vendredi, février 11, 2022

 





Beaucoup d'encre 
a coulé depuis le déclenchement mondial 
de la crise du 
Covid-19

Et pourtant, 
les réactions des philosophes 
sur la question laissent entièrement à désirer



































Le plupart ont pris pour argent comptant la narration officielle faite de ladite "crise", et n'ont pas songé à interroger les fondements mêmes de cette narration, pourtant d'évidence cousue de fil blanc en tous ses points stratégiques. 

C'est fort des concepts développés dans son livre-référent, Système du pléonectique, que Mehdi Belhaj Kacem montre que les questions les plus cruciales de la philosophie moderne sont reposées à tout nouveaux frais à la faveur de cette "crise", montée de toutes pièces par les plus hautes institutions supranationales et les plus puissantes multinationales du monde. 

Par exemple : 

Qu'en est-il du concept, 
crucial dans la modernité philosophique et politique, d'"anarchie"


Qu'en est-il du critère 
de rationalité dans le discours, à la lumière 
de cette "crise"


Qu'en est-il, 
après Heidegger, Lacan, Badiou ou Schürmann, 
du concept de vérité, à l'ère de la technoscience devenue folle


Que penser du concept de "nihilisme",
ou de ce que Lyotard a appelé "la fin des grands récits"


Que faire encore des notions politiques 
de "gauche" et de "droite", 
quand on les subsume à l'impératif totalitaire 
du biopolitique


Quel lien unit-il, 
depuis nos origines, le concept de science 
au concept de politique


Pourquoi l'insurrection des gilets jaunes, 
à partir de novembre 2018, 
a-t-elle signifié 
un événement aussi prophétique que salutaire, 
jetant rétroactivement
un éclairage saisissant sur la "crise du Covid-19"


Comment repenser l'éthique, 
quand l'impératif catégorique moderne 
se réduit à la peau de chagrin d'un "pense, 
vis et agis en toutes circonstances de façon à ne pas à attraper, 
ni transmettre, 
un virus"

?
































des traces 

même infinitésimales 

permettent 

de saisir 

une réalité 

plus profonde

impossible à atteindre autrement

















des traces  

plus précisément des symptômes 

dans le cas de Freud


des indices 

dans le cas de Sherlock Holmes


des signes picturaux 

dans le cas de Morelli


*



l’entaille de la pierre 
était belle de grand manière 
en cette voûte nous habitâmes 
tant qu’en la forêt nous séjournâmes

















vivre 

le subtil 

le rapide


l’instant  réel

le souffle


la force brève 

le sol  nécessaire






















lignes de géographie

l’odeur unique emplie de lumière

papier ou flammes


les murs


lettres 

livres lamentations


il y a 

un poème


*


on trouve 

dans la tradition plurimillénaire 

indienne 

deux courants qui se consacrent 

aux pouvoirs de la parole


le plus ancien 

est celui des mantras

fondé sur la conviction que la voix originelle 

est chargée de puissance  


plus récente 

la théorie poétique indienne du rasa 

la gustation

 allie 

une approche du mot 

comme signe phonétique 

et 

une métaphysique du langage























les  itinéraires chantés 

ou 

songlines 

des aborigènes d’Australie 

sont 
la marque 
d’

une pleine habitation poétique du monde 

par l’homme
























ce 

labyrinthe 

de sentiers invisibles 

sillonnant tout le territoire 

du continent est tout entier habité et connu 

par des histoires 


chemins

roches buissons etc. 

étant eux-mêmes les marques 

de tel ou tel passage de l’aventure de tel ou tel

ancêtre 


grâce à l’inscription de ces aventures dans le paysage 

les hommes peuvent s’y repérer

comme avec 

une carte


le paysage est lui-même la carte

celle des 

empreintes des ancêtres 



la mère 

pour l’enseigner à son enfant

tout en chantant le récit 

imprime 

sur le sol des marques 

de ces marques




êtres totémiques légendaires 

les ancêtres


c’est en chantant 

le nom de tout ce qu’ils avaient croisé 

en chemin 

oiseaux
animaux 
plantes
rochers 
trous d’eau 

qu’ils avaient fait 

venir le monde à l’existence




























Cole Swensen est reconnaissable à plus d’un titre, elle s’est en effet forgé un style que l’on retrouve dans ce nouveau livre, le quatrième publié chez Corti, affiné en ses divers aspects.


Elle compose des livres et non des recueils. Ils traitent un domaine, un thème ou une période de notre histoire ; ils le questionnent en poésie. Ce livre-ci envisage la pratique de la marche à pied, plus précisément le rapport qu’entretiennent la marche et l’écriture.





















Le livre convoque un ensemble d’écrivains promeneurs. 

Tous impénitents marcheurs, ils ne forment pas pour autant un groupe, plutôt une escouade d’éclaireurs, souvent solitaires ; car il s’agit d’abord de montrer qu’écrire procède d’une stricte ambulation personnelle qui peut se résumer à : dis-moi comment tu marches, je te dirai ce que tu écris. 

La richesse du livre apparaît ainsi, au gré des promeneurs accompagnés ; l’écriture de Swensen va en éprouver les façons et absorber chaque fois quelque chose de la spécificité de l’élu pérégrinant.


Si c’est un livre de marches, c’est donc aussi un livre de paysages ; mais fabriqués par l’écriture qui rappelle chaque promeneur dans ses motifs. 

Ainsi visite-t-on – et nous revoyons aussi – les campagnes de George Sand, les longues solitudes de Thoreau près de son étang, les inquiétudes citadines de Virginia Woolf, l’allégresse et le constant qui-vive de Robert Walser, les longues courses, aux écarts enchevêtrés de G.W. Sebald.


Ainsi, pas à pas, sommes-nous emmenés dans le sillage de quelques grands arpenteurs, sous la houlette de leurs manies pédestres, à la découverte d’une écriture nourrie d’exemples et abreuvée de paysages. 

Vers, phrases et monde ainsi multipliés par cet exercice basique et si changeant qui toujours enracine le globe-trotter « dans son lieu et sa formule ».