vendredi, octobre 14, 2022




de 

la lettre 

du voyant à la Bhagavadgītā 

la doctrine du 

non-soi






















la doctrine du non soi en sanskrit Anātman 

distingue le bouddhisme comme 

une déviance 

de la croyance hindoue de l’Ātman 

le soi ou l’essence pure


seulement du point de vue de la non individuation plutôt que du  non soi le  Je est autre  de la lettre du voyant propose une nuance à cet aspect de la doctrine bouddhiste


la présence de Rimbaud  

le Grand Jeu



depuis toujours les poètes usent de leur intelligence et de leur sensibilité pour décrire ou suggérer ce qu’ils considèrent comme l’essence d’un système clos

ils versent des pleurs sur eux-mêmes attachent des rubans aux gerbes des saisons et dérobent aux femmes leur bâton de rouge afin de se dessiner sur la poitrine une plaie émouvante et commode 

pour eux  l’art est de polir joliment une phrase et de tourner avec grâce autour des mystères 

l’enthousiasme leur paraît du dernier commun et ils ne souffrent la passion que dans un cas strictement défini

tout problème métaphysique leur est une manière de scandale

ils sont passés à l’état d’amuseurs publics et semblent s’accommoder fort de cette fonction 

on les étonnerait grandement en leur parlant du pouvoir de la Poésie et en leur annonçant qu’il n’y a de Poésie que du général 

ils ne réfléchissent pas que persona veut dire masque et la dissemblance de leurs visages et de leurs réactions est pour eux le meilleur signe que tout individu constitue un univers parfaitement fermé une personnalité

nul effort de dépouillement chez ces tristes chanteurs



la conception individualiste du Moi est à la base de l’échec poétique éprouvé depuis deux mille ans par le monde occidental

si les vieux imbéciles n’avaient pas trouvé du Moi que la signification fausse nous n’aurions pas à balayer ces millions de squelettes qui depuis un temps infini ont accumulé les produits de leur intelligence borgnesse  en s’en clamant les auteurs !



l’effort de révision des valeurs entrepris par Rimbaud devait aboutir à cette conclusion

la Poésie d’

une race est son plus pur 

reflet 

le monde occidental dominé par une religion et des institutions individualistes ne pouvait produire qu’une poésie appliquée au sensible puisque seul le désir d’unité permet à l’esprit humain d’opérer la synthèse qui le fait remonter à l’idée


par quelle notion du Moi 

Rimbaud prétend-il donc remplacer l’individualisme 

de l’Occident 


souvenons-nous de ses lectures à la bibliothèque de Charleville

la littérature de la Grèce ancienne le fit accéder à la métaphysique de l’Orient dont il retrouva les échos dans ses lectures cabalistiques


Platon le conduisit à Pythagore et de ce dernier il remonta jusqu’aux Mystères orphiques que l’Orient transmit à la Grèce

c’est dans cette somme qu’il convient de chercher la conception de la personnalité proposée par le poète


le Védisme et le Brahmanisme enseignent que l’âme humaine n’est qu’une étincelle du feu universel reflet de Dieu au cœur de sa masse


il n’y a pas de dualité entre Dieu et la création comme l’entend la religion occidentale sous sa forme orthodoxe

cette dualité ne peut se concevoir puisque si l’on admet que Dieu crée un objet en dehors de lui-même il perd sa qualité d’Absolu


Jusqu’ici le problème que crée notre impression actuelle de personnalité reste irrésolu

voyons s’il n’est pas quelque moyen de le vaincre



Dieu parfait est tout amour

or aimer 

c’est prendre conscience d’une dualité

mais comme toute dualité est par nature interdite à l’Absolu le désir de Dieu ne peut que localiser tant qu’il dure des parcelles de sa divinité

ces parcelles ou mieux ces âmes font partie de l’Unité mais ne sont pas l’Unité même 

elles tendent à revenir s’y confondre mais leur limitation momentanée au cœur de l’illimité leur impose une série d’expériences dont le but est la réalisation même de cette Unité


