vendredi, novembre 11, 2022


État d’urgence

Des dizaines des centaines de milliers

Les morts les disparus

Et les survivants 

cherchent les membres de leur famille à secourir à enterrer

Le malheur n’impressionne qu’en masse

Il faut des chiffres

Sans chiffres rien n’a plus d’existence

Des records

Sans records rien n’a plus d’existence

Pour qu’un événement ait droit de cité il faut 

qu’il surpasse tout ce qui est arrivé

Toujours plus



































Toujours plus haut

Comme si 

les montagnes ne cessaient de s’élever

comme si 

les sommets s’étiraient vers le ciel

Mais ce sont des montagnes de morts, 

les sommets de l’Enfer 

et nous sombrons sous les décombres

On a beau expliquer comment l’onde de choc s’est propagée

Dessiner le trajet au millimètre près

Savoir que des îles se sont déplacées

L’explication vient trop tard

Et elle ne sauve rien

Ils parcourent les plages en murmurant des noms en appelant des maris des enfants des femmes ou des amants des parents des êtres humains au corps solide et chaud mais sans le savoir ils ont déjà renoncé et en voulant y croire ils n’y croient plus

Ils cherchent

Ils entendent des voix

Les chiffres sont encore provisoires.

La mer recouvre les corps les rejette à sa guise

On leur apporte à manger et à boire quand ils voudraient 

une vie normale

Une barque de pêcheur

Et retrouver

Un fils perdu

Une femme un mari.

Retrouver

La vie d’avant

Aucune organisation humanitaire ne pourra leur donner.

La vie d’avant

la vie dont ils se plaignaient.

S’ils avaient su

À quel point ils étaient près du bonheur





















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