jeudi, août 27, 2020




ÉTÉ 18

FRÉDÉRIC FORTE

entre le 21 juin et le 22 septembre 2018 

chaque jour, 

avec des choses ramassées

planches métal carton ficelle

j’ai fabriqué un poème




Entre le 21 juin et le 22 septembre 2018

chaque jour était un poème

F.F.



Dans son poème Une collecte  Frédéric Forte prélevait des fragments de phrases dans un livre de Marcel Mauss pour les reconfigurer anagrammatiquement : 

C’est d’une collecte encore qu’il s’agit avec Été 18 mais cette fois-ci la contrainte est remplacée par un protocole  la page de l’ethnographe par une journée d’été et le livre est une saison

Les poèmes naissent de la trouvaille  dans ces jours  et d’une opération de bricolage 

Photocopiage mental  avant écriture  de la poésie qu’on a trouvée dans la vie

Enchantement aléatoire comme ces choses intrigantes que l’on glane enfant  sur la plage dont l’origine ne se laisse pas toujours deviner



*



d’après 

Emmanuel Hocquard

il en va de la lecture comme de la pêche à la ligne 

vous pouvez rester 

des heures à ne rien prendre et soudain 

vous prenez quelque chose


Simplement 

il existe 

des livres dans lesquels 

comme 

dans certaines rivières 

ça  mord  plus qu’ailleurs


peut-être 

s’agit-il en premier lieu des livres 

dont l’intérêt réside dans la surface parce que 

la dite surface contient 

une profondeur insoupçonnée


c’est 

une question 

d’énigme et donc 

d’évidence 

 

comment faire un livre qui 

comporte les clés de sa propre élucidation, 

sans rien céder sur l’énigme 

qui le fonde 

Xavier Person à propos d’Hocquard



été 18 de Frédéric Forte par Émilien Chesnot

ici
















 

NATSU NO HOSHI    


étoiles d'été


au même titre que la lune

le fourmillement glacé des étoiles procure

une sorte de plaisir


les vacances qui éloignent des villes

rapprochent des étoiles











le ciel est plus clair 

à la campagne ou au sommet des montagnes

c'est

une période 

de repos 

où l'on apprend

à reconnaître les constellations

celle du Scorpion de la Vierge du Bouvier




fraîcheur d'étoiles

contes d'Andersen

et les autres


déjà l'étoile de métal

des nuits d'été

étoile avant-courrière 
















poésie 


encore et poésie poésie

poétique poésie poésie poésie

poésie poétique de poète poétique


poésie


trop de poésie

!






je suis l'homme

la santé

le parfum

les mots







voici 

la montagne

la montagne ouverte de part en part


voici 

la montagne 

soudain brisée pour que l'œil voie 

le commencement 

du monde

 

et

voici la mer

d'

une vague  l'autre 

il y a 

le temps de la vie


de ses vagues à mes yeux 

il y a 

le temps de la mort



il fait 

probablement déjà jour

quand je me mets 

à rêver


je sais 

que je suis au fond 

d'

une grotte


le mot 

est sur mes lèvres

bien que je ne parle à personne


y a-t-il 

une façon d'être soigneux

de quoi

du sud

en y allant


oui

bientôt

sur le chemin


petite 

lumière de l'amour

petite 

dure de l'amour


oui camélia

écoute légèrement


















nous t'affirmons

méthode 

comme 

la clef de l'amour


fin de l'idylle

Japonaises Guaranies

propres encore à recevoir


des tintements circulent dans tes bras blonds 

quelqu'une des voix

est-elle angélique 

à leur plus simple expression





cette promesse 

cette démence 

!



je n'entre pas 

par la porte du poète

le poème est ouvert sur l'autre versant

je n'entre pas dans le poème  

j'en sors



loin du foyer

et d’autres avec moi 


Être 

un émigrant


dans 

une métropole de foyers

est peut-être facile 


l' 

habitude 

d’

un ciel étranger


nous 

l’acquérons difficilement


comme 

des enfants qui restent 

de face


à mesure que leurs pieds se retirent



présents faits main et mots embarrassés

au cœur humain ne racontent


Rien 



il n’y a 

pas 

de prisonnier 

quand la liberté 

en personne  reste avec toi 


les plus grands profits 

doivent passer l'épreuve des pertes 

pour se constituer comme  

profits







Rien  

est la force

qui rénove le Monde 






















cette histoire 

a commencé sans début 

on peut se souvenir de Tchouang-tseu  


fais plutôt par toi-même l’expérience du non-limité 

évolue là où ne se fait encore 

aucun commencement


contente-toi du vide 







il y a 

le vide du temps qui enveloppe 

tout 


entre 

maintenant et désormais

le temps fut-il 

le temps sera-t-il vide 


nous n’avons aucune prise 


personne

n’est capable de se souvenir 

d’

un seul jour de sa vie


il faut se contenter 

de bribes

de ce qui est resté imprimé

du dérisoire qui cache la forêt


comment 

pourrais-je donc regretter quelque chose 

moi qui ne me suis jamais attaché 

à rien 

?



Tchouang-tseu 

veut faire de l’esprit 

un miroir 


qui accueille 

tout 

et ne conserve 

rien 

















les mots 

de la joie d'hier

consolent la glace aujourd'hui 



l’idée 

était que tout demeurait


le fil 

n’était pas coupé 






on s’accroche 

au meilleur moyen de laisser-faire 

dans 

une forme 

de célébration nue de l’ordinaire 


dans 

cette vie 

où les mots vont trop vite 

le meilleur moyen de laisser-faire 

est d’observer le lent mouvement des autres 

leur cordialité quotidienne

la solitude impossible à combler 

et la répétition 

des heures 



de parler peu 

de ne rien perturber 

et d’être ainsi peut-être heureux


parfois 

nous nous tournions l’un vers l’autre 

en souriant


c’était l’état stationnaire  

on respire lentement

et dans 

un geste tout aussi lent

on laisse pousser 

les végétations du réel


*


c'est 

bien de moi

d'avoir voulu que mon premier livre 

de poèmes s'appelle 

simplement 

Poems


et c'est tout moi aussi 

d'avoir appelé le premier poème 

Innocense et le deuxième Simplicity 


je comparais dès le début 

pour tout de suite exposer ma cause


le premier vers 

du premier poème dit : 


cela ne se peut pas que l'innocence meure



je le croyais 

vraiment en ce temps-là 

et je le crois vraiment aujourd'hui encore 


c'est quelque chose 

d'intrinsèque chez l'homme


et j'attache toujours 

de l'importance à la simplicité


j'ai 

toujours dit 

les choses carrément

carrément et sincèrement


et quoi 

qu'il doive d'être dit

j'essaie 

d'être direct



BLV.WCW