Je Est Autre 

Je Est Dieu En Puissance




l’âme humaine est donc réellement omnisciente puisqu’elle baigne en Dieu mais la plus grande partie de ses pouvoirs est obturée par la matière qui la cerne   et ce que nous nommons centre de conscience n’est en réalité qu’une lueur infiniment faible émanée de la conscience totale

le centre de conscience ne réfléchit qu’une opposition entre la restriction de la connaissance humaine et la possibilité  

d’une science Infinie que l’homme pressent et recherche

cette opposition diffère évidemment d’intensité avec le degré d’évolution atteint par l’âme au cours de ses expériences

le masque 

imposé par la matière est particulier à chaque esprit

autant d’hommes

autant de personnalités


la vraie conscience ne peut se retrouver que par l’oubli de ce que nous nommons ici-bas la conscience


lorsque dans la conversation nous cherchons un nom quelconque sans pouvoir nous le rappeler il n’y a qu’au moment où nous détournons notre attention de cette recherche que le nom perdu se retrouve 

ce phénomène banal m’apparaît singulièrement révélateur de l’obstacle apporté par la conscience à la découverte de la vérité


c’est que celle-ci se confond avec la notion d’unité et que tout acte de conscience tel que nous l’entendons est basé sur l’attention 

or 

faire attention 

c’est 

s’intéresser

et par là même s’individualiser


nous avons vu que les esprits sont réellement en Dieu

d’où cette parole d’un philosophe hindou 


Brahman 

est vrai

le monde 

est faux 

l’âme de l’homme est Brahman et rien d’autre


c’est ce qu’exprime Rimbaud en écrivant  


Je est un autre

il eut aussi bien pu écrire 

Je est Dieu en puissance



pour remonter à la conscience suprême il est essentiel de cultiver en soi l’inattention et le désintérêt puisque leurs contraires nous procurent le sentiment d’une personnalité à jamais distincte et nous amènent à confondre avec la Lumière un seul reflet de son éclat

se désintéresser sur le plan matériel

c’est arriver à l’altruisme

se désintéresser sur le plan psychologique 

c’est parvenir à Dieu



n’est-il pas révélateur de mettre en regard telle phrase du Bhagavad Gîta qui concerne la conception du moi et les lignes qu’écrivit Rimbaud sur le même sujet 

?



celui dont l’esprit 

est égaré par l’orgueil de ses propres lumières 

s’imagine que 

c’est lui-même qui exécute toutes les actions 

résultant des principes 

de sa constitution




L’influence De La Métaphysique Orientale

 


la confusion qu’établit Rimbaud entre la Parole et l’Idée résulte directement de la solution que fournit au problème de la matière la métaphysique dont il est pénétré


on y trouve que le monde existe parce que Dieu le pense et le prononce

Elle dévoile donc entre l’Idée et la Parole une similitude que la simple psychologie humaine vérifie d’ailleurs complètement : 

la pensée même silencieuse s’appuie toujours sur des combinaisons de formes ou de sonorités (ce qui est même chose puisque  les parfums les couleurs et les sons se répondent  et pareillement une pensée particulière naît de chaque combinaison d’harmonies ou de formes

il n’y a 

pas 

d’idée sans parole 

ni 

de parole sans idée


en poursuivant plus loin l’analogie on arrive à réaliser que la Vie ne peut se concevoir sans la Matière non plus que la Matière sans la Vie 

l’une et l’autre ont la même source qui est la pensée divine manifestée par la Parole 

or s’il existe une parenté entre les effets d’une même cause la Vie et la Matière loin de s’opposer doivent être les aspects d’une réalité unique


les différences que présentent ces aspects sont de même nature que celles que l’on constate entre les notes d’un accord musical 

les vibrations rapides engendrent 

des notes aiguës, 

et 

les vibrations lentes 

des note graves 


la Parole divine a  de même façon fait naître des plans successifs dans l’Univers 

et si l’on peut classer les sons en deux grandes catégories 

les sons aigus et les sons graves 

il est également possible de diviser les plans de l’Univers en plan des Idées et plan des réalités sensibles ou encore en monde sans forme et monde de la forme


voici ce qu’écrit Rimbaud à ce sujet 


donc le poète est vraiment voleur de feu ...

