mercredi, février 02, 2022




Maël Guesdon

Mon Plan

Dans 
un chalet de vacances
une famille asperge des tas de vêtements 
regroupés en remparts 
autour d’eux. 

































Des insectes nocturnes frappent leur tête contre les murs. 

Un enfant disparaît très brièvement dans un lit trop grand. 

Deux amis mettent à l’épreuve de la réalité la théorie selon laquelle la pâtée pour chat a le même goût que les araignées. 

Mon plan se présente comme une série d’expériences vécues par un narrateur tout à fait consentant, qui tente, plein de bonne volonté, de ramener au présent tout ce qui ne l’est pas. 

Souvenirs, projections, conjectures, hypothèses. 

Il tourne autour de quelques questions qui portent sur les présences fugitives dans sa vie : Pourquoi tue-t-on les araignées ? 

Comment s’installe une image ? 

Que faire d’une scène qui se répète ? 

Mais l’expérience tourne mal, et voilà le narrateur pris dans le devenir-intrigue de quelques motifs récurrents qu’il n’a pas vraiment vus venir.

































c'est du plaqué verbal

la pomme dans le chausson est le chausson


une chose se donne 

de l'autre côté me tombe des mains


une chose

dans le monde en apparence tombe


j'ai pris

l'habitude des surfaces sans relief






















c'est

un vilain défaut 

qui résiste aux variations



quand 

je parle 

je 
joue d'
un langage

quel souvenir n'est pas 
une pensée



















depuis plusieurs jours

je me parle à voix haute


je fais les questions et les réponses



quand la lumière diminue

mon corps est détruit

toujours remplacé 

par

un corps plus flou



il faut être 

au bon endroit au bon moment 

et mettre l'endroit

où il s'agit d'être à la place qu'il faut


je me demande 

qui se trouve tout au bout de ce que 

je crois


je 
me 
déplace 

sur 

une fréquence lente



MGMP












le mot vaste

est 

un vocable de la respiration

 

il se place 

sur notre souffle





















il demande que le souffle 

soit 

lent et calme 


*




les
religions transmettent 
toutes 

un savoir… 

on constate le résultat ! 

toute guerre 
vient de la prétention 
de savoir ce qui est juste



dans 
un espace d’humilité

pas 
de conflit possible

cela est vrai 
sur le plan géopolitique 
comme sur le plan individuel

















Ce 
livre 
est le récit d'
un double voyage 


celui d'un homme qui traverse le Sahara et qui, parallèlement, remonte le temps à travers l'histoire du concept d'extermination. 







































Dans de petits hôtels du désert battus par les sables, son étude se concentre sur 

une phrase 
du roman de Joseph Conrad, 

Au coeur des ténèbres 


Exterminez toutes ces brutes ! 

Pourquoi Kurtz, le héros du livre, conclut-il par ces mots son rapport sur la mission civilisatrice de l'homme blanc en Afrique 


Que signifiaient-ils pour Conrad et ses contemporains 


Mêlant librement l'essai, l'autobiographie, la littérature et le carnet de voyage, cheminant à travers l'histoire des sciences et des idées, Sven Lindqvist retrace les fondements idéologiques qui justifièrent l'anéantissement de peuples entiers au nom du Progrès et de la Civilisation. 

Un témoignage saisissant sur les origines du génocide. 

Préface de Patrick de Saint-Exupéry.










Dans une fresque en quatre volets, Raoul Peck réexamine l'histoire de l'Occident à l'aune du suprémacisme blanc.


Exterminez toutes ces brutes est une mini-série documentaire coproduite à l'échelle internationale sur la colonisation et les génocides, réalisée et racontée par Raoul Peck. 

La série se compose de quatre épisodes, et est diffusée aux États-Unis la première fois le 7 avril 2021 sur HBO

Elle est diffusée au Royaume-Uni la première fois le 1er mai 2021 sur Sky Documentaries et en France le 1er février 2022 sur Arte

La série tire son nom du livre du même nom de Sven Lindqvist, sur lequel elle est partiellement basée, une phrase que Lindqvist a à son tour empruntée à la nouvelle de Joseph Conrad, Au cœur des ténèbres, dans laquelle se trouve la citation « Exterminez toutes ces brutes ».


La série suit la colonisation et les multiples génocides, ainsi que leurs conséquences, reliées à l'impérialisme et au suprémacisme blanc

Dans le premier épisode de la série, La troublante conviction de l'ignorance, le cinéaste Raoul Peck se propose d'éclairer les courants entrelacés de haine et de sectarisme qui traversent l'histoire. 

