lundi, janvier 31, 2022


comment 
combiner la perspective 
d’

une personne 

particulière 
à l’intérieur du monde 

avec 

une vue 

objective 
de ce même monde 
susceptible d’inclure la personne 
et son point 
de vue

?




















c’est
 
un problème 

que 
rencontre 
tout être vivant
qui possède la capacité 
et la tendance à transcender 
son point de vue particulier et à 
concevoir le monde 
comme 

un tout 


double thèse selon laquelle premièrement nous sommes susceptibles de connaître des choses et des faits en soi et deuxièmement choses et faits en soi n’appartiennent pas qu’à 

un seul domaine d’objets 

le monde 



















quelle serait
à votre avis la voie la plus directe 
pour parvenir à la perception 
du divin


par l'acceptation 
totale de l'absence de divin 

par la prise de conscience 
que tout votre fonctionnement est 

sans cesse refus 
sans cesse ajournement 




















par la prise de conscience 
que l'on vit uniquement dans la mémoire

que le corps vit 
sans cesse 

dans l'attraction-répulsion

dans la peur

qu'il y a sans cesse cette référence 
à soi-même


cette vision de l'absence de Dieu 
est le premier reflet 
de la divinité


un homme 

se plaignait d'être privé de Dieu 
et Ma Ananda Mayi lui avait répondu

vous vous trouvez maintenant dans l'état 
où Dieu s'exprime par son 
absence


c'est un reflet comme un autre

Dieu se reflète d'abord comme absence ensuite comme présence et ensuite si celui qui a perçu l'absence de Dieu puis la présence de Dieu a la grâce d'abdiquer totalement
il reste 

une évidence



c'est 

cette totale obéissance dont a parlé Eckhart

cette totale acceptation


c'est ce Dieu qui est au-delà du dieu créateur 

et de la créature


le 
dieu créateur 
est 

un dieu limité

il y a 
quelque chose 
qui se trouve au-delà du dieu créateur, 
au-delà des créatures

c'est le vrai Dieu


il n'a pas de forme

il n'appartient 
à aucune religion et toutes les religions 
s'y réfèrent 


c'est 
la lumière qui éclaire 
les états 

de veille
de rêve
de sommeil profond 


c'est ce qui fait que 
si on vous demande à brûle-pourpoint

est-ce que vous êtes

?

vous dites oui

vous dites

je suis

cela
c'est le reflet phénoménal 
de ce Dieu


ce n'est pas 

je suis ceci... je suis cela...

uniquement

Je suis


c'est le cœur



il 

touche

le cœur de la main

 

c'est 

le silence profond 

commun à toutes les traditions

à toutes les religions




















Philippe Beck

Trois poèmes pour Jean-Luc Nancy


ESPACE


à Jean-Luc


1. ESPACE


Espace est la forme de sublime.

L’au-delà ici.






















Il est sens premier.

Et donne à penser.

Livreur, placeur

et réceptivité.

Il place des éléments,

relie pensées de monde

possible.

Broche première est un bouquet

sensible.

Par fleurs côte à côte

ou au large.

Bien.

Il est Forme d’amour,

car am. est arc ou suite

d’atomes bandés, étoffés.

Il lance des tiges principales.

Espace est relation finale

et débutante.

Sentiment commence comme

tension ou étendue de quelqu’un ;

pour quelque chose dehors.

Il s’appelle arc

littéralement.

Cupidon est physicien.


2. CALMEMENT


Nancy, dur ancien,

n’a pas été calmé.

Il est maintenant le sévère

dans le calme,

le traceur impavide

ou impassible,

la voix grave et longue,

où l’autre est logé,

le phrasé tactique

et mieux que ça,

le phrasé disposant,

proposant, entraînant,

le Oui-Long

calmant.

Il est une âpreté

d’un genre neuf ou spécial.

Nancy prend avec.

Au passage ?

Non.

Il est prenant,

et dispose

à être saisi, captivé.

C’est le non-prisonnier

lent et continu,

le libre discret.

Il est mieux que libre ?

Il a un secret,

un fond de sainteté abandonnée.

Et une tendreté

constante,

ou philosophie.

Mais poésie voit sa philosophie,

et il en sourit.


3. BRIQUES


Nancy joue les mots avec les mots.

Il contacte et tresse.

Des phrases sont par terre.

Nancy les met sur table,

posément.

Contacter, c’est poser les mots

un par un, comme des briques aimables.

Il fait un mur de terre.

Pour un bal sur terre.

Ou couche le mur pour partager

dessus. Mur-table,

avec les provisions calmes.


Mais les briques Tudor de maintenant

composent.


Philippe Beck


















Lundi 31.01.22 

11:30

il neige


écrire 

pour écrire pour parler et dire

écrire 

pour construire des lignes de livres 

lignes de mondes et dire


écrire 

pour se dire 

pour se penser et penser




















écrire pour crier


écrire 

pour crier les quatre points cardinaux


donner 

un cri aux mots et aux phrases


écrire 

pour fracturer l’ordre du discours 

briser l’ordre du monde


écrire 

pour dégonder 

le langage la mort des mots d’ordre


dire 

d’

