Lionel André / promenades / randonnées / arts / littératures / air du temps
samedi, avril 23, 2022
imparfait
je lisais
tu lisais
elle lisait
nous lisions
vous lisiez
elles lisaient
qu'est-ce qu'
un livre
qu'on ne lit pas
?
quelque chose
qui n'est pas encore écrit
lire
ce serait donc non pas écrire à nouveau le livre mais faire que le livre s'écrive ou soit écrit cette fois sans l'intermédiaire de l'écrivain sans personne qui l'écrive
un paysage de lectures incomplet
un réseau de hasard et de contraintes
un attrait
une clé dérisoire de cheminement
une bibliothèque
couvertures-miroirs
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serrées les unes contre les autres
dans l'absence de distance
et de lumière
un reflet
le seul fait d'écrire ré-articule de toute façon toute la réalité pour le plaisir d'additionner des miroirs de découper en morceaux un fond sans tain d'une mémoire épisodique tour à tour réfléchissante ou transparente fonctionnant comme masque ou calque épousant ou réfutant
*
toute l'infinie légèreté du lecteur affirme la légèreté nouvelle du livre devenu livre sans auteur sans le sérieux le travail les lourdes angoisses la pesanteur de toute une vie qui s'y est déversée expérience parfois terrible toujours redoutable que le lecteur efface et dans sa légèreté providentielle considère comme rien
Passé Simple
je partis
tu partis
elle partit
nous partîmes
vous partîtes
elles partirent
méditation
*
choisir
un endroit calme
le tapis doit-être épais
évitez que le vent et la fumée pénètre dans le lieu
là où l'on est assis
il doit faire bon
il ne faut pas qu'il y fasse sombre
ni jour
ni nuit
chaleur pour l'hiver
fraîcheur pour l'été
voilà la bonne règle
quittez toutes vos activités
faîtes le repos
ne pensez ni le bien ni le mal
il existe des formes renforcées
ce livre-ci
ce livre-là
cette chemise-ci
cette chemise-là
en ajoutant
-ci ou -là
on peut souligner la proximité ou l'éloignement
de ce dont on parle
elle dort dans cette
maison-ci
mais
elle prend ses repas dans cette
maison-là
une symétrie à la phrase
je prendrai
ce gâteau-ci et cette tarte-là
Kafka
remarque avec surprise avec
un plaisir enchanté
qu'il est entré
dans la littérature dès qu'il a pu substitué
le Il au Je
c'est vrai
mais
la transformation est bien plus profonde
l'écrivain appartient à
un langage
que personne ne parle
qui ne s'adresse à personne
qui n'a pas de centre
qui ne révèle rien
il peut croire qu'il s'affirme en ce langage
mais ce qu'il affirme est tout à fait
privé de soi
dans la mesure où écrivain il fait droit à ce qui s'écrit il ne peut plus jamais s'exprimer et il ne peut pas davantage en appeler à toi ni encore donner la parole à autrui
la où il est seul parle l'être
ce qui signifie que la parole ne parle plus
mais est
mais se voue
à la pure passivité de l'être
l'écrivain qui accepte de soutenir l'essence
de la littérature
perd le pouvoir de dire
Je
il perd
alors le pouvoir de faire dire
Je
à d'autres que lui
aussi ne peut-il nullement donner vie à des personnages dont sa force créatrice garantirait la liberté
l'idée de personnage comme la forme traditionnelle du roman n'est qu'un des compromis par lesquels l'écrivain entraîné hors de soi par la littérature en quête de son essence essaie de sauver ses rapports avec le monde et avec lui-même