En se concentrant sur l'héritage des États-Unis en tant que puissance coloniale, Peck explore comment la race s'est d'abord institutionnalisée par le pillage du continent africain dans un «gentlemen's agreement», pour aboutir au programme nazi d'«élimination» et ses antécédents en Occident.

Dans le deuxième épisode, P*** de Christophe Colomb, Peck revisite les histoires de Christophe Colomb, de l'Alamo et de la Piste des larmes du point de vue indigène, montrant comment l'histoire « officielle » est façonnée par ceux qui sont au pouvoir, et solidifiée par le mythe et la culture populaire. 

ll examine la « doctrine de la découverte » utilisée pour justifier l'asservissement de millions d'Africains, et questionne sa propre histoire au sein de ces récits.

Dans le troisième volet de la série, Tuer à distance, Peck revient sur les migrations humaines, le commerce et l'armement, et montre comment les Européens ont utilisé l'industrie de l'acier pour mener la guerre toujours plus loin. 

Ensuite, il explore le cycle sans fin de la militarisation à travers les siècles - des efforts de George Washington pour relancer la fabrication d'armes américaines, à la doctrine Monroe, et enfin, aux horreurs des bombardements de civils à Hiroshima et Nagasaki.

Dans le final de la série, Les belles couleurs du fascisme, Peck explore l'impossibilité pour les États-Unis de concilier leur véritable histoire avec ses idéaux de liberté et de démocratie, mettant en lumière la lutte actuelle pour la représentation indigène et l'héritage de l'esclavage face au racisme institutionnalisé. 

Peck relie la résurgence moderne des nationalismes, à l'esclavage, aux génocides en Amérique, au colonialisme et à la Shoah.












RAOUL PECK

Nous sommes des êtres humains, nous sommes des êtres collectifs et nous adhérons à des récits. 

Nous vivons tous les jours accompagnés de récits. 

Le problème, c’est que le récit dominant est un récit réducteur, qu’il faut justement déconstruire et casser. 

D’où l’importance que j’accorde à la place du récit puisque c’est ce qui me permet de toucher l’autre. 

Il est important également dans un récit, d’en montrer la construction. 

J’essaie d’être le plus transparent possible. 

J’essaie de laisser des « espaces » pour que celui à qui ce récit s’adresse puisse réfléchir de son côté, des espaces de réflexion, mais aussi des espaces de questionnement et de contradiction. 

J’œuvre à ce que ma parole ne s’impose pas comme une parole céleste qu’on ne peut mettre en doute. 

Au contraire, souvent, mes phrases se terminent par un point d’interrogation. 

C’est une manière d’impliquer activement celui qui reçoit et de lutter contre ce phénomène qui s’est développé en particulier ces quarante dernières années : les récits nous sont adressés en tant que consommateurs plutôt qu’en tant qu’acteurs.



Et pourtant c’est là toute la beauté de la narration, on le sait quand on est enfant et qu’on lit des livres. 

On peut aussi le voir quand on apprend à lire à un enfant, et qu’on lui raconte une histoire le soir : ses yeux brillent, il participe, il pose des questions, il répond, c’est une relation active. 

C’est loin d’être une simple « consommation » avant d’aller dormir. 

On consomme beaucoup d’images, beaucoup de télévision, beaucoup de films, on est sur son canapé et on engloutit. 

Mais cela crée-t-il de la pensée, du questionnement ? 

Je n’en suis pas sûr. 

Je tente une approche différente. 

Ce film est complexe, oui, mais je donne aussi les clés et les codes de cette complexité, j’en donne la grille de lecture, je ne tente jamais de tromper personne. 

J’essaie de donner au spectateur les instruments de sa propre édification, de sa propre réception du récit, c’est à lui de choisir de les utiliser ou pas.


Notre réalité est complexe, l’histoire est complexe. 

La preuve : pendant 600 ou 700 ans, l’Europe a raconté la même histoire. 

Or, cette histoire est fausse, elle est fausse dans la mesure où elle ne tient pas compte du reste de la planète, de la majorité des humains. 

L’Europe a décidé qu’elle était au centre du monde, elle l’était, économiquement, mais culturellement et philosophiquement la diversité et la multiplicité globale ont été étouffées. 

Elle a annihilé ou, comme le dit Michel-Rolph, a réduit au silence toutes les autres pensées, toutes les autres histoires qui sont pourtant parties prenantes de l’histoire humaine. 

Il faut mettre fin à ce silence, c’est primordial et c’est ce pour quoi j’œuvre.