une dimension 

si possible si possible collective


écrire 

pour 

une parole

modes de vie et existence autres


porte-voix d’écriture

dénouer la ressource-langue


faire pivoter les mots 

les phrases suffisent à faire naître tout un monde



remplacer 

les mots par les mots

l’écriture par l’écriture


écrire 

pour questionner

à la jonction des signes qui viennent


a l’épreuve du réel et écrire 

à l’épreuve de l’actuel

et écrire


rien n’est jamais présent

écrire 

pour m’atteindre et mésécrire


écrire 

en moins puisque rien jamais 

ne nous appartient 

en propre



déconstruire  jugement et interprétation

débouter analogie 

désamidonner opposition


mouler 

des infinitifs présents écrire

dans la brèche entre réel et pensée 

entre passé et maintenant

écrire


admettre et évaluer le réel 

écrire on écrit


bifurquer de nouveaux sens

la littérature est un fait de langage


écrire 

pour placer ce fait en état d’émergence

pour restreindre 

l’éloignement du monde


trahir la syntaxe

la grammaticalité des discours


désinformer 

le langage dans le vivant des choses


dire la vie dans les choses

couper les coupes

écrire


intensifier la langue

on écrit


on énonce les chiens pluriels

ce que les hommes 

se font


tremblements
ondulations
frissons de langue
écrire

machiner le monde 
mentir 
démentir
former 
déformer
écrire

un imprévisible à épuiser et avoir un corps 

écrire


expérimenter et entendre les cris

écrire

écrire 

et atteindre où 

l’écriture n’a plus à donner ses raisons


un rire par effraction de langue



Dostoïevski 

je 
ne vous 
laisserai pas
tranquille tant que 
vous n’aurez pas rendu 
compte de chaque victime 
de l’histoire 




























recherche de l’origine de tous les existants

pour 

T.

il y a 

un 
principe
fondamental 

c’est l’eau  

la terre flotte sur l’eau et en émerge  

elle flotte  

à la façon d’un morceau de bois  




















si bien que l’eau  

est le principe de la nature humide qui comprend en soi toutes les choses  

puisque  

retour à la perception  

les cadavres qui se nécrosent se dessèchent 

et que  

les semences de tous les êtres sont humides 


mais pour A c’est plutôt l’air infini invisible  

lorsqu’il est parfaitement réparti  

qui produit tout le reste  

sous l’effet du froid du chaud de l’humide et du mû   devenant plus subtil il devient feu  se condensant il devient vent puis nuage et plus loin encore eau puis terre puis pierres et les autres créatures procèdent de celles-ci  

c’est donc en réalité dans l’air que  

la Terre et les astres aplatis comme des couvercles demeurent en suspens 


chez H enfin  de même que chez Hi de M. c’est  

la condensation et l’épaississement du feu qui engendrent l’air  

puis  

lorsque le feu subit la même action sous une forme plus forte  

et qu’il est ainsi 

tassé encore plus fortement 

il se  

transforme en eau  

et  

sous l’effet d’une plus grande compression encore devient terre  


ainsi

tout naît du feu et 

remonte se dissoudre en lui 



























l’
arbre
c’est déjà 

une arborescence

il procède par divisions 
 
branche du peuplier
branche du vivant
branche généalogique
branche dynastique
branche linguistique… 

elles descendent deux par deux

dans les éléments divers entre les atomes des courbes ou le grain des lignes la division oriente les flux s’empare des découpages trop grossiers pour parfaire 

un réseau

































l’arbre s’étend loin
capte l’espace de tous les éléments pour produire leur consistance

il sort de l’humus en arrange les organismes vient 
courber les traits 
entraîner toutes les cambrures en de singuliers enroulements dont la variation peut se 
poursuivre conquérir 

une limite
franchir les intervalles 
par des racines portées au carré. 

la division se multiplie dans le sol en embranchements de plus en plus fins et se prolonge vers le ciel en bifurcations achevées par des feuilles elles-mêmes développées à l’image de l’arbre présentant des nervures nombreuses des rectangles trapèzes et losanges à perte de vue sous l’infini de ses pousses




























de

Hölderlin à Mallarmé à Antonin Artaud  

la littérature
n'a existé dans son autonomie  
qu'en formant 

une sorte de contre-discours

et en 
remontant ainsi 
de la fonction représentative ou signifiante du langage 
à cet être brut oublié 
depuis le XVIe 
siècle


un stigmate sur les choses

une marque répandue par le monde























sous la poésie des textes

il y a 

la poésie tout court 


tous les mots 
que nous utilisons pour dire 

pays 

sont 
les mêmes 
que les mots pour 

lignes


la 
maison représentée 
en 

une estampe 

sollicite 
aisément le désir d’y habiter 


on sent qu’on

aimerait vivre là

entre les traits même du dessin 

bien gravé



le sage 
n’a-t-il pas connu 
le repos intime dans le mot 

quand 
il parle curieusement de notions 
qui sont des 

huttes 


les mots

je l’imagine souvent 

sont de petites maisons 

avec cave et 

grenier


le geste de construire 

est le geste de la 

poésie


il 

délivre 

ce qui en nous 

est plus que nous 


il rédime 

dans la précarité la confiance


il maintient 

l'esprit d'enfance 



habitation dans la lecture 

en lisant

il nous semble seulement que nous continuons à vivre mais dans 
une autre maison ou un autre pays 
peut-être  

à mesure que nous tournons les pages 
un édifice s'élève
 
qui n'est pas l'histoire 
elle-même 


en Islande 

pas 
de monuments anciens 

pas 
de cathédrales

les sagas 
tiennent lieu de cathédrales



cathédrale de pierre

cathédrale typographique

copies temporelles et mortelles 





























il s'est appris 

la parole la haute pensée et l'art de diriger

la cité


plein d'ingéniosité

il s'est abrité 

du gel des pluies dans des lieux sinon inhabitables

que rien n'entrave 

son avenir
















la seule chose qu'il ne peut fuir

c'est Hadès 


mais quant aux maladies

qui désemparent

il a médité

des remèdes pour en réchapper


*






aucune vérité n’est donc 

plus certaine 
plus absolue 
plus évidente 

que celle-ci 


tout ce qui existe existe pour la poésie 

c’est-à-dire l’univers entier n’est objet qu’à l’égard d’un sujet 

perception que par rapport à 

un esprit percevant 

en 

un mot

il est pure représentation