lundi, septembre 26, 2022

II

Le crépuscule


le crépuscule 

est 

une lumière douteuse

creperum signifie en fait

être dans le doute

c’est-à-dire 

entre la lumière et les ténèbres




















Isidore copie un passage du traité de Varro sur la langue latine, où l’on peut lire que "les choses que l’on dit être des creperae sont douteuses, tout comme au crépuscule on ne sait pas si c’est encore le jour ou déjà la nuit". 

Nous sommes depuis longtemps dans le crépuscule, nous sommes depuis longtemps incapables de faire la différence entre la lumière et les ténèbres, c’est-à-dire entre la vérité et le mensonge. 

Car ceux qui ne savent plus où ils en sont, ceux qui sont dans le doute entre le jour et la nuit ne savent même plus ce qui est vrai et ce qui est faux, et c’est ce doute qu’il faut entretenir à tout prix dans les esprits et les âmes. 

En ce sens, le crépuscule est devenu un paradigme de gouvernement, peut-être le plus efficace, qui mobilise l’appareil des médias et de l’industrie culturelle à son service. 

Ainsi, une société entière vit dans le crépuscule, dans le doute sur la lumière et l’obscurité, sur le vrai et le faux — jusqu’à ce que le doute lui-même se consume et disparaisse et qu’un mensonge répété à tel point qu’on ne peut plus le distinguer de la vérité établisse sa domination désespérée dans tous les domaines et dans tous les ordres. 

Mais une vie qui s’obscurcit dans le mensonge et se ment constamment à elle-même détruit ses propres conditions de survie, n’est plus capable de percevoir la lumière, pas même la "faible lueur" d’une allumette frottée dans la nuit. 

Même ceux qui pensaient régner sur le crépuscule ne savent plus ce qui est vrai et ce qui est faux, où sont les ténèbres et où est la lumière ; et même si quelqu’un persiste à témoigner de la lumière, de cette lumière qui est la vie même des hommes, ils ne peuvent l’écouter. 

Et si le mensonge devenu absolu est cette condition dans laquelle l’espoir n’est plus possible, notre temps vespéraux et crépusculaire est à tous égards désespéré.





















Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire