mercredi, juillet 01, 2020





la Tourbe des Philosophes

ouvrage 
d’origine arabe 
qui paraît en Occident 
vers le milieu du XIIe siècle 
affirme 

la royauté du Soleil 











Dieu

dit l’un des interlocuteurs 
a créé tout le monde de quatre éléments
et 

le Soleil en est le maître 

et 

seigneur

mais 



le Rosaire des Philosophes

qui date de la première partie du XIV siècle 
sans contester la primauté solaire 
apporte cependant 
cette précision 


le soleil 

n’est rien d’autre que du vif-argent 

mûr







































quelque chose

m’arrive

quelque chose 

m’arrive à moi



laissez

un homme à ne rien faire et il tombe 

en lui-même



et

le constat est alors là

patent

d’

un manque


le manque de l’essentiel





je résiste 

assez pour ne pas rechuter dans la normalité




il est rare

que la réalité coïncide parfaitement avec l’idée

que l’on s’en fait







alors

il s’est passé

quelque chose d’incroyable



d’autres fois

dans l’avenir

il se passerait aussi des choses incroyables

mais cette fois-là

c’était la première





c’était 

toujours étonnant 

et

c’était comme ça

c’était étonnant 

et

il n’y avait pas de quoi s’étonner




ainsi

je suis convaincu  

vous devriez croire que 

j’en suis convaincu     
   

que parler c’est penser 
        

du moins mon genre de
                                         
parler c’est

une forme de pensée



il y a 

des choses qu’on fait comme ça

qui ne doivent rien

à l’auteur



il faudrait

tout relire tout revoir

pour savoir qui invente

qui est le modèle et qui le reflet.

ce 
qui fut songe 
d’

un crée en l’autre la vie







































Khlebnikov

c’est juste profondément beau!


Quand le lièvre bondit dans la clairière, 
il aperçut les vieux buissons familiers, 
une congère inconnue parmi eux et un bâton noir indubitablement mystérieux qui sortait de cette dernière. 




Le lièvre leva la patte et inclina l’oreille. 

Soudain, 
des yeux brillèrent derrière la congère. 

Ce n’étaient pas des yeux de lièvre, 
lorsque, 
immenses étoiles d’effroi, 
ils s’élèvent au-dessus de la neige. 

A qui appartenaient-ils? à un homme? 

Ou bien ils étaient arrivés ici venant de ce pays des Grands Lièvres où les Lièvres chassent les hommes et où ces derniers sortent timidement de leurs trous la nuit, 
provoquant les coups de feu des tireurs implacables, 
se faufilent dans les potagers pour ronger une tige de tremble ou une tête de chou.

Oui, 
pensa le lièvre,
c’est lui, 
le Grand Lièvre, 
il est venu libérer ses frères du joug offensant de l’homme. 

J’accomplirai donc les rites sacrés de notre pays.

Le lièvre couvrit de ses sauts toute la clairière enneigée, 
tantôt faisant des culbutes élégantes dans l’air, 
tantôt lançant haut ses pattes. 

Pendant ce temps, 
le bâton noir trembla. 

La congère se mit en mouvement et fit un pas en avant. 

De terrifiants yeux bleus brillèrent au-dessus de la neige.

Ah! pensa le lièvre, 
ce n’est pas le Grand Libérateur, 
c’est l’homme.

L’épouvante cloua son corps. 

Il resta là tremblant de tous ses membres jusqu’à ce que le coup de feu, 
l’éclaboussant de sang, 
ne projette haut son corps.


































que 
l’espace ne soit pas 
plat


comment 
peu de gens peuvent gagner 
contre

une grosse armée 

?

le spectre n’est pas 

un fantôme 

en ce qu’il ne cherche pas d’incarnation

il 
est le lieu 
d’

une hantise

il est ouverture à la densité



la 
poésie  
n’est pas 

une Puissance

les religions
les États
le capitalisme
la science
le droit
l’opinion
la télévision

sont des puissances

mais pas

la poésie




la poésie

ne peut pas engager de bataille avec

les puissances



elle mène

une guerre sans bataille 

une guérilla contre les puissances

une limite qu’on déplace devant soi


la poésie a des mains comme la mer

dans la mer nous sommes désarticulés

comme les mots

comme les phrases désarticulées de la poésie

désarticuler

c’est-à-dire

un cri

le cri

































Atelier Albertine

Dans l’univers de Proust  le modèle d’Albertine était un homme et le personnage d’À la recherche du temps perdu a le goût des femmes comme des hommes

