jeudi, février 25, 2021


je lis

je relie

je collige en copiste

ce qui restera sans signataire possible


je tiens consigne

de ce qui m'est livré en vrac


une entreprise

plus que vaine vouée à s'échouer 

dans l'anonymat 

du vivant





















je pense

en être réduit à tisser

une étoffe

parce que je me retrouve devant

un métier à tisser  quoique vide

et que

je fais le geste de tisser



*


rassembler en recueil 

les passages caractéristiques d'

un texte 


colliger 

des apophtegmes       de toutes provenances


parole 
mémorable 
ayant 

une valeur de maxime















deux jeunes gens entreprennent 

une ascension en haute montagne 

moins expérimenté et surtout  moins courageux  Johann abandonne à mi-chemin son camarade que la colère incite à poursuivre  malgré les dangers que présente la course solitaire

pour tous les deux  la mort est au bout de l'aventure une mort qui apparaît comme un châtiment et aussi comme une ironie du destin

ce qui retient surtout dans ce récit d'une simplicité linéaire  c'est la description de la montagne avec ses pics et ses glaciers  ses déclivités et ses architectures rocheuses  décor impressionnant dans lequel s'inscrit la trajectoire des personnages et  en dépit de leurs motifs plus ou moins avouables leur fulgurante rencontre avec la minute de vérité























où 
en es-tu 
de ta lecture

?

je l'ai laissée en suspens


tu veux dire 
que tu l'as laissée en jachère

?

disons plutôt 
qu'elle se doit de rester irrésolue
pour trouver à se faire et continuer
à agir































un peu 
comme dans
un bain révélateur

?

oui
c'est 

une question 

de fixation et de rémanence
rétinienne avec 
au final

une lecture 
en négatif du texte à lire


*



lire
relève
d'

une forme de géomancie

qui prend appui de l'impact occulte
que recèle en lettres de feu toute trace graphique
dès qu'elle vous fait signe

une simple phrase

prise au hasard est ainsi
en mesure de nouer 

une intrigue

ou 
d'augurer à elle seule
d'

un événement 
si invraisemblable soit-il
































 

selon 
Ludwig Hohl

qui dut se réfugier dans la pénombre d'un sous-sol genevois les dernières années de sa vie la meilleure manière pour progresser dans sa lecture serait de relire incessamment ce que je viens de lire et non de poursuivre ma lecture

m'
interrompre 
à tout moment et reprendre 
à 

zéro

*





















Ludwig Hohl

écrivain rare et exigeant
il n'a publié que peu de livres

en réalité il s'agit bien plutôt de notes prises au jour le jour d'aphorismes  de petits poèmes en prose de rêves transcrits et commentés  ainsi que d'essais  notamment sur la littérature et les auteurs qui lui tiennent à cœur


Notes

un texte 
écrit entre 1934 et 1936 
mais publié en 1944
peut être considéré comme 
son livre majeur.


Ascension 
1975

bref 
mais magnifique roman de montagne 
à la maturation extrêmement lente 
plus de 40 ans 
est le récit 
d'

une dernière course

mais en réalité
il propose 

une méditation 
sur le sens de la vie
sur le destin


bien que de nombreux écrivains comme Max Frisch Friedrich Dürrenmatt Adolf Muschg ou Peter Handke aient pu lui rendre hommage  Ludwig Hohl demeure marginal dans le monde littéraire helvétique  Son fonds d'archives se trouve aux Archives littéraires suisses à Berne



notes

un texte


ascension

une dernière course

une méditation




















en latin


altus

signifie à la fois 

haut et profond


sacer

sacré et maudit






















en français


à jamais

peut 
vouloir 
dire 

pour toujours



personne

il 
s'agit à tour de rôle 
de 

quelqu'un et d'aucun






















ce sont des fictions
 
des fables 
des randonnées 
des apologues
des tableaux
des rêveries
des souvenirs 
des propos rapportés 

on y croise 

des personnages qui portent 
des noms connus 


















Giotto, Novalis, Pierre Jean Jouve, Marcel Duchamp, Robert Walser, Marcel Proust, Arakawa, Caspar David Friedrich, Edgar Varèse, Tadeusz Kantor, Charles Darwin, Emmanuel Hocquard, Barnett Newman, Caravage, Copernic, Roger Laporte, Ludwig Wittgenstein, J.L. Borgès, Fra Angelico, Michel Leiris, Hermann Broch, Hokusaï et son poulet, Roger Caillois, Saenredam, Yves Klein, André Hardellet, Oblomov, Elias Canetti, Hans Henny Jahnn, Pierre Klossowski, Lucio Fontana, Mendéléiev, Bram van Velde, Jacques Roubaud, Khlebnikov et son chien, E.M. Cioran, Roger Lewinter, James Boswell, Jean-Luc Godard, Claude Royet-Journoud, Saul Steinberg et son chat, Ruben Dario, Philip Guston, Yves Bonnefoy, Paul Auster, Sigmund Freud, Harry Mathews, Peter Handke, Jens Peter Jacobsen, Saint-Simon, Jacques Dupin et son singe nommé Boubou, Eugène Fromentin et ses chameaux peints, Pablo Picasso, Joseph Roth, Hans Holbein, Carl von Linné, Edmond Jabès, Robert Musil, Mario Merz et son visiteur vespéral, Ralph Waldo Emerson, Louis Soutter, Samuel Beckett, Hiroshige, Sandro Penna, Piet Mondrian, Jean Jacques Audubon, Pierre Morhange, Leibniz, et d’autres qui sont anonymes. 

il y a aussi 

un flamant rose
un hérisson
des grenouilles
un ourson bien léché
quelques échiquiers

The Traveller’s joy 

disent les anglais de la viorne grimpante parce que sa présence sur les haies qui bordent les chemins indique qu’on s’approche d’un hameau. 

Dans les récits, dans les rêves, dans les livres, dans les pièces de musique, dans les peintures, chez les êtres que nous aimons, comme sur les chemins de randonnée, il y a parfois, épars, cachés, de tels signes de reconnaissance qui font la joie des voyageurs. 

Ils sont fugaces, comme le sable, innombrables... 

Ils attestent la présence d’autre chose comme les ombres désignent ce qui est sous la lumière ou les efforts de ceux qui furent pour hanter le séjour des vivants.










































 

 

comment 

se mettre à lire ce qui est resté

inécrit

?



inécrit et enfoui 

sous les décombres de l'histoire
et qui reste en appel en souffrance
en attente d'être 
lu





































on dit d'
une page blanche
qu'elle reste inécrite 
non-venue à jour impubliable


quelqu'un 
l'aura laissé en 
blanc rendant feuille blanche 
et sans qu'il y ait eu signataire possible







parfois
à ses moments perdus
le lecteur que je suis a tout
loisir de fureter et lire rien qu'à sa guise...