si ce qu’il rapporte là-bas a forme il donne forme 

si c’est informe donne de l’informe


en ce qui concerne 

la continuité établie entre l’Esprit et la Matière 

il déclare 

cet avenir sera matérialiste

vous le voyez

lettre du voyant



plus exactement

il faut dire qu’il n’y a ni Esprit ni Matière

mais 

un Esprit-Matière

le monde sans forme dont nous avons parlé n’existe que pour l’observateur qui fonctionne sur le plan sensible

s’il lui était donné au contraire d’être  éveillé  sur le plan des Idées le monde sans forme deviendrait pour lui 

un autre monde de la forme

la distinction n’est qu’empirique 

et relative à l’homme conscient sur le plan physique


la nature des réalités varie avec la fréquence des vibrations qui leur ont donné naissance

un certain nombre est par conséquent assigné à chaque état de l’Esprit-Matière 


toujours pleins 

du Nombre et de l’Harmonie

écrit Rimbaud

ces poèmes 

seront faits pour rester


l’influence pythagoricienne se fait ici nettement jour


nous quittons 

l’Orient pour la Grèce

mais 

nous n’abandonnons pas 

une métaphysique pour une autre



c’est qu’en effet s’il n’est pas historiquement établi que Pythagore fit un voyage aux Indes ou en Égypte il n’en est pas moins vrai que son enseignement est une pure adaptation de l’Orphisme et par conséquent des doctrines orientales :



c’est à la libération de l’élément divin par la possession définitive de l’immortalité bienheureuse que tendent l’initiation et le régime de la vie orphique

le corps n’est pour notre âme qu’une chaîne qu’un tombeau qu’une prison  et du moment que le corps est l’élément impur qui emprisonne l’âme l’homme a le devoir de s’en détacher de s’en dégager... 

notre grand devoir est de nous  purifier 



note 

au 

Phédon de Platon


nous retrouvons ici la notion d’une conscience universelle à laquelle il est possible de remonter par la purification et le détachement du sensible obtenus à travers de multiples expériences

en un mot

toute la métaphysique orientale est là

Pythagore s’attachait particulièrement à l’étude de l’Esprit-Matière dissocié en choses par les vibrations qui les conditionnent et basait spécialement son enseignement sur la science des Nombres

on trouve 

dans le catéchisme des Acoumastiques 


qu’y a-t-il de plus sage

Le Nombre


qu’y a-t-il de plus beau 

L’Harmonie


et chez 

Philolaüs 


toutes les choses qu’il nous est donné de connaître possèdent 

un Nombre 

et rien ne peut être conçu 

sans le Nombre 


ou encore 


l’Harmonie 

est l’unification du multiple

composé 

et l’accord du discordant



Rimbaud conçoit donc au rôle du Nombre dans la Poésie une importance essentiellement métaphysique et pressent des principes plus vastes aux lois de la poétique à venir que ceux de l’acoustique ou de la mnémotechnie empiriquement observées 

fidèle à son système il ne conçoit pas d’opposition entre l’Idée et la Forme non plus qu’entre l’Esprit et la Matière 

en attendant

demandons aux poètes du nouveau  

idées et formes  


exige-t-il



la solution qui logiquement résulte de ce système est de se détacher du sensible qui nous cache les réalités supérieures pour accéder aux domaines que l’intuition pressent

un nouveau mode de connaissance va donc naître  

la Voyance

il ne s’agit point là d’une vision littéraire de la vie comme ont semblé le comprendre jusqu’ici les commentateurs de Rimbaud mais d’une contemplation métaphysique de l’Absolu

le poète doit   être voyant 


à travers 

Pythagore et Platon 

Rimbaud 

accède à la méthode 

que les Grecs empruntèrent à l’Orient


toute poésie antique 

aboutit à la poésie grecque 


commence-t-il 

et 


il achève 

sa lettre par cette affirmation 


Ainsi 

je travaille à me rendre 

voyant






























































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