mardi, septembre 01, 2020


je viens de me réveiller

c’est inouï 

avec quelle facilité ses mots coulaient


vous entendiez l’eau du torrent 

contourner les rochers

flot continu diamanté d’instants concentrés

infini


des senteurs mouillées 

vous arrivaient aux narines en ondes activistes réorchestrées 

par des neurones musiciens

















je prends 

son eau dans le creux de ma main 

et porte sa fraîcheur 

à ma bouche


le rêve s’est évanoui

mais la musique du torrent continue à rythmer 

ses instants de plaisir

au jardin 

des cinq sens



qui suis-je 


si par exception 

je m’en rapportais à 

un adage *

en effet 

pourquoi tout ne reviendrait-il pas à savoir 

qui je hante

?



l’opération sacrée

menée sur le langage par Breton 

en continuité 

avec sa volonté de rassembler de partout l’expérience poétique

a déclenché l’histoire souterraine 

de notre siècle




la peinture 

est le seul objet 

qui continue de vivre en soi et pour soi 

mais 

c’est la même chose pour 

un livre 

si c’est 

un vrai livre 


tout le monde 

comprend 

qu’

une partition de musique doit être exécutée 


certes 

il faut savoir la lire 

et on peut l’entendre en silence

mais 

personne n’a l’idée qu’

un tableau doit être joué

et 

un livre d’abord écouté 


qu’est-ce qui se dit 

un drôle 

de je 

qui dit



*

formule généralement ancienne

énonçant 

une vérité admise 

un principe d'action 

ou 

une règle juridique 

voilà cependant un sage un homme profondément religieux qui vient nous répéter après mille autres : que la richesse et la vertu sont brouillées mais sans doute aussi qu'après mille autres il avait répété bien des fois dans sa vie l'antique l'universel l'infaillible adage : 

bien mal acquis ne profite guères

de manière que nous voilà obligés de croire que les richesses fuient également le vice et la vertu



il perdit 

en fait d'histoire et de critique 

beaucoup d'opinions toutes faites

d'adages commodes et de convictions communes



ce vieil adage 

reçut 

une nouvelle confirmation

que là où l'incrédulité règne 

la superstition s'est déjà ouvert 

une porte



il serait 

intéressant de grouper les topiques 

proverbes dictons adages maximes ou sentences morales 

accumulés au cours des siècles

par les chrétiens 

contre l'Évangile. 

on verrait qu'il n'y a pas 

une parole du Sauveur ou de ses amis 

qui ne reçoive chaque jour  

de la prudence humaine  

le démenti le plus insultant




de ses lèvres virginales s'envolent

avec vivacité 

ces adages populaires 

qui contiennent l'expérience et la prudence traditionnelles 

du paysan de chez nous


















le coronavirus

affecte de façon déraisonnable 

notre sensibilité collective et nos mœurs

jusqu’à remettre en cause l’idée même de civilité

argumente le philosophe

BHL


cette fois

nous y sommes




















nous 

regardions interloqués

au début de l’épidémie 

les lointains pays d’Asie porter le masque 

comme 

un seul homme


et nous nous disions 

que leurs traditions de discipline favorisaient 

cette mesure extrême qui 

dans nos contrées 

était inconcevable


or 

est-ce l’effet 

d’

une psychose 

?


de 

la grande misère épistémique 

d’

un pouvoir médical 

qui n’a jamais étalé si naïvement ses revirements 

et ses doutes 

?


est-ce l’obligation que se sont infligée les gouvernements de faire quelque chose, et de le faire coûte que coûte  face à une épidémie exponentielle mais qui ne voit croître  pour le moment ni le nombre des morts ni celui des hospitalisés 

?


les masques se sont abattus

cruels et laids 

comme 

un fatum

sur les visages de chacun


et nous ne pouvons plus marcher dans une rue  flâner ou nous affairer  sortir sur un coup de tête ou poussés par la nécessité  sans nous mettre sur les lèvres et le nez ce bout de tissu chirurgical


tous masqués


tous dissimulés


cacher

déguiser

voiler

camoufler

masquer

couvrir

rentrer

travestir

étouffer

refouler

farder

escamoter

tromper

renfoncer

renfermer

envelopper

dérober

taire

recouvrir

pallier

maquiller

celer

atténuer

tricher

murer

habiller

feindre

concentrer

glisser

frauder

faire semblant

estomper

enfouir

donner le change

abriter

soustraire


et au fond

tous muselés


Oh 

ce n’est pas notre liberté qui est bridée 

ni 

comme le disent les  anti-masque 

notre parole. 


mais 

c’est l’éloquence des visages 

qui n’ont plus à partager 

que les yeux


*



Où donc avaient passé maintenant 

le nain

le portique

l’araignée et tous les chuchotements 


avais-je donc rêvé 


m’étais-je éveillé 


Je me 

trouvai soudain 

parmi de sauvages rochers

seul

abandonné au clair de lune 

solitaire



















tout ce qui est droit 

ment


toute vérité est 

courbée


le temps 

lui-même est 

un cercle





considère cet instant 

de ce portique du moment 

une longue et éternelle rue retourne en arrière 

derrière nous 

il y a 

une éternité




toute chose 

qui sait courir ne doit-elle pas 

avoir parcouru 

cette rue 


toute chose 

qui peut arriver ne doit-elle pas

 être déjà 

arrivée accomplie

passée 

?





















un sentier 

qui montait avec insolence à travers 

les éboulis


un sentier 

méchant et solitaire 

qui ne voulait plus ni des herbes 

ni des buissons


un sentier 

de montagne criait 

sous le défi de mes pas












marchant muet 

sur le crissement moqueur des cailloux

écrasant la pierre qui le faisait glisser 

mon pas se contraignait

à monter