il faut franchir 

un abîme

et si l'on ne saute 

pas

on ne comprend 

pas