Par un savant effet de superposition  Albertine finit d’ailleurs par se confondre avec l’autre grand amour de Marcel dans le roman : Gilberte

Cela valait la peine de démêler les fils  et de faire un point à la fois drôle  décapant et subtil sur cette figure complexe de l’amour dévorant

Anne Carson s’y emploie par brefs fragments dans un livre intense qui constitue le bréviaire de tout proustien, et qui donne envie aux autres de lire la Recherche


9782021375893










































un lieu 

n’
est pas 
qu’

un agrégat 

de pierres
de bois
de terres
de matières

il se compose au moins autant 

des peurs
des souvenirs
des désirs que nos histoires y ont
greffés

le passé est inscrit dans le paysage








rochers verts 
côte-à-côte qui saillent jusque 
dans l’eau

chemin 
qui s’étend le long de rochers 
brûlés

clairière 
circulaire 
aux fins peupliers
elle porte son frère sur son dos 


saules gris forment 

un coude 
dans 
un tournant

lézards 
qui s’enfuient par devant 

chemin 
vers la vie qui va en s’élevant 


les conteurs sont des chasseurs 

et leurs récits sont autant de flèches qu’ils décochent

parler avec les noms 


la sagesse réside dans les lieux


il est préférable d’écrire au sujet 

du peu de chose que l’on croit connaitre 

que de se ronger les sangs 

face aux innombrables difficultés à connaitre 

quoi que ce soit.

Keith Bassa
L’eau se mêle à la boue 
dans 

un bassin à ciel ouvert

zones sensibles
et là-bas 

un jonc oscille


*




Sous la main légère d’

une ondine

Ensemble le soir nous rions

De ce qui n’est plus de ce qui fut

Mais ce jeu singulier

Je l’ai tant aimé  soumise…



Pensez à moi

Je vis dans un piège

J’ai peur des rencontres imprévues

Anna Akhmatova

Poèmes épars et fragments

































il y a ainsi 

une véritable culture 

de l’extrait qui paraît s’être implantée jusque dans les

milieux autorisés 


A tel point que des citations de penseurs aussi déterminants que Nietzsche Deleuze ou Spinoza, viennent de plus en plus fleurir les discours de nombre d’études dites  sérieuses alors même que remis dans le développement desquelles on les a arrachées ces extraits appuyaient parfois le contraire de ce que l’auteur de l’étude entend affirmer

Non lus  Deleuze est résumé par  ritournelle ou   lignes de fuite  Spinoza est athée et Nietzsche est de gauche… 

De penseurs certains ont fait des fabricants d’aphorismes


































des phrases vides de sens

mais qui commençaient

tous le pressentaient

une histoire inquiétante et sauvage 

ce qui débute n’aura pas lieu en dehors de vous


on craignait peu à peu 

ce qu’on lirait le lendemain

mais n’aura pas d’autre époque 

que celle qui vous enterrera











tout cela prit de l’ampleur 

certaines phrases troublèrent davantage

nous sommes trop jeunes pour vos souvenirs

puis

en palimpsestes

les inscriptions ont commencé par détourner les anciennes 

incluant certains mots

transformant leur sens

demain encore hier



































c'est toujours comme 

une petite vague 

qui remonte en moi et me réchauffe

même dans les moments les plus difficiles 

comme la vie est belle pourtant !

c'est un sentiment inexplicable

il ne trouve 

aucun appui dans la réalité que nous vivons 

mais n'existe-t-il pas 

d'autre réalité que celle qui s'offre à nous 

dans le journal et dans les conversations 

irréfléchies et exaltées 

des gens affolés ? 








il y a aussi la réalité de ce petit cyclamen rose indien et celle du vaste horizon que l'on finit toujours par découvrir au-delà des tumultes et du chaos de l'époque  Etty Hillesum